Ah, les voyages en train. Un concept merveilleux, mais jalonné de dangers toujours plus nombreux. Alfrédette vous en a listé sept parmi les plus répandus !
Publié initialement le 19 décembre 2012
En ces temps de voyages et de vacances, nous sommes amenées à emprunter un grand faiseur d’angoisses et de fureur : j’ai nommé le train. Quels sont les périls auxquels vous vous exposez en achetant un innocent Paris-Bagnères de Bigorre ? Pour votre sauvegarde (et celle de votre foi en les transports en commun), voici une brève typologie des avanies les plus répandues lors d’un voyage en train.
Les bornes SNCF
La borne SNCF donnerait au Dalai-Lama l’envie de déclencher une guerre mondiale. Et pour cause : ce n’est pas un vulgaire tas de ferraille d’un jaune douteux, mais l’instrument du Malin. Par un mystère plus grand encore que celui de la mode des gourmettes en argent, la borne SNCF semble être animée d’une volonté propre.
En effet, lorsqu’à cinq minutes du départ vous posez vos menottes sur son écran, ce dernier semble prendre un coupable plaisir à contrarier vos projets : la case sélectionnée n’est jamais la bonne, les trajets proposés n’ont pas été mis à jour depuis les années 2000, et parfois, la borne tombe en panne, emprisonnant votre carte bleue en gare de Boussac (Creuse).
Pendant ce temps, votre train est déjà arrivé à destination, et vous avez insulté la moitié de la terre en cinq langues différentes. Votre karma s’en trouve gravement alourdi : qu’à cela ne tienne, la prochaine fois, vous irez au guichet.
Les bagages
Dans un monde parfait, nos sacs auraient une taille minuscule mais une contenance illimitée. Malheureusement, seuls Mary Poppins et Harry Potter détiennent le secret de cette merveilleuse invention. La plupart des voyageurs trimballent avec eux un sac d’une dimension raisonnable.
Cependant, un fléau ferroviaire ne cesse de prendre de l’ampleur : j’ai nommé les filles-en-talons-de-12-qui-traînent-derrière-elles-une-valise-si-vaste-qu’elle-pourrait-servir-de-nid-à-une-portée-d’éléphanteaux-obèses. Appelons les FETDDQTDEUVSVQPSDNAUPDO.
À l’intérieur de leur valise d’un mètre cube, le kit élémentaire de survie pour un week-end à passer chez Mère-Grand dans l’Aveyron (12) : fer à boucler, fer à lisser, fer à repasser, fer à cheval, intégralité de la collection printemps-été de chez Kymberley et contenu exhaustif d’un magasin de cosmétiques.
Les FETDDQTDEUVSVQPSDNAUPDO donneraient à Brigitte Bardot l’envie de dépecer un chaton : incapables de hisser leur lourd fardeau sur un porte-bagages (les pauvres créatures risqueraient de se casser un ongle), elles se plantent au beau milieu de l’allée, attendant benoîtement qu’un mâle viril leur vienne en aide.
Pendant ce temps, un bouchon équivalent à la file d’attente du Gaumont des Champs-Élysées s’est formé aux portes de votre train. Pour peu qu’il y ait plus d’une FETDDQTDEUVSVQPSDNAUPDO dans un wagon, un retard minimal de 10 minutes est garanti.
Le retard
Tiens, justement, tant qu’on parle du loup, autant le pendre par la queue. Vous avez entendu parler du train-qui-n’a-jamais-de-retard ? C’est une histoire que me racontait ma grand-mère le soir, quand j’étais petite. Mais plus je grandis, plus j’ai tendance à croire que ce doux récit n’est qu’une légende urbaine comme une autre.
Un train ponctuel ? Et pourquoi pas un candidat à Secret Story prix Nobel de physique ? Le retard ferroviaire, c’est tout un art. Un art de la convivialité, tout d’abord : le retard incite à la communication avec autrui (cher voisin, prête moi ta plume-ton portable-ton couteau-ton goûter).
De grands amours se sont formées grâce aux aléas du rail : à n’en pas douter, les retards de la SNCF ont même encouragé le taux de natalité française. Ben oui ma bonne dame, ces deux heures de retard entre Boussac et Bourganeuf, fallait bien les meubler. (Mamie, si tu me lis, sache que je ne parle pas de moi. Pas du tout.)
Les autres
Si Sartre avait pris le TGV, il ne se serait pas contenté d’écrire que « l’Enfer, c’est les autres », mais aurait publié un traité d’éradication de l’humanité. Si un jour je deviens une philosophe riche et célèbre, je ne manquerai pas de pondre une thèse traitant de l’effet pervers du train sur le voyageur solitaire*.
Entre les harpies qui foncent à la vitesse d’un sportif espagnol sur les portes entrouvertes avant que quiconque aie pu descendre du wagon, les damnés de la cigarette qui profitent des 30 secondes d’arrêt en gare de Montcuq pour tirer une taffe, obstruant ainsi tout son trafic, et autres pauvres hères qui semblent abandonner toute raison à la vue du moindre wagon, la faune des voyageurs en train semble plus cruelle que celle des piranhas.
