Article publié en mai 2007
Allez, dégage et tous mes vœux de bonheur. Bon. En revanche, toi qui a du mariage de cousine ou d’amis plein ton agenda, tu peux rester.
Au menu de cet article :
- Un peu de tenue… (ou comment s’habiller) & Destination finale (ou comment y aller)
- L’union des générations (ou comment marier petits et grands) & … Et on fait tourner les serviettes (ou comment animer la soirée)
- Les célibataires à la fête (ou comment caser les esseulés) & Mariage foireux, mariage heureux (ou les dérapages de mariages)
Un peu de tenue… (ou comment s’habiller)
A peine l’invitée a-t-elle décidé d’assister aux noces qu’une question à fort enjeu existentiel la saisit : « Mais qu’est-ce que je vais me mettre ? » Le carton d’invitation entre les mains, elle se voit reine du bal. Face à sa penderie, les considérations pratico-diplomatiques ont vite fait de briser son rêve en fesse de cygne. Qu’enfiler pour s’enfiler le banquet pantagruélique sans ballonner ? Que mettre pour supporter à la fois queue leuleu, danse du torchon et tubes de David Guetta ? Comment faire face aux imprévus météorologiques (grêlons d’août, canicule d’octobre, salle des fêtes assez climatisée pour conserver un macchabée etc.) ? Et enfin, comment choisir une tenue qui claque sans éclipser la mariée* ?
Face à ce défi aussi complexe qu’un Rubikks cube, beaucoup renoncent, procrastinent et finissent par mettre la même tenue qu’au baptême du petit Nathan (2001), au pot de retraite de papa (2002) et au mariage de Carla (2005). D’ailleurs, elles n’ont peut-être pas tort, ces entêtées de la tendance. Avec une robe Zara collection printemps-été 2000, on risque moins l’affreux phénomène dit des « jumelles de penderie »…
– Malia, sors des vécés, maintenant. Fais pas l’enfant. – Nan ! – C’est ridicule. Tout le monde se demande ce que tu fous… Et ton discours aux mariés, alors ? – T’as qu’à le faire. C’est trop humiliant, cette situation. – T’es pathétique. T’as la même robe que Mme Stavros, et alors ? – Et alors elle a 72 ans. – Je vois pas le problème. – Le problème c’est qu’elle la porte mieux que moiiiiii !
* Moi, ça m’arrive tout le temps.
Destination finale (ou comment y aller)
Par sens de l’humour (ou pour punir les autres des souffrances endurées pendant l’organisation des festivités), les couples fêtent souvent leurs épousailles dans des lieux particulièrement difficiles d’accès. Trumou sur orge, Chalentine la verte, Marmande en Oxois… On ne se marie semble-t-il que dans des patelins inconnus de Via Michelin et de préférence non desservis par les transports en commun.
Pour pimenter le jeu, on enverra aux invités un itinéraire fait maison truffé de détails ésotériques (« (…) après la sortie, suivez la nationale jusqu’au lieu dit de la Vieille Torche. Là, vous verrez une chapelle (attention ! Il y a une autre chapelle un peu avant, mais plus petite. Ca n’est pas la bonne). Comptez trois poteaux électriques et empruntez le chemin de terre sur la gauche… »). Censé aider les invités à trouver leur chemin, le document transforme souvent le voyage en Pékin Express version terroir. Avec recours au savoir des autochtones obligatoire.
– Si t’avais continué à suivre la Clio de ma cousine, aussi… – Quoi ? Quoi ? Je te signale que c’est elle qui nous a semés ! – Ce serait pas arrivé si tu t’étais pas arrêté pour pisser. – C’est ça, critique. T’as qu’à conduire, si t’es pas contente. – Avec plaisir ! Si j’avais pas bu trois coupes au vin d’honneur. – Ptain… Y a rien d’indiqué ! C’est quoi ce bled de merde ? – Attends, on va demander au monsieur, là. – Pff… Dire que j’ai la dernière saison de Lost à la maison… – Bof, « lost » ici ou Lost là-bas…
L’union des générations (ou comment marier petits et grands)
Quel potentiel de dialogue inter-générationnel que le mariage ! Toutes ces tranches d’âge réunies pour sucer des dragées et s’en jeter un derrière la cravate… C’est positif, non ? Oui, mais compliqué pour les organisateurs. Exemple : la musique. Comment trouver le moyen de contenter ceux qui jadis flirtaient sur du Tino Rossi, ceux qui ont dragué sur du Barry White et ceux qui aujourd’hui se roulent des pelles sur du Timberlake ? C’est simple : en optant pour le temps partagé. On commence par un petit passo doble ou un tango pour faire danser les aînés, et on enchaîne sur un pot pourri des plus grands tubes à teuf des dernières décennies, de Boney M aux Fatal Bazooka.
