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« Tu seras toujours mon bébé » : quand les parents ont du mal à voir qu’on a grandi

Une fois les enfants devenus adultes, chacun doit retrouver sa place au sein de la famille, avec parfois quelques frictions. Surtout quand les parents ont du mal à comprendre la personne que l’on est devenue…

Article initialement publié le 13 février 2019.

Pourquoi les relations entre parents et enfants devenus adultes peuvent-elles être si compliquées, et comment les apaiser ? Pour tenter de répondre à cette question cruciale, nous avons interrogé deux spécialistes des relations familiales et récolté les témoignages de dizaines de lectrices qui nous ont raconté comment ça se passait avec leurs parents.

Parent qui a du mal à voir grandir son enfant : « Tu seras toujours mon bébé »

Il n’y a pas si longtemps (bon, OK, environ 20 ou 30 ans quand même), vous étiez entièrement dépendante de vos parents. Et tout ce que ces adultes faisaient vous paraissait incroyable.

On imagine sans peine combien cela peut être difficile pour certains parents de descendre de ce piédestal et/ou de voir leur progéniture quitter le nid. Voir ses enfants déménager, démarrer leur propre famille et globalement avoir de moins en moins besoin de soi, ce n’est pas toujours simple à avaler.

« On appelle ça le syndrome du nid vide. Quand les parents se demandent : qu’est-ce que je vais faire si je n’ai plus à m’occuper d’eux ? », explique Éric Trappeniers, fondateur des Instituts d’études de la famille de Lille et Toulouse et auteur du livre Se libérer des souffrances familiales.

« L’humour peut aider » dans la relation parent/enfant

Gardez-le en tête la prochaine fois que l’un de vos parents vous ressortira le couplet habituel du « tu ne donnes pas assez de nouvelles » ou « tu ne viens pas assez nous voir ». C’est sa manière perso (et un peu relou) de vous communiquer sa peur que vous l’aimiez moins maintenant que vous vivez ailleurs.

C’est pénible, mais certains parents ont vraiment du mal à comprendre que leur enfant adoré n’est plus « leur bébé », mais un ou une adulte : autonome et libre de faire ses propres choix.

« L’humour peut aider », suggère Béatrice Trélaün, ancienne médiatrice familiale et autrice du livre Conflits dans la famille : manuel pour sortir des querelles. « En disant par exemple : maman quand tu me dis ça, j’ai l’impression d’avoir dix ans dans tes yeux ».

Nos choix d’études, puis de carrière ou de vie personnelle sont une source infinie de stress pour certains géniteurs. « C’est bouché comme filière non ? », « Et si ton projet de création d’entreprise ne fonctionne pas ? », « C’est pas un peu rapide pour se marier ? », etc.

Parent poule : « Je m’inquiète pour toi »

Le problème, c’est qu’en tant qu’enfant on perçoit souvent ce genre de phrases comme des critiques. Et qu’on les traduit souvent intérieurement comme ça : « je n’accepte pas ton choix de vie », « tu es irresponsable », « tu n’es pas à la hauteur », etc.

Pourtant, il s’agit souvent pour nos parents d’une manière (maladroite, certes) d’exprimer leur amour et leur sollicitude. Ils s’inquiètent pour nous, mais ne savent pas toujours bien le formuler. Salomé, 24 ans, l’a compris récemment.

« On a eu une grosse dispute avec mes parents lorsque j’ai choisi d’habiter avec mon compagnon avec qui j’étais depuis six mois. Pour mes parents, c’était trop rapide et ils étaient encore inquiets après une précédente relation avec un homme qui m’avait rendue très malheureuse. On est restés en froid pendant deux à trois semaines, sans se parler. Ils m’ont appelée à l’occasion de mon anniversaire et je les ai invités dans notre nouvel appartement pour qu’on le fête ensemble. Ils ont vu qu’on était heureux, et en partant ils m’ont dit que j’avais eu raison ».

Comprendre l’inquiétude de ses parents ne veut pas dire se laisser parasiter par celle-ci. « À chacun sa place. Les parents peuvent exprimer leurs peurs, donner un avis ou des conseils. À l’enfant adulte d’accuser réception de ces peurs et de ces conseils, de trier s’il y a du bon pour lui dedans, puis de continuer à faire ses expériences et son chemin », précise Béatrice Trélaün.

On peut donc dire à ses parents quelque chose du genre : « je comprends que cela t’inquiète, mais j’y ai bien réfléchi, et j’assume cette décision. Maintenant, j’ai besoin de ton soutien pour y arriver ».

« Tu rejettes mon éducation ? » : une des sources du conflit entre parents et enfant devenu grand

Une autre situation qui peut se présenter parfois, c’est quand les parents perçoivent l’une de vos décisions comme une attaque personnelle. Typiquement, quand l’un des enfants devient végétarien dans une famille d’omnivores.

Ce choix de vie a priori

anodin peut pourtant faire l’effet d’un petit séisme pour certains parents qui le vivent comme une remise en cause de l’éducation qu’ils ont donnée à leurs enfants, de leur modèle familial ou même de leur propre vie.

« Certains parents vivent les choix de leur enfant comme s’ils étaient dirigés contre eux. Et plus l’enfant veut faire accepter ses choix, plus les parents sont déçus », décrypte Éric Trappeniers. C’est un peu ce qui s’est passé entre Cécilia et son père.

