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Interviews de Mad'

Margaux Motin, entre humour et glamour

Voilà six ans qu’elle siège au Panthéon. Mon panthéon. Celui qui abrite toutes les personnes qui ont, d’une manière ou d’une autre, chamboulé mon cervelet. J’ai découvert son travail à travers Muteen, le magazine dans lequel Margaux a fait ses premières armes. Elle s’occupait alors de l’hilarante rubrique « J’ai testé ». Son trait, sa plume, ses expressions azimutées m’ont séduite en un rien de temps. Depuis, je ne compte plus les fois où mes zygomatiques ont failli clamser, à force de m’esclaffer comme un goret, devant ses papiers illustrés ou son blog. En la rencontrant, j’ai réalisé l’un de mes rêves les plus fous-dingues. Aujourd’hui, il ne me reste plus qu’à tailler le bout de gras avec Cindy Sander et je pourrai crever en paix.

madmoiZelle.com : Es-tu née avec une tablette graphique dans la bouche ?
Margaux Motin : Plutôt avec des Crayola dans les doigts. J’ai vraiment toujours voulu faire ce métier. Sur mon carnet de santé, à la visite des 5 ans, y’a écrit « excellentes aptitudes graphiques » … Un signe !

madmoiZelle.com : Et si tu n’avais pas été illustratrice ?
Margaux Motin :
Au grand désespoir de mon mec, j’aurais adoré être strip-teaseuse dans un truc très très chic, pas dans un club gore, hein ! Ou alors étudier les animaux et les plantes dans la brousse.

madmoiZelle.com : Quelle formation t’as suivie après le Bac ?
Margaux Motin :
J’ai intégré l’ENSAAMA Olivier de Serres, une école d’arts appliqués, en spécialisation communication visuelle (graphisme, illustration, pub). Je ne devrais peut-être pas le dire mais j’ai triché pour pouvoir y entrer. J’ai falsifié mon dossier, changé les appréciations de mes profs de terminale qu’étaient pourries. J’ai tout refait en imitant leurs écritures.

madmoiZelle.com : Comment tu décrirais ton style, ton univers ?
Margaux Motin : Un mélange de glamour et d’humour. Je ne fais pas dans le dessin de mode sérieux ni dans la caricature non plus.

madmoiZelle.com : Ce style justement, cette « patte », tu l’as mûri pendant tes études ou c’est plus tard, en bossant, que t’as affiné tes choix ?
Margaux Motin : L’école m’a permis de développer ma petite touche perso. Au début, j’avais un coup de crayon super classique. Les profs, du coup, m’ont par exemple obligée à dessiner de la main gauche histoire de ne pas avoir un trait trop lisse, trop parfait.

madmoiZelle.com : Tes influences majeures ?
Margaux Motin : Je n’ai pas d’influences réelles, plutôt des sources d’inspiration. Ma bible ? Eloïse de Kay Thompson. Claire Bretécher aussi, je la trouvais géniale quand j’étais gamine. A côté de ça, j’aime aussi Egon Schiele. Je picore un peu partout en fait. Ça peut être une photo de mode, un texte, une ambiance …

madmoiZelle.com : Ton premier job en tant qu’illustratrice, ta première commande … C’était quand, quoi, pour qui ?
Margaux Motin : C’était pour Muteen, en 2002. J’avais 23 ans. Ça s’est fait complètement par hasard. A la base, quand j’ai démarché le magazine, on m’a prise uniquement pour du texte (la fameuse rubrique « J’ai testé », ndlr). Les deux nanas qui, à l’époque, s’occupaient de la direction artistique n’aimaient pas trop mon style. Elles ne voulaient pas de dessins mais des photos. En fait, ce qui s’est passé, c’est que j’y suis allée au culot, j’ai fait la conne (ça, je sais très bien faire). Le CD sur lequel j’ai rendu mon article contenait quand même une illustration. Au moment de le filer, j’ai fait genre « Désolée les filles, y’a quelques dessins dessus. Faites pas gaffe, hein ». Au final, elles ont accroché et c’est comme ça que ça a commencé. J’y suis restée 6 ans.

madmoiZelle.com : Quelle tronche t’as faite en découvrant ton oeuvre dans un vrai magazine ?
Margaux Motin : Je me suis pissée dessus. J’étais hyper excitée, hyper fière. J’avais l’impression d’atteindre un sommet. Je l’ai montré à toute ma famille, ma mère l’a acheté en dix exemplaires !

madmoiZelle.com : Pourrais-tu expliquer aux filles qui ne l’ont pas connue, en quoi consistait ta rubrique « J’ai testé » chez Muteen ?
Margaux Motin : Tous les mois, je partais à la pêche aux produits bizarres. Ça allait du soutif à tétons en passant par la culotte rembourrée et le dentifrice à mâcher. Je testais le truc et ensuite je rédigeais un billet d’humeur, le but étant de descendre au max le produit pour être plus drôle.

madmoiZelle.com : Le meilleur objet que t’as essayé ?

