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Comment mon nez, tant haï, a forgé la femme que je suis

Angela a fait fondre Léa par sa capacité à accepter son nez, à avouer que derrière le gros caractère qu’elle s’est forgée à cause de toutes les remarques et moqueries, elle a toujours peur de ne pas être aimée pour qui elle est.

Coucou toi !

Cette semaine, j’ai donné la parole à Angela, qui a décidé de faire fondre sa carapace l’espace d’un instant, pour vous partager qui elle est vraiment et ce que les autres lui ont fait subir à cause de son nez, jugé « moche ».

Si tu n’as pas suivi, il s’agit d’une série de témoignages illustrés, mettant en avant des personnes qui ont décidé d’avoir un regard plus positif vis-à-vis de leurs complexes physiques.

Il ne s’agit pas de se sentir bien À TOUT PRIX (ça suffit les injonctions, oh !) ou de dire qu’il y a des complexes plus importants que d’autres, mais d’observer les chemins que prennent différentes personnes pour se sentir plus en paix avec elles-mêmes.

Tous les corps sont différents, ça te dit de les célébrer avec moi chaque semaine ?

Les illustrations sont faites par mes petites mains et à partir de photos envoyées en même temps que le texte. J’en reçois plusieurs et je choisis celle qui m’inspire le plus.

Donc, sans plus attendre, le témoignage de cette semaine.

Ce n’est pas mon nez le problème, c’est le jugement des autres

Moi, c’est Angela.

C’est toujours un peu bizarre, de commencer à écrire, extérioriser, à mettre des mots sur quelque chose d’important, quelque chose qui vous touche, vous savez.

Aujourd’hui j’ai eu envie de passer le cap, parce que ça fait mal. OUI, ça fait toujours mal, même à 25 ans.

Mon complexe, c’est mon nez.

Il n’est pas normal. Il n’a pas une petite bosse, il n’est pas un peu trop long, comme la plupart des filles que j’entend dire « haaaaan mais je veux trop refaire mon nez », non.

Il est particulièrement proéminent, crochu, à tel point que quand j’essaie de chercher des photos « avant-après » de patients qui ont subi une rhinoplastie, AUCUN, jusqu’à présent n’avait un nez « comme » le mien.

Depuis que j’ai 8 ans, rien n’a cessé. « T’as l’Himalaya sur ton nez », « Sorcière », « Ta gueule, t’as vu ton pif », « Mais t’es trop moche toi avec ton nez », « Ça va gros nez ? »…

Je me souviens qu’à cette époque déjà, j’en parlais à ma maman… Vous imaginez, une maman, expliquer à sa fille de 8 ans que les autres enfants sont bêtes et méchants et qu’ils « ne savent pas voir à quel point tu es jolie, alors laisse-les parler » ?!

Petit à petit, en voyant que ça prenait de l’ampleur, elle m’a encouragée à rétorquer, en essayant de piquer là où ça fait mal, histoire d’apprendre un peu l’empathie à ces enfants !

Je peux dire merci, maman. Car aujourd’hui je pense que c’est ça qui m’a forgée.

On peut dire que j’ai développé le syndrome de la Grande Gueule, mais je pense que ça a été un moyen aussi de prouver aux autres et à moi-même que ça ne m’atteint pas. Que je n’ai pas de faiblesse, que je suis forte, et qu’on peut me craindre, malgré ça.

J’ai toujours très souvent été associée contre mon gré à « la méchante »… Je me suis créé une carapace de nana qui a l’air solide, mais qui au fond est une hypersensible. Car tout me blesse. Tout m’atteint.

J’ai toujours besoin de présence, et d’amour, pour m’aider à prendre confiance en moi.

Au collège, tout a été très compliqué. Encore plus méchant, plus violent, plus usant.

Je n’avais pas le droit de parler, à cause de mon nez. Je n’avais pas le droit de porter telle ou telle fringue, à cause de mon nez. Je n’avais pas le droit de faire du sport, à cause de mon nez.

Le moindre de mes faits et gestes était un prétexte pour me balancer une horreur sur mon nez… Je me sentais rejetée, à cause de mon nez. J’avais l’impression que je n’avais pas le droit d’exister à cause de mon nez.

Tout était de plus en plus humiliant.

Comment vous dire que, quand « ÇA SE VOIT COMME LE NEZ AU MILIEU DE LA FIGURE », tout devient très très compliqué.

J’essayais de me cacher… Je voulais être invisible, tout en ayant à la fois cette vraie envie de m’exprimer.

Et puis, ça a changé.

Rien n’est plus valorisant que de savoir que ce garçon trouve que c’est TOI la plus belle.

Mes premiers amours m’ont appris à m’accepter.

Mais (même encore maintenant), dès qu’apparaissent les tromperies, ou les « je te largue pour Micheline », tout ça me replonge systématiquement dans un climat de comparaison car « cette fille est mieux que moi, et elle a un petit nez, les gens ne la regardent pas dans la rue » et je me remets à haïr cette partie de moi dont je ne peux me défaire…

J’ai toujours beaucoup de mal à parler de ça, parce que j’en veux à tous ces gens. Je leur en veux de m’avoir lavé le cerveau.