Le mélange ne prend pas toujours au premier twist, mais grisés par
l’ambiance, on s’y met. Et telle Beyonce, Mamie secoue sa hanche en plastique à quelques cm du piercing de Kevin tandis que tata Zaza danse le slow avec le doyen de la soirée.Dommage qu’il en soit rarement de même pendant le repas, où les plans de table épousent souvent la pyramide des âges. Tu as 75 ans et tu n’as aucune envie de discuter retraite avec des individus de ton âge ? Dommage. Tu as 15 ans et tu meurs d’envie d’être considéré comme un adulte ? Tant pis : tu seras à la table dite « des jeunes ». Le concept de « jeune » s’appliquant aussi bien aux 15-25 qu’aux 0-10 ans…
– Tu fais quoi, dis ? – Hein ? – Tu fais quoi DIS ? – J’écoute mon iPod. – C’est bien ? C’est quoi ? – System of a Down. – Je peux écoutéééé ? – Nan. – Pourquoi ? – Parce que t’es trop petite. – Ah. Tu veux te marier avec moi, alors ? – Nan. – Pourquoi ? – Parce que t’es trop petite. – Oh. Tu veux danser avec moi ? – Nan. – Pourquoi ? – Parce que chuis trop bourré.
Et on fait tourner les serviettes… (ou comment animer la soirée)
Personne n’arriverait au bout d’un repas de mariage sans aide à la digestion. C’est pourquoi la tradition veut que des animations transforment la salle en Club Med. L’occasion pour les invités de jouer les GO amateurs entre le fromage et le dessert. Tout ça n’est pas toujours très fin (voire vraiment lourd), ni toujours très bien exécuté (voire franchement loupé), mais c’est l’intention qui compte… Au menu : saynettes reconstituant les temps forts de la vie du jeune couple, séances diapo, jeux cocasses (le fameux « jeu de la banane »). En ligne de mire : les jeunes mariés.
– Elle est passée où, la mariée ? – Je crois qu’elle fait la gueule. – Ah ? Pourquoi ? – C’est le sketch de tout à l’heure. D’après ce que m’a dit sa sœur, ça lui a pas plu que son «personnage » soit interprété par le gros José. Elle s’est sentie insultée. – A cause des poils ? – Nan, à cause du poids. – La pauvre. C’est vrai que c’était concon, comme sketch. – Et y en a encore 4 de prévus avant le dessert… – Bouh. M’épouse jamais, tu veux. Ou alors, à Las Vegas et sans invités ! – Ok. – T’es sérieux ou c’est le rosé ? – Les deux. – Pas grave, je prends quand même
Et quand l’imagination est au rendez-vous naissent de grands moments d’émotion…
Les célibataires à la fête (ou comment caser les esseulés)
Alors qu’ils s’apprêtent à se lancer en tandem sur le chemin de l’amour, certains futurs mariés supportent mal l’idée que d’autres pédalent en solo. C’est j’imagine la raison pour laquelle tout célibataire identifié se retrouve au centre d’ « opérations casons l’esseulé » plus ou moins subtiles. Exemple : le parquage, stratégie qui consiste à regrouper à la même table tous les célibataires de l’assemblée dans l’espoir qu’ils finissent par se reproduire après deux ou trois apéros.
– Mais pourquoi cette folle me colle depuis le vin d’honneur ? – Sabine ? Ben je crois bien que mémé lui a glissé à l’oreille que t’étais célibataire. – La félonne ! Je savais qu’elle me referait le coup. – La Sabine a l’air de vouloir t’accrocher à son tableau de chasse, dis-donc. T’as remarqué le regard lubrique qu’elle vient de te lancer ? – Quelle horreur… Quand est-ce que mémé va arrêter de me refourguer toutes ces nanas dans les bras ? – Quand tu lui auras enfin dit que t’es homo ?
