Le 24 août dernier, j’ai eu 25 ans. Et j’en ai fait tout un putain de foin parce que je voyais ça comme LE premier cap de ma vie d’adulte, le symbole ultime de la maturité, et surtout, parce que j’avais déjà une image précise de ce que je voulais être à cet âge depuis longtemps. Quand j’avais huit ans, j’imaginais mes 25 ans comme l’âge symbolique de l’accomplissement d’une vie, et j’ai dû me faire à l’idée que je ne serai jamais la femme que je me voyais devenir à cet âge.
Déjà, je croyais que j’aurais des jambes d’adulte, sans bleus ni cicatrices. Aujourd’hui j’ai cinq cicatrices et deux bleus sur le genou gauche et quatre cicatrices et trois bleus sur le genou droit. Du coup, forcément, je déteste mes jambes et je ne les montre jamais. Je suppose que je peux dire adieu à ce rêve.
D’ailleurs, je me voyais bien prendre des cours de yoga, aller à la salle de sport et entretenir mon corps de rêve en faisant mon footing à l’aube dans un grand parc tout propre et fleuri – mais je préfère garder ma cellulite et l’entretenir au chaud, sous la couette, devant mes séries en mangeant des Doritos. Je suis pas une grande sportive, je ne l’ai jamais été, et au fond, je n’ai jamais voulu l’être – alors ça va bien deux minutes les conneries de mode de vie sain, mais c’est pas pour moi. Pas pour l’instant en tout cas. On en reparlera quand je pourrai plus monter les escalier sans cracher mes poumons (on me dit dans l’oreillette que ce stade a été dépassé depuis longtemps… TANT PIS, MERCI LES ASCENSEURS).
Je croyais que je serais une “vraie” adulte. Calme, sage, responsable, posée, sereine, sûre d’elle, au top de sa carrière, bref, un truc qui existe pas quoi. Enfin pas dans ma ligne de vie en tout cas, parce qu’à moins de changer radicalement de personnalité, je vois pas bien comment ce serait possible. Ça ne fait pas partie de mon ADN, et je crois que c’est tant mieux. Je m’inquiéterais le jour où on arrêtera de me dire que je ne suis pas normale/humaine/claire.
Je croyais que j’adorerais m’occuper de ma paperasse – j’enviais les piles de papiers divers entassés sur le bureau de ma mère, je trouvais ça super cool de passer son dimanche à écrire et signer des trucs, et trier des tonnes et des tonnes de feuilles volantes me semblait parfaitement agréable comme activité. Aujourd’hui, j’ai toujours besoin de l’aide d’au moins six personnes pour remplir ma déclaration d’impôts, et d’ailleurs je connais toujours pas mes tables de multiplications et je sais pas calculer les pourcentages, alors je suis bien dans la merde. L’administration, c’est la mort. La paperasse, c’est la mort. Les responsabilités d’adulte, c’est la mort.
Je croyais que je ferais quelques années d’études passionnantes passées dans une université à mi-chemin entre les campus américain et Hélène et les Garçons, avec de grands amphithéâtres, des bouquins de cours épais comme des bibles, des séances de révisions façon La Revanche d’une Blonde et une bibliothèque de fac à douze étages avec des ouvrages incroyables sur tous les sujets (et forcément, comme dans tout bon film d’horreur à la sauce sorcellerie, des gros grimoires et volumes poussiéreux sur les démons calés entre deux volumes de Guerre et Paix). En fait, mes deux années de fac ne m’ont rien apporté sur le plan intellectuel
– j’ai vécu des super trucs avec mes camarades d’amphi, mais bizarrement, je n’ai pas été passionnée pas la civilisation britannique. Ça parle pas assez de koalas et de tueurs masqués. Si les cours avaient été donnés par Booba, j’aurais peut-être changé d’avis, allez savoir.
Ensuite, j’imaginais une carrière encore plus hallucinante, dans un métier non-défini, quelque part entre Indiana Jones et Carrie Bradshaw. Je me voyais taper sur ma machine à écrire pendant des heures, publier 89 livres tous aussi acclamés les uns que les autres, écrire des articles pour toutes les publications du monde, raconter ma vie en douze tomes, voyager dans des endroits incroyables, terrifiants, époustouflants – généralement avec plein d’animaux à papouiller dans le coin. Finalement, j’en suis pas suuuuper loin – je vis de ma plume, allo le rêve, et en plus je parle d’animaux. Que je ne papouille pas encore, mais bientôt. Et puis ça m’a permis de visiter l’Islande, alors allez savoir ce qui m’attend pour la suite.
Côté coeur, évidemment, je me voyais avec Leonardo DiCaprio – mais il a mal vieilli alors je le vis pas trop mal. J’attends toujours la déclaration de Joseph Gordon-Levitt, mais en attendant j’apprends à ne pas reproduire les erreurs que j’ai vues s’accumuler autour de moi. Ma vie sentimentale n’a rien d’une comédie romantique – et heureusement, à force de se courir après sous la pluie en se faisant des déclarations larmoyantes, on se retrouve à se morver dessus sous un plaid devant Louis la Brocante, alors merci mais non merci. Je préfère ma réalité, gardez vos scénars alambiqués pour vos mondes fictifs, je suis bien là où je suis. Malgré tout ce que vous avez pu entendre, rien ne surpassera jamais le réel. Le bonheur se trouve dans la simplicité, pas dans les drames et les grandes démonstrations.
Aujourd’hui, après quelques jours passés dans la vie d’une femme de 25 ans, je ne pourrais pas être plus satisfaite. Ça n’a pas grand chose à voir avec ce que j’imaginais, parce qu’en fait c’est beaucoup mieux. Je fais le boulot de mes rêves, j’ai des potes qui défoncent, une famille incroyable, je commence à m’apprivoiser et à bien kiffer ce que je deviens, et je me prédis encore quelques bonnes grosses années de kiffouze bien grasse. Et quand je vois tous les trentenaires de mon entourage qui passent, semble-t-il, les meilleurs moments de leur vie, quelque chose me dit que ce qui m’attend n’a rien de flippant, bien au contraire.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
- des escarpins à (hauts) talons
- une voiture puissante. Rouge. Un peu à la K2000 (merci les séries US !)
Et donc, un boulot bien payé, pour pouvoir me payer tout ça.
Au final, je sais toujours pas ce que je veux faire de ma vie, je me tâte pour recommencer de nouvelles études, mon pied est ni assez grand ni assez cambré pour porter des talons très hauts plus de dix minutes sans pleurer, et j'ai même pas le permis !