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Lisez « La Mémoire de l’eau », le premier texte gagnant de notre atelier d’écriture

L’atelier d’écriture Autrices de madmoiZelle a lieu tous les mois. À l’issue de cet évènement, un texte est choisi par l’autrice invitée et la rédaction pour être publié. Cette semaine c’est au très beau La Mémoire de l’eau, sur le thème de l’amitié féminine, de vous envoûter.
Bravo à Elise pour son très beau texte La Mémoire de l’eau, qui par son humour et sa délicatesse a su conquérir le cœur de l’autrice Capucine Delattre et la rédaction de madmoiZelle lors de l’atelier d’écriture Autrices, organisé par madmoiZelle. Elise est la première participante à voir son texte publié.

Quatre heures de l’après-midi et pas l’ombre d’un chapeau rose à plumes en vue.

Isabelle avait en horreur ce chapeau hideux. Elle ne s’était pas priée pour faire remarquer le manque de goût de son amie.

Adélaïde avait rétorqué que l’accoutrement de son acolyte était immonde et pourtant cela ne l’empêchait pas de lui prendre le bras pour se promener. Isabelle eut un sourire pincé et claqua la langue d’agacement. Adélaïde était en retard de vingt minutes.

« Pas loin de 80 ans qu’elle est en retard, celle-là », maugréa-t-elle en réajustant son gilet et en en s’asseyant plus profond dans sa chaise. Elle avait jeté son dévolu sur un petit café avec une jolie terrasse qui faisait face à l’océan.

L’océan, c’était le principal public de toute leur vie. Le témoin de leurs confidences depuis l’enfance et le spectateur de leur âge avancé désormais.

Petites, Adélaïde et Isabelle avaient passé le plus clair de leur temps sur la grande plage qui se trouvait aux pieds de leurs maisons respectives. Un jour où la mer était capricieuse et les vagues trop fortes pour les deux aventurières, elles avaient cherché des coquillages pour passer le temps.

« Regarde Isa celui-là on dirait un nuage ! Il est un peu rose en plus ! » 

La fillette avait brandi fièrement sous le nez d’Isabelle un coquillage avec de fins arrondis et une couleur rose nacrée.

« Je te le donne si tu veux. »

« Pourquoi ? J’aime pas le rose moi, garde le. »

« Oui mais ça me fait plaisir de te le donner. »

Adélaïde avait fourré avec autorité le coquillage dans sa main. Isabelle avait murmuré un merci, et une drôle de sensation s’était emparée de son cœur. Adélaïde était déjà repartie en quête de nouvelles trouvailles et Isabelle s’était mise aussi en route afin de dénicher un coquillage encore plus beau pour lui offrir.

 Enfin ! Le chapeau rose à plumes se fit voir au loin.

Une petite dame aux cheveux gris très bien coiffés se tenait en dessous et agitait la main d’une manière enfantine vers Isabelle. Adélaïde la rejoint avec énergie et planta un baiser sonore sur le front de son amie pendant que cette dernière bougonnait avec affection :

« J’espère que tu n’as pas ta saleté de rouge à lèvres, je vais avoir l’air de quoi moi ? »

« Tu seras plus belle, répliqua Adélaïde en prenant place en face de son amie., Qu’est-ce qu’on boit ? »

« A nos âges que veux-tu qu’on boive ? »

« Ce que tu es bougonne ! Mais soit. Garçon ! Deux limonades s’il vous plaît. Oh je ne t’ai pas dit, ma fille vient me voir jeudi et elle va me présenter son nouveau garçon ! s’extasia Adélaïde. »

« Encore ? Mais combien t’en as des petits-fils ? »

« Oh mais tais-toi enfin ! Donc, elle vient jeudi avec son mari et tous ses enfants, ce que je suis contente ! »

Isabelle n’avait connu qu’un seul homme, Adélaïde avait longtemps cherché le bon puis n’avait plus vraiment cherché. Puis un jour, Isabelle l’avait retrouvé en larmes sur leur plage de cœur. Il y avait beaucoup de vent ce soir-là, le temps était gris, l’atmosphère orageuse et le chagrin grondait en Isabelle mais elle avait tout de même couru auprès de son amie.