Margaux Motin : Aucun doute là dessus : la tondeuse à foufoune ! Je l’ai faite acheter à plein de copines. A l’époque, on se désépaississait la toison pubienne au ciseau, au risque de s’écharper le minou … et quand on a découvert cette merveille … Ça a été LA révélation. Aujourd’hui, je ne m’en sers plus mais mon mec se rase les poils du nez avec !

madmoiZelle.com : L’écriture, ça t’est venu naturellement ?
Margaux Motin : J’ai toujours écrit. A l’école, j’étais une vraie pine en maths mais j’avais de super notes en rédaction. J’ai d’ailleurs gardé chez moi tous mes journaux intimes.

madmoiZelle.com : Ton auteur préféré ?
Margaux Motin : C’est l’écrivain américain Jim Harrison qui me touche le plus. Ses histoires se déroulent toujours aux Etats-Unis mais plutôt dans la partie indienne du pays. J’adore ses personnages et son rapport à la nature. Dans un autre genre, j’ai récemment découvert tous les grands classiques que je n’ai pas pu lire au lycée parce que ça me barbait. Je me suis fait Maupassant, Balzac, Dostoïevski … Des grands moments de bonheur ! J’ai eu un vrai déclic en lisant Le Comte de Monte-Cristo et Les Trois Mousquetaires. Tous ces trucs que j’avais pas envie de feuilleter à 15 ans, je les apprécie maintenant.

madmoiZelle.com : Avec quels autres magazines tu collabores ?
Margaux Motin : Je bosse beaucoup avec Cosmopolitan. Bien Dans Ma Vie aussi, et Maison Française, un magazine de déco.

madmoiZelle.com : La presse féminine, c’est un univers qui t’as toujours plu ?
Margaux Motin :
J’ai grandi avec. Dans les toilettes familiaux, y’a une pile de ELLE qui doit bien faire 1,50m. J’ai passé mon enfance à les lire. Aujourd’hui, je suis toujours une grande consommatrice. Pas spécialement pour ce qui y est écrit mais plus pour l’image que ça renvoie. C’est pas prise de chou. Quand tu sors des Frères Karamazov, c’est toujours sympa de lire une bonne connerie dans un magazine féminin.

madmoiZelle.com : Tu travailles également beaucoup pour l’édition. Qui on trouve parmi tes clients ?

Margaux Motin : J’ai pas mal bossé avec les Editions First. En ce moment, je dessine pour les guides L’Etudiante. Je fais toute leur collection.

madmoiZelle.com : J’imagine que ce ne sont pas les mêmes contraintes …
Margaux Motin : La presse, c’est un domaine assez libre. En général, on me demande très peu de retouches. Par contre, pour ce qui est de l’édition, c’est plus chiant. Un projet peut parfois mettre des mois avant d’aboutir. Un jour, c’est l’éditeur qu’est pas d’accord, la semaine d’après, c’est l’auteur, etc.

madmoiZelle.com : Comment ça se passe exactement ?
Margaux Motin : D’abord, on m’envoie le livre. Donc déjà, ça signifie que je dois me taper la lecture d’un truc qu’est pas tout le temps un monument de classe et d’élégance … Ensuite, je propose des petits crayonnés de mise en situation super vite faits, sans forme. Ils choisissent celui qui leur plait le plus. Après, je développe ce gribouillis, je mets tous les détails. Une fois que c’est validé, on passe à la mise en couleur.

madmoiZelle.com : C’est facile de s’adapter aux volontés des autres ?
Margaux Motin :
Facile, oui, parce que c’est mon métier, j’ai pas à râler. Je suis déjà payée à travailler chez moi en jogging, je vais pas non plus avoir des exigences. Ça reste facile quand on me demande de changer une couleur ou un élément de décor. Par contre, ça devient compliqué quand on me demande de travestir mon style, d’être trop réaliste dans mes dessins. Ça me gonfle un peu parce que c’est mon trait de crayon. Si c’est pas ce que les gens attendaient, fallait prendre quelqu’un d’autre.

