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Féminisme

S’ausculter la chatte pendant des ateliers d’auto-examen, un acte aussi militant que rassurant

Pour éviter les violences ou se réapproprier leur corps, de plus en plus de personnes mènent des ateliers d’auto-examens. Au-delà du fait de se regarder le col de l’utérus dans un miroir, il s’agit surtout de récupérer un savoir gynécologique raflé par les hommes !

Le 30 novembre 2021

Cet article fait partie d’un dossier autour des violences gynécologiques et obstétricales, et de l’histoire de la médecine gynécologique.

C’est connu : à partir de 25 ans, on exhorte les personnes à vulve à consulter un ou une gynécologue au moins une fois par an pour un examen de routine. Mais beaucoup procrastinent et repoussent le jour J du check-up par peur de devoir passer entre les étriers d’un ou d’une médecin parfois peu délicate.

Dans la crainte de se voir enfoncer un spéculum dans le vagin sans consentement, par pudeur ou pour apprendre à se gérer avec plus ou moins d’autonomie, des collectifs et des experts et expertes en éducation sexuelle mettent en place des ateliers d’auto-examens gynécologiques. 

Se réapproprier la vulve

Le système patriarcal dans lequel on vit a longtemps empêché les personnes à vulve d’étudier. Quant à la médecine, c’était chasse gardée par les hommes, et ça l’est encore largement aujourd’hui.

Misungui Bordelle, domina, actrice de films X et éducatrice sexuelle raconte comment le savoir gynécologique a été arraché aux femmes :

« Sa diffusion été traversée par deux périodes principales : 

La première, durant laquelle les hommes et l’Église pensaient que l’orgasme féminin était nécessaire pour procréer. Il était donc encouragé ; cette période, on a découvert le clitoris. Il existait aussi des sortes de fuck machines vintage pour soigner toutes sortes de maux (comme l’hystérie ou la dépression).
– La seconde, quand ils ont capté que finalement il n’y avait pas besoin d’orgasme pour faire des bébés : le clito a alors été éclipsé. C’est à ce moment que Freud, notamment, a commencé à dire que les meufs qui se touchaient étaient des perverses dangereuses…. Il faudra attendre jusqu’à très récemment pour déterrer le fameux organe. »

« On considérait les personnes à vulve qui détenaient un certain savoir gynécologique comme des sorcières, à chasser et à éliminer à tout prix », raconte Maud Renard, autrice du livre Habiter son utérus. « Elles géraient entre elles les douleurs, les avortements ou encore les accouchements. »

Les flux, une initiative féministe pour la réappropriation des savoirs gynécologiques, organise régulièrement des ateliers de self-help pour « parler de ce qui est réservé aux médecins » :

« La mise sous silence s’accompagne d’une confiscation des savoirs et des savoir-faire. Sorcières, infirmières, sages-femmes : brûlées, soumises aux médecins, méprisées.

Des tentatives de reconquête de ce savoir sur nos propres corps ont existé. Dans la lutte féministe pour l’accès à la contraception et la légalisation de l’avortement dans les années 70 notamment, des femmes ont appris et même innové en matière de gynécologie : groupes de paroles, ateliers d’auto-examen, pratique de l’avortement collectif. »

Avance rapide : nous voilà plusieurs décennies plus tard, à l’ère du clito et de l’éducation sexuelle. Un apprentissage et une libération de la parole sur le sujet, plus seulement sous le prisme de la procréation ou de la maladie, mais aussi sous celui du plaisir et de l’exploration de soi.

Doigts insérés dans un melon
La réappropriation de sa vulve passe dans l’apprentissage et l’observation !

La santé sexuelle des personnes à vulve est longtemps restée entre les mains d’hommes ou de sachants qui perpétuent des violences en tous genres — « Le corps est soumis à la domination patriarcale à travers une médecine qui a été longtemps masculiniste », résume Maud Renard. Si bien que la plupart d’entre elles ne connaissant même pas, ou très peu, leurs organes génitaux, qu’elles regardent avec méfiance ou révulsion.

On nous apprend vaguement l’auto-palpation pour détecter les prémices d’un cancer du sein, mais du côté de la vulve, c’est le néant. Pourtant, il y a tellement à savoir et à faire par soi-même !

Pour Misungui Bordelle, on peut se réapprorier sa vulve « en s’informant sur Internet, en en parlant avec sa sage-femme, sa gynéco, son médecin traitant ou au planning familial, en posant des questions, etc. Et aussi en participant à mes ateliers d’auto-examen, Rencontre ta chatte ! » 

Pour Maud Renard, il faut aller au-delà des cours de quatrième. La réappropriation passe dans l’apprentissage et l’observation !