« Ady !! Pourquoi tu pleures ? »

« Elle lui avait adressé un regard embué. »

« Il est parti, avait-elle murmuré dans un souffle. »

« Bah c’était qu’un idiot après tout ! Bon débarras, avait pesté après un silence Isabelle. »

« …. Je suis enceinte, avait alors lâché la plus jeune. »

Isabelle avait accusé le coup, elle s’assit à côté de son amie et la prit fort dans ses bras.

« Je t’aiderai. Viens vivre chez moi. Léon dira rien, il sait que t’es ma sœur dans mon cœur. »

« Mais que vont dire les gens ? »

« Qu’ils osent parler devant moi ! Les baffes je sais en mettre. »

Adélaïde avait ri et s’était blotti contre Isabelle. Elle avait scruté le visage d’ordinaire imperturbable de son héroïne.  

« Tu n’as pas l’air bien Isa… »

« …. Ma mère est malade. »

Isabelle avait parlé sur un ton nonchalant mais ses yeux verts trahissaient sa peur et sa colère. Adélaïde lui avait pris les mains, avait embrassé sa joue et avait déclaré face au vent :

« Je suis là. »

« Moi aussi je suis là, avait répondu l’aînée. »

Le temps avait filé. C’était la conclusion que tirait souvent Isabelle en regardant les mains ridées mais coquettes, toujours parées d’un beau vernis et de bagues en or, de sa vieille amie.

« Viens on va marcher, ça fera du bien à mes genoux, avait décidé Isabelle. »

Bras dessus, bras dessous, elles arpentaient les quais, longeant les bateaux de pêcheurs. Adélaïde s’arrêta dans son quasi monologue qu’elle avait commencé dès le café quitté pour s’exclamer :

« Se serait-y pas ton rafiot là-bas ? demanda-t-elle en pointant avec sa canne un bateau au toit bleu dans le fond du port. »

Isabelle se fit la remarque que malgré tous les efforts de sa camarade pour gommer leur accent régional, il y avait toujours quelques restes.

« Si c’est lui, acquiesça l’ancienne pêcheuse. »

« Incroyable que cette épave ne soit pas encore coulée. »

« Tu dis des sottises ! Ma fille s’en occupe bien. »

« Ha ! Pêcheur de père en fille et de mère en fille, jamais vous allez les quitter vos maudits bateaux. »

Le temps avait filé mais l’océan était resté. Silencieux partenaire de leurs joies, de leurs peines.

Une vie bordée par l’eau salée qui gardait en mémoire les évènements simples : une dispute entre deux jeunes femmes à propos d’un amoureux, des rires de petites filles qui jouaient en face du bateau au toit bleu ou bien encore un cri perçant d’Adélaïde quand Isabelle lui avait annoncé son mariage.

L’océan avait aussi vu les drames : la perte d’un époux, les pleurs d’une jeune femme anxieuse face à une mer houleuse et à l’absence du bateau au toit bleu, un chien perdu dont deux fillettes hurlaient le nom, un nourrisson malade dont on s’inquiétait de la montée de fièvre.

« Bon demain, on va chez moi. J’ai du thé vert divin que m’a ramené ma fille de Chine. La limonade c’était pour te faire plaisir, moi je trouve ça trop acide. Dépêchons-nous, le temps file et la nuit tombe tôt. »

Isabelle hocha la tête. Elles reprirent leur route ensemble.

Elise.

À lire aussi : « Je ne peux pas cacher que je suis asiatique. Mais je peux changer le regard que l’on pose sur les asiatiques »


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Les Commentaires

5
Avatar de Chatonfoin
24 décembre 2020 à 15h12
Chatonfoin
Hello ! Je tenais à vous remercier pour votre lecture et vos si gentils commentaire ça m'a fait très chaud au coeur !
Je suis bien d'accord avec le premier commentaire c'est vrai que j'aurais pu un peu plus différencier les caractères (et surtout les physiques !) mais nous n'avions que 5 min pour lire nos textes j'ai du faire des choix ! Et je ne connaissais pas Le Portrait de Colette je rajoute ça à ma liste de lecture merci!
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