madmoiZelle.com : A quoi ressemblent tes journées de travail ?
Margaux Motin : C’est tout simplement lamentable ! Je commence à 9h30, une fois que j’ai fait 3/4 d’heure de marche pour emmener ma fille chez sa nourrice, que j’ai lancé une lessive, changé la litière du chat, essayé 3 fois la tenue que je porterai à ma prochaine sortie … A 9h30, donc, je me mets devant l’ordi. Je fais un point sur mes mails pour voir un peu les commandes, les retouches à faire. Je me concentre ensuite sur les lancements de projet, tout ce qu’est crayonnés à finir. Vers 13h, je m’arrête. Je bouffe rapidement sur un coin de table, en regardant des grosses conneries à la télé, du genre les rediffs de Friends que je connais par coeur ou les téléfilms pathétiques sur M6 ( « Le coeur est un prisonnier solitaire », « Mes enfants sont ma vie », …) Des trucs super édifiants, quoi ! Je reprends le boulot très vite après, toujours pas lavée bien sûr. L’après-midi est plus consacré aux mises en couleur, aux finalisations. A 17h, je file me décrasser sous la douche puis je vais chercher ma fille. A 21h30, je m’y remets, jusqu’à minuit environ …

madmoiZelle.com : Tes outils, tes techniques de prédilection ?
Margaux Motin : Je commence toujours par bosser crayon sur papier. Toujours. Ensuite je scanne. Puis à la palette graphique, je retravaille mon crayonné pour avoir un trait unique. Je finis en faisant ma mise en couleur sur Photoshop.

madmoiZelle.com : Tu as déjà bossé dans un bureau ?
Margaux Motin : A la sortie de l’école, j’ai été assistante de rédaction dans un magazine de déco. Cette ambiance, c’est chiant et génial à fois. Je sais que je n’ai plus du tout envie d’avoir sur le dos un patron qui me fait chier, plus envie d’avoir d’horaires fixes … Ce qui me manque par contre, c’est les collègues, la pause clope, les cafés entre filles. J’ai trop de taff pour m’ennuyer mais je me sens parfois un peu seule chez moi.

madmoiZelle.com : Ton expérience professionnelle la plus marquante ?
Margaux Motin :
Etrangement, vendeuse dans un magasin de jouets. Mon pire boulot ! Un vrai bagne ! Ça a duré 2 ans et demi. J’y ai d’abord découvert le monde de l’entreprise, la rentabilité, le chiffre ! On était là à bosser comme des cons pour 3 francs 6 sous, à s’échiner pour une pauvre prime de 20 euros … Et puis, bien évidemment, t’es confrontée aux clients qui te considèrent comme une vraie sous-merde !
Franchement, puisqu’on a aboli le service militaire, je pense que ça devrait être obligatoire de faire un métier comme ça où tu te retrouves face à des gens cons. Ça t’apprend vachement sur la vie en société, sur ton égo et sur ce que tu es capable d’endurer. Ça te forge.

madmoiZelle.com : Tu postes pas mal de liens musicaux sur ton blog. Ça va de Kelis à Bob Dylan en passant par la B.O de Dirty Dancing. Du coup, hop, quelques questions mouzicales elles-aussi ! Qu’est ce qui tourne le plus dans ton Ipod en ce moment ?
Margaux Motin : Maaaais je n’ai pas de putain d’Ipod ! C’est lamentable ! Même pas un Walkman, rien ! Ce qui ne m’empêche pas de bosser en musique chez moi, hein. Actuellement, j’ai tros gros coups de coeur. Alela Diane, déjà. Elle me rappelle Jim Harrison, l’auteur dont je t’ai parlé tout à l’heure. Elle me fait vibrer. C’est Cat Power en plus nature, plus brute. Ensuite, les Vampire Weekend. Eux, je les adore, ils m’éclatent. Et puis sinon, en ce moment, je retourne à mes bonnes vieilles bases hip-hop que j’écoutais plus jeune. Je suis à fond sur A Tribe Called Quest et Brand Nubian.