Car finalement, ce n’est pas mon nez que je n’aime pas. C’est l’image que les gens m’en ont donné, qui me dégoûte.

Parfois je l’oublie. Grâce à toutes les personnes que j’aime. Et qui m’aiment aussi.

Elles me redonnent confiance, même si l’étape de la sociabilisation est toujours difficile en imaginant les remarques que je pourrais me prendre gratuitement.

Et en fait, c’est pas juste de se priver de vivre à cause de ce qu’on est.

J’accepte mon nez. Je ne l’aime pas, mais je l’accepte. Car mon nez, c’est moi.

C’est lui qui m’a construite, c’est lui qui m’a forgée. Il m’a rendu perméable aux subtilités des êtres sociaux et il m’a appris à surtout ne pas juger. Plus jeune, j’aimais me dire qu’il faisait de moi quelqu’un d’exceptionnel.

Et dans ma tristesse ça me rendait fière, un peu.

Aujourd’hui, à 25 ans, même si j’entends aussi des « tu es belle », « tu as du charme », « tu es atypique » , « ton nez te rend originale », ce sont encore des « Sorcière », « Ta gueule, t’as vu ton pif », « Mais t’es trop moche toi avec ton nez », « Ça va gros nez ? »… qui résonnent dans la rue, dans les bars, ou n’importe où ailleurs.

Beaucoup de choses ont évolué, et même si j’ai pris énormément de recul, ça fait quand même toujours mal, un peu.

Finalement, la seule chose qui reste statique, c’est la bêtise humaine.

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Témoigner sur ses complexes, ça fait quoi ?

J’ai également demandé à Angela de faire un retour sur cette expérience : témoigner et voir son corps illustré, ça fait quoi, qu’a-t-elle ressenti ?

Ça a été assez éprouvant de témoigner.

J’ai mis du temps pour écrire ce texte, j’ai relu, effacé, réécrit, corrigé un grand nombre de fois sans même me rendre compte du temps qui passait.

J’ai aussi pleuré à la fin.

Je crois que finalement il était temps que je mette des mots sur ça, sur ce que je ressens au sujet de mon « complexe ».

Comme je l’ai expliqué, mon regard sur moi-même change énormément en fonction de mon état d’esprit.

Au moment où j’ai écris ce témoignage je commençais « une nouvelle vie », tout allait bien pour moi, je me sentais forte et courageuse, j’ai pensé que c’était le moment ou jamais pour prouver que OUI on peut être atteint par ce que l’on est, mais que ce n’est PAS GRAVE, et surtout, SURTOUT que personne ne mérite d’être humilié ou dégradé pour ce qu’il est.

Je crois que comme je l’ai dit, j’accepte mon nez aujourd’hui. Par contre, ce qu’il m’a fait endurer laisse des traces, de toute évidence.

Et pour ça ne l’aimerais probablement jamais. Mais écrire tout ça m’a vraiment fait évacuer.

Merci pour ton illustration. C’est très étrange de se voir au travers des yeux de quelqu’un d’autre. Pour être tout à fait honnête, quand j’ai ouvert la pièce jointe, j’ai été choquée.

Tellement choquée par mon nez.

Puis les secondes qui ont suivi m’ont montré autre chose : mes cils, mes sourcils, mes grains de beauté…

Tous ces petits détails que tu as mis en avant auxquels je ne fais moi-même pas vraiment attention.

Elle est très belle ton illustration Léa, et je crois qu’elle m’aide encore un peu plus à m’accepter.

Tu m’as demandé si je souhaitais garder l’anonymat, mais au regard de ce dessin, je me dis que ce serait totalement absurde.

On me reconnaît. C’est moi.

Et je crois que ce serait aller dans le sens contraire de ma démarche de base. Je veux assumer qui je suis. Angela, avec mon nez et tout le package qu’il a engendré.

Je dois avouer que je suis à la fois excitée, et qu’en même temps j’ai un peu peur. J’ai énormément d’appréhension quant à cette publication.

Encore une fois, je crois que c’est le jugement des autres qui m’effraie, mais le but est d’apprendre à s’en détacher, alors maintenant j’apprends.

Encore merci Léa ♥

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Les Commentaires

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Avatar de Lizbeth
1 juillet 2019 à 20h07
Lizbeth
Bonjour Angela,

Je trouve ton témoignage intelligent et profond, on sent que tu es une personne réfléchie. Ce qui m"interpelle c'est que tu te qualifies d'hypersensible, car toutes les attaques dont tu as été victime ont dû être particulièrement dures à vivre pour une hypersensible.J'espère que tu ne perdras jamais cette lucidité et cette profondeur qui te caractérisent (c'est comme cela que je te perçois à travers ton témoignage) car vraiment te lire est très agréable ! Sur le dessin, je t'ai trouvée très jolie et bourrée de charme. Tu as l'air très émotive, cela te rend vraiment très très charmante ! Mais comme tu le dis si bien toi-même, au fond, le problème est ailleurs puisque le problème c'est la bêtise humaine. Dis toi que les gens qui te font des réflexions débiles te rendent service quelque part puisque cela te permet de repérer les cons et de les éviter !
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