Un jour en 2001, j’ai rencontré l’homme de ma vie. Il ressemblait à un jeune éphèbe, était bougrement intelligent, attentionné au possible et il avait le sourire de JFK dans ses bons jours. À vrai dire, il n’avait qu’un défaut, il était parfait.
J’ai beaucoup espéré en faire le futur père de mes enfants. Non pas que je fantasme ma vie (naaaaaaaaaaaan, pas DU TOUT mon genre), mais là, il avait vraiment la tête de l’emploi. C’était le gendre idéal personnifié, l’archétype du mec à côté de qui on est fière de faire la queue au cinéma. Je nous voyais déjà, nous promenant le soir sur la plage, lui poussant le landau et moi tenant la main de l’aîné (oui, chacun ses rêves, et parfois c’est sympa de rêver d’un Monospace, comme Bénabar !)
Ca a commencé à se compliquer quand j’ai voulu avoir des vraies-conversations-personnelles-et-intimes avec lui (c’est le problème des filles, ça, on cherche à parler au garçon qui nous plaît). J’ai découvert le travers de mon M. Propre : il joue à l’huître qui se cache dès qu’on le frôle. Ensemble, on a parlé de tas de choses passionnantes, culture générale oblige : histoire, art, ciné, opéra, voyages, tout y est passé. Mais après plusieurs semaines, plusieurs mois, des années même (oui parce qu’au final, en comptant ça fait au bas mot cinq ans que je le connais !), je ne sais rien de lui, rien qui ne soit VRAIMENT de lui. Et en général, après une demi-heure de discussions-question-pour-une-championne sur le thème de la dernière épreuve de l’agreg de philo, je préfère m’éclipser parce que 1) je n’aime pas les jeux télévisés 2) j’ai pas envie de perdre 3) y’a mon pote Pedro qui passe justement à côté de moi à ce moment là et dont je connais toutes les facettes intimes et qui me fait hurler de rire.
D’ailleurs, on ne rigole pas franchement avec le M. Propre. En dehors des fins de soirée où tout le monde rit de toute façon de tout et surtout de rien, et à part les gentils petits rires polis et discrets sur la dernière énormité de notre prof commun, rien d’humoristique avec ce jeune homme. Il est parfait, il est intelligent et intéressant, mais qu’est-ce qu’il peut être chiant !
En réalité, le problème n’est pas tant qu’il me laisse de marbre, mais qu’il semble fait de marbre. Rire avec quelqu’un présuppose, en effet, d’être entré dans son intimité, au moins psychologique, d’avoir pénétré une seconde couche dans l’intimité, pour pouvoir passer dans l’ironie, le foutage de gueule, la moquerie, l’autodérision voire la blague bien grasse et bien lourde, mais qu’on ne peut s’empêcher d’énoncer. Là est toute la solution du problème. Chaque fois que je le vois, je me sens obligée d’avoir l’air encore plus joli et intelligent que d’habitude, ce qui doit sans doute me donner une allure de coincée détestable !
M. Propre est une énigme. Toutes les filles que je connais le trouvent sublime (même s’il a le regard un peu fixe du mérou endormi, c’est son côté M. Propre, tout de même), mais aucune n’a encore réussi à percer son mystère. On ne peut même pas dire qu’il soit froid, puisqu’il est avenant, souriant et sympathique (il est parfait, on vous dit !). Il est, en réalité, tout simplement inatteignable, même lorsque l’on met des talons aiguilles !
On se voyait toujours régulièrement, il était toujours aussi charmant, mais j’en ai eu assez de ramer dans l’aligot. Un jour, mes espoirs ont été définitivement ruinés. On devait aller passer une journée à Strasbourg, histoire de voir ce marché de Noël tant réputé. De week end en week end, je ne pouvais pas pour X raisons. Puis un jour, j’ai pu. Je me suis dit que l’occasion de découvrir le M. Propre intime était venue. Toute guillerette, je lui dis "alors, prêt pour la découverte du Grand Est ?" en me disant que ce week end allait nous réserver sans doute bien d’autres découvertes. Et là, il me répond, poliment comme toujours : "oh, mais en fait, j’y suis allé avec un autre copain le week end dernier, désolé". J’ai compris que jamais je ne découvrirai la face cachée du M. Propre.
On continue de se voir très régulièrement. D’ailleurs, en ce moment, il est particulièrement beau, il est tout bronzé et il me sourit toute la journée. Mais rien à faire, un blanc aussi éclatant (même celui de ses dents) , c’est froid.
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Les Commentaires
Les gens parfaits sont toujours trop gentils. Je ne supporte pas ça, ça me donne envie de les secouer et de leur crier de vivre.