madmoiZelle.com : Ton dernier concert ?
Margaux Motin :
Micky Green à la Cigale. J’ai été super déçue par le public. Il était mais d’un mou ! A chier ! Dans la fosse, ça bougeait pas. Avec mes potes, on a tellement gueulé que les gens autour de nous se sont écartés. Ils ne voulaient plus nous approcher.

madmoiZelle.com : Si là, tout de suite, maintenant tu pouvais réunir trois artistes que tu apprécies à ton goûter d’anniversaire, qui tu choisirais ?
Margaux Motin : Euh … Ça me ferait plaisir d’avoir Django Reinhardt pour le côté bonne musique rétro. L’artiste Keith Haring aussi. Et … et … quelqu’un de vivant tant qu’à faire … Euh … Florence Foresti ! Je crois que je me marrerais bien avec elle. Quand je l’entends, je me poile. Et puis, elle a une gamine elle aussi.

madmoiZelle.com : Est-ce que toi-même tu parcours les blogs des autres ? Des adresses à conseiller ?
Margaux Motin : Pénélope Jolicoeur, inévitablement. Le Beulogue aussi : je ne connais pas la nana qui tient ce site mais elle me fait pisser de rire. Elle a un ton bien décapant comme il faut. Sinon, je lis Les Chroniques de Sonia et je rôde pas mal sur le blog illustré de Mato & Margo.

madmoiZelle.com : Tes autres passions en dehors de l’illustration ?
Margaux Motin :
Je voue un culte aux chaussures, je m’en achète quasi une paire par semaine, c’est n’importe quoi ! La marque (inaccessible) de mes rêves ? Christian Louboutin ! Le jour où je pourrai me payer l’une de ces fameuses paires à semelle rouge, je serai bien contente ! En attendant, je craque pour les Kurt Geiger qu’on trouve au Printemps.

madmoiZelle.com : Fan de séries TV ?
Margaux Motin :
J’aime bien le personnage de Dr House. Nip/Tuck aussi, j’adore. Christian Troy et son côté vicelard m’excitent à mort ! Californication, pareil. J’ai redécouvert David Duchovny. Je le trouvais complètement quiche dans X-Files. Là, j’adore son rôle de looser qu’assume à fond et qu’envoie chier le monde. J’aime son humour caustique, son côté rock’n roll. J’aime les gens rock’n roll en fait. Comme Amy Winehouse ou Nina Simone par exemple.

madmoiZelle.com : Tu as une petite fille. Est-ce qu’elle aussi se met à tâter du Crayola ?
Margaux Motin :
Tout à fait ! Sa dernière oeuvre a été de me refaire au feutre le pied de lampe, le rebord de la fenêtre et l’un de mes fauteils. On est vachement content avec son père !

madmoiZelle.com : Tu as des projets sur le feu ?
Margaux Motin :
Partir en vacances, m’acheter des escarpins … Idéalement, j’aimerais bien faire un album qui combine textes et illustrations. Mais ce n’est pas pour tout de suite.

madmoiZelle.com : Un conseil aux gribouilleuses en herbe qui veulent se lancer ?
Margaux Motin :
Je leur dirais qu’il faut vraiment croire en soi, même si c’est complètement antinomique avec ce métier. Il faut avoir du culot, tenter le tout pour le tout, frapper directement à la grande porte quitte à se prendre des bûches.

madmoiZelle.com : Pour finir, selon toi, c’est quoi être une madmoiZelle aujourd’hui ?
Margaux Motin :
Ça va être compliqué de répondre car maintenant on m’appelle plutôt Madame mais bon. Être une madmoiZelle, c’est suivre son chemin et l’assumer, ne pas se prendre la tête. C’est rigoler, aimer les gens, être connectée à l’essentiel : la famille, les amis, l’amour, la nature … C’est péter les plombs pour une paire de chaussures mais derrière, être capable de prendre un taxi à 3h du mat’ pour aider une copine qui va pas bien … C’est avancer le menton haut et la frange au vent !

madmoiZelle.com : Merci Margaux. Big up ! Amen !


http://margauxmotin.typepad.fr


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

17
Avatar de Betty Blue
6 août 2008 à 20h08
Betty Blue
En ce qui concerne son graphisme, c'est pas mal mais je trouve que ça n'a pas de fraîcheur. Toujours cette impression de déjà-vu chez beaucoup d'illustratrices en ce moment.

+1.

Que ce soit au niveau du trait de crayon, du thème ou du genre d'humour, des comme ça on en trouve à la pelle en ce moment...
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Voir les 17 commentaires

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