Mais le pire fléau du train n’est pas l’individu ; c’est le groupe. Avez-vous déjà pris un Lille-Toulouse en compagnie d’un essaim de cinquante nonagénaires se rendant à un tournoi international de point de croix ? Gageons que non. Et avec un troupeau de jeunes scouts chantant l’intégrale de Joe Dassin ? Là encore, espérons que non. Vous avez de la chance. Pour avoir tenté l’expérience un jour d’orage, je puis vous garantir que l’épreuve fut rude. Très rude.
Les odeurs
Comme l’indique le millénaire proverbe « si en train tu partons, ton odorat laisses à la maison » : il est parfois commode, lors d’un voyage sponsorisé par la SNCF, de ne pas se séparer d’un pince-nez rose bonbon (oui, celui qui empêchait votre cervelet de s’imbiber d’eau lors de vos cours de natation, en classe de cinquième).
Ce dernier aura le mérite d’illuminer votre teint de pêche et de vous garder de terribles périls. Prenons l’exemple de ces suppôts de satan qui enfournent un Big Mac tiède et mou en plein carré loisir à quinze heures trente, et qui vous donnent envie de crier quelque chose comme « Dieu, pourquoi m’as tu abandonnée ? » : bien entendu, rien ne peut se faire contre ces kamikazes du bien-vivre-en-société.
En attendant, durant tout le temps que durera votre Brest-Nice, vous pouvez imaginer ces profanateurs du bon goût dans moult postures toutes plus déplaisantes les unes que les autres**.
Les portables
Avant l’invention des téléphones cellullaires, le nombre de plaies des voyages SNCF s’arrêtait à six. Dieu n’aima pas ce chiffre, et il inventa le téléphone mobile.
Depuis, Dieu se repose, et nos oreilles souffrent. En effet, la morne solitude du Boussac-Villeneuve les Maguelone n’est plus rythmée que par mille « contrôlesdesbilletssiouplait », mais également par une multitude de sonneries plus élégantes les unes que les autres : chansons de Patrick Sébastien (vécu), musiques expérimentales à base de cris de guenon (vécu), cris orgasmiques raffinés (vécu, avec mon petit cousin de deux printemps qui n’a pas cessé de me demander « Pourquoi elle a mal la dame dans le téléphone ». MERKI.)
Le portable dans le train, c’est également une fenêtre ouverte sur la vie intime de vos voisins d’une heure. Il y a bien sûr les vieux, qui hurlent au téléphone le manuel d’insertion d’un suppositoire dans le rectum de leur chat, Maurice, 15 ans, malade du foie. Et puis les jeunes, qui font, à vous et au restant du compartiment, un exposé détaillé de leur vie sexuelle et de leurs ébats avec Eudes-Edgard.
Et les hommes d’affaires qui jurent à leur femme se trouver « dans une réunion super importante », alors qu’ils viennent d’appeler leur amante pour lui indiquer l’hôtel dans lequel ils s’ébattront. Les portables en train donneraient à Steve Jobs l’envie d’organiser un vaste autodafé d’iPhones. Dieu, sur ce coup-là, n’a pas été très performant.
Les enfants
Tout le monde sait que dans l’espace confiné du train, les enfants surpassent en horreur une colonie de T-Rex, le poids de trois sumos en épinards ou une condamnation à regarder la comédie musicale Notre-Dame de Paris jusqu’à la fin de ses jours.
C’est bien simple, ils donneraient à une Amish l’envie de se faire ligaturer les trompes. L’enfant est sale, il court, il rampe, vous fait trébucher en laissant traîner d’odieuses petites voitures dans les couloirs, et crie plus fort que le volume maximum du casque audio que vous avez reçu pour Noël.
L’enfant est capricieux, il n’a pas honte de jeter des éléments de son goûter aux quatre points cardinaux, ni de porter des t-shirts sérigraphiés à l’effigie de sa maman, ni de s’appeler Jean-Kévin. Bref, l’enfant, dans le train, est toujours mal parti dans la vie. Ce n’est pas de sa faute : à chaque incartade, ses géniteurs, au lieu de lui rosser le fessier en l’insultant en allemand, lui font un sourire ravi en regardant tout le wagon d’un air niais, semblant dire « Vous avez vu, il a beaucoup d’énergie, ça sera un sportif riche, dopé et célèbre, c’est mon fils, pas le tien, et il t’emmerde, na ».
Il va sans dire que la présente liste est (fort loin) d’être exhaustive, et que le nombre de périls auxquels nous sommes confrontés dans un train dépasse de loin le nombre des doigts de la main (et ceux des doigts de pieds). Un jour, je vous parlerai des toilettes qui s’ouvrent vers une dimension parallèle, des club sandwichs fourrés aux rognures d’ongles humains et du mec qui se balade en train avec une colonie de serpents albinos. Allez, bisous.
* Mais comme avant que cela n’arrive, les poules auront des dents et Loana une thèse de physique quantique, vous aurez la gentillesse de me laisser exprimer mon ire ici-bas.
** Étant donné que nous sommes un magazine à vocation universelle, je ne décrirai pas lesdites positions ici. Faites marcher votre imagination, que diable.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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