— Initialement publié le 22 novembre 2015
Avez-vous déjà entendu parler de l’application Lucky Cactus ? Le concept semble à la fois complètement génial et complètement nul : en tapotant le cactus sur votre écran, vous aurez peut-être de la chance… ou peut-être pas.
Évidemment, s’il s’avère que vous gagnez le pactole à l’Euromillion juste après avoir tapoté votre cactus, vous pourriez être tenté•es de croire que la plante a joué son rôle à la perfection…
Selon la psychologie sociale, vous êtes en train de faire une « attribution causale » : vous expliquez un événement, plus particulièrement un événement qui vous arrive, par une cause (en l’occurrence, par le pouvoir du cactus).
Échecs ou réussites ?
On fait un test ? Je vous propose de prendre une feuille, un stylo (ou une page Word et votre clavier, c’est vous qui voyez), et de créer deux colonnes.
- Dans la première, listez trois événements de votre vie que vous voyez comme des échecs, et trois qui seraient plutôt des réussites.
- Dans la seconde colonne, notez en face de chaque événement les raisons pour lesquelles vous avez échoué ou réussi.
Après ce petit exercice, observez la manière dont vous avez répondu : à quoi attribuez-vous vos échecs ou vos réussites ?
Pensez-vous que vous réussissez ou échouez du fait de causes « internes » (vous avez réussi cet examen parce que vous avez étudié, cette compétition parce que vous vous êtes entraîné•e) ou de causes « externes » (parce que vous avez eu de la chance, parce que le hasard a joué en votre faveur, parce que le sujet était simple) ?
Des attributions causales internes et externes
Vous l’avez peut-être compris, il existerait deux types d’attributions causales !
- Les causalités internes, c’est-à-dire qui relèvent de la personne
- Les causalités externes, c’est-à-dire qui relèvent du contexte, des circonstances, du hasard.
Nous pouvons faire des attributions causales à propos de ce qui nous arrive à nous (on appellera cela des « auto-attributions ») ou à propos de ce qui arrive aux autres (dans ce cas, ce sera de « l’hétéro-attribution »).
Très souvent, elles sont biaisées – c’est-à-dire qu’elles ne sont pas tout à fait justes, pas tout à fait complètes…
Par exemple, il existerait un « biais d’auto-complaisance » : nous aurions tendance à attribuer nos réussites à des causes internes
(à nos incroyables qualités et efforts) et nos échecs à des facteurs externes (à la météo, à la sévérité du prof, etc.).
L’erreur fondamentale d’attribution
Nous pourrions également être soumis à un autre biais : « l’erreur fondamentale d’attribution » (qui peut parfois être nommée « biais d’internalité »), qui désigne notre tendance à surdéterminer le rôle de la personne pour expliquer son comportement (et donc sous-estimer largement les facteurs extérieurs, les circonstances, le contexte…).
La première expérience montrant ce phénomène date de 1977 : à l’époque, le psychologue Lee Ross (et al.) sollicite deux volontaires. Il demandera à l’un•e d’entre eux/elles de jouer le rôle du/de la « questionneur•se », et à l’autre de jouer le/la « questionné•e ».
Le/La questionneur•se doit rédiger des questions de culture générale et les poser au/à la questionné•e. Ensuite, Lee Ross demande à d’autres volontaires d’observer la scène et d’évaluer le niveau de culture et d’intelligence des deux individus.
Vous savez quoi ? Quasi-systématiquement, la personne questionnée est vue comme plus cultivée et plus intelligente… alors même que les rôles ont été tirés au sort !
Pourquoi fait-on cela ?
Pourquoi attribue-t-on à chacun la responsabilité de sa conduite, de ce qui arrive, en sous-estimant l’importance du contexte ?
Les psychologues suggèrent plusieurs réponses : pour vivre sereinement, nous aurions besoin d’avoir une sensation de contrôle sur nos vies (il serait très difficile de se dire et d’accepter que la vie est une somme de choses hasardeuses), une impression de justice (chacun•e a ce qu’il/elle mérite).
Il nous serait également nécessaire selon eux d’avoir des facilités de compréhension : généralement, les explications internes sont simples… il est plus facile de dire qu’untel/unetelle a obtenu une bonne note parce qu’il/elle a étudié que d’expliquer par exemple qu’untel/unetelle a eu une bonne note parce qu’il/elle a étudié ET que ses parents ont une situation socio-économique telle qu’ils ont pu l’aider ET que le professeur a été attentif à sa réussite, etc.
Nous ne réussissons pas un examen grâce à une seule raison, de même que nous ne loupons pas notre permis de conduire juste pour un seul facteur…
Lors de nos auto-attributions, nous devrions veiller à ne pas nous blâmer systématiquement, ou au contraire à toujours imputer la responsabilité de ce qui arrive aux circonstances extérieures.
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Lors des hétéro-attributions, par besoin de contrôle, de justice et par facilité, nous pourrions être tenté•es par « l’imputation de responsabilité » : juger que l’autre est tout à fait responsable de ce qui lui arrive (les chômeur•ses qui ne chercheraient pas de travail, les victimes d’agressions sexuelles qui l’auraient bien cherché – vous voyez le délire). Cela évite de remettre en cause notre système, notre société…
Si nous étions des êtres rationnels, nous saurions et nous accepterions que tout ce qui nous arrive et tout ce qui arrive à autrui est sans doute un mélange de causes internes et de causes externes, et que toutes ces causes sont en interaction…
Nous ne serons peut-être jamais des gens tout à fait rationnels, mais peut-être que nous pouvons avancer les yeux ouverts, conscient•es de tous ces biais, vers plus de bienveillance envers les autres… et envers nous-même.
Pour aller plus loin :
- L’erreur fondamentale d’attribution, une vidéo de Canal-u TV
- Moscovici, Serge, Psychologie sociale des relations à autrui, Université du Québec
- « Psychologie des attributions causales », Sciences & pseudo-sciences
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Les Commentaires
La première chose qui me vient à l'esprit quand je dois penser à mes réussites et mes échecs (en dehors des causes évidentes) c'est qu'en général, si je suis optimiste et que je pense que je vais réussir, alors je réussis et si je pense que je ne vais pas y arriver alors je n'y arrive pas. Du coup, j'ai tendance à penser que l'optimisme ou le pessimisme a une influence énorme sur le résultat.
Je sais que trop d'optimisme peut ne pas être bon - par exemple si j'ai trop confiance en moi pour un examen, je ne bosse pas assez et c'est la cata - sauf que je ne crois pas que ça me soit arrivé. Si je reste positive tout roule et ça se casse la figure dès que je cesse d'y croire. Bizarre.
Après, j'ai fait un petit peu de thérapie de gestion de l'échec, du coup quand quelque chose ne marche pas, je me dis que c'est pour le meilleur, que ça n'était pas supposé se passer comme ça parce que je dois rester disponible pour quelque chose d'encore mieux plus tard. Bon, je m'éloigne du sujet, mais ça marche super bien !