« Il faut en savoir plus sur l’anatomie du vagin et de l’utérus, sur comment fonctionnent les cycles et les hormones (en dehors des menstruations et de l’ovulation). L’œstrogène a, par exemple, 100 rôles dans le corps ! On ne le sait pas assez… »

De manière générale, le savoir c’est la liberté et le pouvoir. Plus on en sait, moins on subit.

Pratiquer l’auto-examen, c’est pas sorcier

C’est bien beau tout ça, mais sans années de médecine derrière soi, comment prendre le relai de son ou de sa gynécologue pour vérifier que tout va bien dans sa culotte ?

Pour Misungui Bordelle, il faut avant tout s’intéresser à l’anatomie de la vulve et à tout ce qui la compose à l’extérieur, comme à l’intérieur. Savoir comment en prendre soin, quel plaisir on peut en tirer, comment l’explorer en toute sécurité ou encore comment reconnaître les déséquilibres classiques de la flore !

« Mater sa chatte avec un miroir, c’est la base. Explorer avec les mains l’intérieur, pas forcement dans une optique de masturbation, mais plutôt pour sentir les différentes textures et formes…. Savoir se servir soi-même d’un spéculum et savoir comment l’insérer correctement sans douleur, ça permet déjà de repérer avec certitude les pratiques du gynécologue qui ne sont pas OK. »

Selon la domina et éducatrice sexuelle, pratiquer l’auto-examen permet, si on consulte de bons gynécologues ou sage-femmes et si on le souhaite, de ne pas subir d’examens simplement en décrivant les symptômes qu’on a observés par soi-même à la maison, ou encore de placer toute seule le spéculum dans le cabinet. 

« De manière générale, le savoir c’est la liberté et le pouvoir. Plus on en sait, moins on subit. »

Le mieux est de se faire accompagner dans un groupe d’auto-examen pour ne pas patauger dans l’inconnu. Les flux proposent des ateliers gratuits de partage des savoirs et « d’auto-observation des organes génitaux (vulve, vagin et col de l’utérus) » pour se sentir « libre, en sécurité, en confiance et en pouvoir. »

Maud Renard a suivi une formation en gynécologie en Amérique du Sud où le savoir ancestral est beaucoup pus développé, notamment parce que la médecine conventionnelle est très éloignée de certains villages.

Le réflexe n’est donc pas d’aller chez le médecin, mais de s’examiner seule. Une pratique qu’elle applique elle-même puisqu’elle scrute régulièrement ses glaires cervicales, la hauteur de son col et la couleur de sa vulve, par exemple.

« Plus on sait comment fonctionne notre corps, plus on peut savoir ce qui est juste et plus on peut poser ses limites. Il faut comprendre sa vulve avant d’aller systématiquement chez le ou la spécialiste. »

Prendre soin de sa chatte à son échelle

Il ne s’agit pas forcément de remplacer les professionnels de la santé, mais de connaître les bases pour prendre soin de soi, et repérer les bonnes et mauvaises pratiques du corps médical.

Maud Renard explique qu’il est primordial de repérer quelle tête a notre vulve quand elle est en forme pour savoir quand il y a un problème et réagir en conséquence. En revanche, en cas de douleurs ou si le souci persiste, il faut évidemment se rendre chez le médecin.

Mais s’examiner n’est pas accessible à tout le monde — certaines personnes, par exemple, sont dégoûtées par l’aspect de leur vulve. L’autrice leur conseille d’y aller petit à petit et de commencer par s’ausculter à travers un tissu pour apprivoiser leur appareil génital sans le rapport « peau contre peau ».

En attendant, quelques actes du quotidien sont déjà un bon début. Parmi eux, Misungui Bordelle conseille :

« Pas de savon, ni dans ou sur la vulve. L’eau tiède à l’extérieur, c’est amplement suffisant. Éventuellement une huile végétale (l’huile de coco est antiseptique et antifongique) de temps en temps si ça picote ou tiraille mais pas systématiquement car ça étoufferait la flore. De plus, attention, les huiles végétales sont incompatibles avec les capotes en latex (elles deviennent poreuses) !

Le ph de la flore est acide (4,5). S’il est plus ou moins acide que ça, c’est le signe possible d’un déséquilibre. On peut tester ce ph avec des bandes de papier ph qu’on trouve en pharmacie. Trop acide = mycose. Pas assez acide = vaginose bactérienne. »

Bonne exploration !

À lire aussi : De la contraception aux naissances, comment les hommes ont pris le contrôle de la médecine gynécologique

Crédits photos : Deon Black (Pexels)


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Les Commentaires

2
Avatar de Nienke
30 novembre 2021 à 13h11
Nienke
Personnellement je pense que si les pénis étaient manipulés de la même façon que les gynéco le font avec les vagins, bizarrement les mentalités bougeraient.
0
Voir les 2 commentaires

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