Pas dupes, certaines âmes seules préfèrent donc ruser et venir accompagnés d’un complice plutôt que de subir pareilles foires au casage. C’est ce que le sociologue américain Hugh Fingeringel* a pertinemment surnommé « tactique de l’épouvantail ». Les plus amochés utilisent même le leurre pour se venger des sévices anti-célibataires qu’ils subissent depuis trop longtemps. Le principe ? Venir accompagné d’un prétendant pas du tout acceptable dans le contexte amico-familial et attendre le cataclysme.
– Dis-moi Rosa, t’es pas sérieuse avec ton entrepreneur de l’UMP, là ? – Si. Très. Je l’aime et je vais l’épouser, lui et sa SARL. D’ailleurs, je compte annoncer nos fiançailles ce soir-même. – Hein ?! Mais Quand ?? – Dès que tonton aura chanté l’Internationale. – Par tous les chœurs de l’Armée Rouge, Rosa, tu peux pas faire ça ! – Ah non ? – Mamie porterait le deuil pendant 3 semaines, comme après la mort de Georges Marchais… Luis te couperait les vivres… – Je m’en tape le djembé. – Rosa, je te connais. J’y crois pas une minute. C’est qui ce gars, en vérité ? – … – Rosa ? On ment pas à sa tata. – Bon… C’est mon voisin de pallier. En vrai il est facteur. Et me regarde pas comme ça : on n’est pas ensemble. – Pourtant facteur, c’est bien comme métier. Regarde Olivier Besancenot… – Tataaa ! »
*Voir Stratégies de résistances célibataires et tactiques pro-matrimoniales à l’ère post-moderne, 2004, Presses Universitaires de Charleroi.
Mariage foireux, mariage heureux (ou les dérapages de mariage)
La noce serait bien morne si elle était toujours belle comme un catalogue Pronuptia. Heureusement, il y a toujours un petit incident pour faire pencher la pièce montée. Citons en vrac : – les mariés qui crèvent (un pneu, je veux dire) – le prêtre qui improvise – la sono qui lâche – la robe de la demoiselle d’honneur coincée dans sa culotte – les réglements de compte familiaux etc, etc.
Au hit parade des causes de dérapages : l’alcool. Le verre qui pousse tonton René à révéler au micro la position préférée de sa femme pendant que son fils se désape sur du Michel Sardou. Le fond de bouteille qui cantonne la mariée aux toilettes alors que la salle l’attend pour la jarretière… Et caetera et in vino emmerdas.
– Avach, jû zur un coup ! Jembal à mort, là. – Hein ? – Tsa vu la gonzesse, près dju buffet ? Tsel avec les chfeux bleus ? – Katie, le fille de Bernard ? – Katsie, ué. Al é cheud comme la baise. Euh, la braise. – Elle est surtout mineure comme ta soeur. – Ah na. Spa peussib’, ça… – Et si. Approche-la encore et je te noie dans la fontaine de Coca. Gros con. – Tsû ? Tsa dit « greu con » ? – Ouais. Mais on s’en fout : demain t’auras oublié.
Et vivent les mariés.
Les Commentaires
Si c'est bien ce jeu, on accroche une ficelle à la taille de la mariée avec une banane au bout (en fait la banane lui pend entre les jambes) et on fait de même avec le marié mais il a un anneau au bout de sa ficelle.
Tout le monde aura remarqué la grande finesse de ce jeu et ses énormes allusions sessouelles !
Et la mariée doit entrer sa banane dans un trou de bouteille et le marié doit enfiler son anneau autour du goulot d'une autre bouteille (les bouteilles étant posées par terre !).
J'crois qu'ils font ce jeu dans les Bronzés aussi !!
En tout cas, j'ai adoooooré l'article !! Et si j'me marie un jour, je changerai rien du tout à tous les plans galère croisés parce que mine de rien, c'est ça qui crée les souvenirs !!! Et pis c'est un peu la tradition du mariage aussi !!