Les enfants, prenez donc une page blanche (ou si vous êtes une nana 2.0, ouvrez une page word) et au boulot.
Si vous souhaitez faire ce test, posez-vous simplement cette question : qui suis-je ? Notez le plus spontanément possible 20 réponses, en répondant sous forme écrite et de façon simple.
TIC
TOC
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*** Interlude ***
Vos 20 mots, qualificatifs ou bouts de phrases sont trouvés ? Vous n’avez pas tenté de la jouer margouline et de lire les résultats AVANT de faire le test, hein ?
Eh bien voilà : créé par Kuhn et Mc Partland en 1954*, le test du « qui suis-je » (nommé en version originale « Twenty Statement Test ») n’a pourtant pas tant pour but de trifouiller notre âme profonde que de réfléchir sur un sujet cher aux psychologues sociaux : quels labels utilise-t-on pour se définir ? Comment parle-t-on de soi ? Comment décrit-on notre identité ?
En moyenne**, les résultats montrent les choses suivantes :
Réponses 1 à 4 : les étiquettes sociales
Nous avons tendance à nous présenter en termes de catégories sociales, de statuts sociaux… J’ai tel rôle, tel statut et j’appartiens à tel groupe. Je suis une fille, j’ai 25 ans, je suis psychologue. Je suis de telle mouvance politique. Je suis féministe. Vous voyez ? Tout ce qui peut nous constituer socialement, nous l’érigeons au premier plan de nos propres auto-descriptions.
Ce qui personnellement m’interroge : est-ce une forme de « bouclier social » ? Un moyen de se rassurer et de dire que si nous existons au travers de la société, nous existons vraiment ? Un réflexe normatif ? Que répondrait Lady Gaga ?
Réponses 5 à 8 : étiquettes sociales et références personnelles, le mash up
Peu à peu, les étiquettes sociales se mélangent avec ce que les auteurs appellent les « réponses subconsensuelles ». Des réponses plus subjectives et idiosyncratiques faisant appel à des références personnelles (goûts, états, émotions…) : je suis heureuse, je suis troublée, j’aime la musique (Matt Pokora ?), la pizza et les olives vertes…
Réponses 9 à 20 : caractéristiques personnelles only
Les catégories sociales ont totalement disparu et nous nous vautrons alors dans la plus introspective des introspections… J’aime le goût du nutella glacé, avoir l’odeur du basilic en plein dans le pif (chacun son truc, don’t judge me quoi) et le vernis fluo.
Autrement dit, pour nous décrire nous irions d’un pôle social à un pôle plus personnel… C’est ce que nous explique Gordon (1968) qui, après avoir infligé cette technique à 156 étudiant(e)s et effectué une analyse de contenu, distingue 5 catégories de réponses :
- Les appartenances de l’individu dès la naissance (sexe, nationalité, appartenance ethnique, religieuse…),
- Les rôles familiaux (fille, soeur…), appartenances politiques et professionnelles,
- Identifications abstraites, existentielles et convictions idéologiques, – Intérêts et activités,
- Caractéristiques personnelles (valeurs, autonomie, compétences…).
De ces observations ont découlé de nombreuses réflexions sur la notion d’identité.
Parmi elles, la Théorie de l’Identité Sociale de Tajfel et Turner pose trois grands principes :
- Les individus tentent de maintenir ou d’accéder à une identité sociale positive (personne n’a envie de rejoindre le groupe des Losers, et je parle des vrais Losers, pas des Losers cools à la Misfits) (le concept « Everybody is a star » règle ce problème, ma foi),
- Cette identité sociale positive est essentiellement basée sur des comparaisons favorables entre notre groupe d’appartenance et d’autres groupes (vous voulez bien me dire à quoi ça peut servir d’être dans le groupe des cools s’il n’y a pas un groupe non-cool à dézinguer en face ?)
- Si d’aventure le maintien d’une identité sociale positive n’est pas possible, nous tentons soit de quitter notre groupe pour rejoindre un groupe plus positif soit de rendre notre groupe plus positif (façon ciné « Elle est trop bien pour toi »***, TMTC disent les jeunes)(je ne crois pas que les nouveaux jeunes aient eu la chance inouïe d’assister aux débuts d’Anna Paquin, ceci dit).
Si on résume tout ça : la production d’une connaissance de soi passerait d’abord par nos casquettes sociales (parce qu’elles sont plus simples à brandir ? Engendrent moins de questions ? Parce qu’avoir un chouette statut social est socialement valorisé ?) et la préservation d’une identité sociale positive pourrait bien faire partie de nos priorités, voire de nos besoins.
Dans le tome « présentation de soi » de sa Mise en scène de la vie quotidienne, le sociologue Erwing Goffman perçoit la vie sociale comme une scène de théâtre avec ses acteurs (nous), son public (autrui) et ses coulisses (l’espace où nous pourrions ne pas être les mêmes que sur cette scène). Finalement, nous nous mettons en scène et pourrions bien avoir plusieurs rôles sans que l’un soit nécessairement plus vrai que l’autre…
Et vous savez ce qui serait drôlement intéressant ? Compiler toutes nos bios Twitter et étudier la présentation de soi au travers de ce média-là : est-ce que les bios correspondraient au Twenty Statement Test ? Et maintenant, twist final : et si jamais on fout un coup de « menace du stéréotype » juste avant de faire passer le test « qui suis-je », ça donne quoi (OUI cette question s’apparente presque à une interrogation surprise) ?
* Petite digression : si le « test » a été mis au point en 1954, il est toutefois toujours d’actualité et reste utilisé notamment lors de recherches interculturelles. ** En moyenne, c’est-à-dire « selon les statistiques, la majeure partie des gens disent/font… »… Ce qui signifie qu’il y a peut-être quelqu’un là-bas au fond pour qui cela n’a pas fonctionné ;) *** Je vous fais le pitch pour les malheureuses qui auraient loupé ce chef d’oeuvre cinématographique : dans un lycée ricain, un type trop cool vit sa vie de type trop cool, jusqu’au jour où sa nana trop cool le largue. Fichtre, mais comment est-il censé devenir le Prom King, alors ? Stupéfaction et intrigue intense, il se met en tête de sortir avec une nana non-cool et moche (= une jolie fille avec des grosses lunettes et des fringues trop grandes).
Pour aller plus loin :
- Un extrait « Google book » de l’ouvrage Stéréotypes, discrimination et relations intergroupes (+/- p75 pour des notions d’identité sociale)
- Une recherche d’Ahmed Mohamed, « Vivre son adolescence à la croisée de deux cultures. Entre crise identitaire, rupture, délinquance et galère »
- Pour les plus motivées, un lien recensant plusieurs études en relation avec le Twenty statement test.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Pareil, j'ai fait la même démarche que toi. Ce devait être tellement évident pour moi mon genre mon âge et mon occupation que j'ai seulement listé des dénominations qui peuvent me définir globalement de mon propre point de vue, en entière ou bien des parties de ma personnalité. Du coup, ça colle pas du tout avec le test, mais alors absolument pas !
Sauf peut-être pour ma situation au sein de ma famille dans les derniers points.