« Fils de commerçant éduqué à la dure et baigné dans une culture tradi vieille France, il ne connaît que les valeurs travail, famille et accession à la propriété. Donc une fille qui aura connu plusieurs métiers, le chômage, le salariat et l’indépendance ; qui ne sera toujours pas propriétaire de son logement à 40 ans ; qui aura eu plusieurs compagnons et qui, comble de l’horreur, a laissé la garde de son enfant à son ex-mari, ça, c’est trop pour lui ».

Si vous reconnaissez votre famille dans ce schéma, il va falloir que vous réussissiez à leur faire passer le message que ce n’est pas parce que vous avez pris un chemin différent du leur que vous les aimez moins ou que vous les méprisez.

« Je fais ça pour mon bien, pas pour te rejeter »

« Mon conseil c’est d’écouter la peur et le sentiment de non-reconnaissance du parent. En s’exprimant, le parent prendra conscience de ses émotions et de ses ambivalences. L’enfant pourra ensuite affirmer à nouveau ses choix : je fais ça pour mon bien, pas pour te rejeter », propose Béatrice Trélaün.

Comme tout individu, vous avez le droit au respect de vos choix et de vos besoins. Et ça, ça implique dans le cas du végétarisme par exemple de trouver des solutions pour que vous puissiez manger tous ensemble autour de la même table le soir de Noël.

J’ai choisi de ne pas en parler spécifiquement dans ce texte, parce que cela mériterait un article à part entière, mais l’arrivée des petits-enfants peut aussi être un déclencheur de tensions de ce type. En trente ans, les modèles éducatifs et les recommandations ont évolué et il est possible que vos parents soient interloqués par votre manière d’élever vos enfants. « Quoi ? Tu ne le laisses jamais pleurer ?! Mais tu vas le rendre capricieux ! »

Conflit entre parents et enfants adultes : une histoire de valeurs

Évidemment, la situation est bien plus compliquée quand les désaccords portent sur des valeurs fondamentales. Constater que ses propres parents ont parfois des réflexions racistes, sexistes, homophobes, etc, c’est douloureux à vivre. Même chose lorsque nos opinions politiques se mettent à diverger, comme dans le cas de Julie, 34 ans.

« J’étais en admiration devant mon père jusqu’à mes 16 ans, puis il a beaucoup changé et est devenu d’extrême droite. Aujourd’hui, toute conversation avec lui est devenue compliquée. On se téléphone quand on y pense, mais on se voit rarement, alors que l’on habite à 15 minutes à pied l’un de l’autre ».

Face à des réflexions qui nous heurtent, Béatrice Trélaün conseille de « constater et exprimer sa différence de point de vue sans jugement, en étant dans l’affirmation, mais sans écraser l’autre ».

On peut aussi essayer de formuler ce que l’on ressent sur le moment pour désamorcer les conflits, en préférant le JE au TU, perçu comme plus agressif. « Cela me blesse que tu utilises le mot “femmelette”, c’est une insulte sexiste. Je ne veux pas que l’on se dispute à ce sujet, mais j’aimerais vraiment ne plus l’entendre quand je suis là ».

On peut aussi proposer de prendre du recul et de reparler du sujet plus tard, une fois la tension retombée, voire même passer par l’écrit (une lettre, un mail) pour avoir le temps de peser ses mots.

Une histoire de générations différentes

Au-delà des valeurs, le fait d’avoir grandi dans des contextes économiques et sociaux différents peut aussi créer des incompréhensions entre parents et enfants, notamment au niveau des choix professionnels. C’est ce que raconte très bien Estelle.

« Ma mère est persuadée que si je traverse la rue et que je demande du taff, demain je bosse ! (Hum, ça me rappelle quelqu’un…). Dans sa vie, elle n’a jamais eu à galérer pour trouver un travail ! Elle n’a jamais eu à envoyer 70 lettres de motivations pour obtenir seulement deux réponses négatives en retour. C’est dur dans ces cas-là d’essayer de discuter avec elle. »

Pour une génération qui a plutôt connu des carrières linéaires, à gravir les échelons dans la même entreprise, il peut être déroutant de nous voir changer d’entreprise fréquemment, démissionner ou se lancer en tant que freelance. Sans même parler des personnes qui s’épanouissent autrement que par le travail, comme Tiphaine.

« Je pense que le rapport au travail entre leur génération et la mienne s’est radicalement transformé. Il me semble que pour mes parents, l’accomplissement personnel passait majoritairement par le travail. L’injonction sociétale, c’était de réussir professionnellement et de faire carrière. Aujourd’hui, le travail n’est qu’un élément parmi d’autres pour s’épanouir. »

Des différences culturelles qui compliquent la relation avec ses parents

Ce décalage générationnel se ressent aussi sur le rapport à la propriété ou sur de petits détails comme les tatouages ou les piercings. Complètement banals pour notre génération, mais encore vus comme un truc de marginaux pour de nombreuses personnes plus âgées.

Ce décalage générationnel se complique encore plus quand des différences culturelles s’en mêlent, comme pour Gnouleleng, 26 ans, d’origine togolaise.

« Enfant, je voyais très peu ma mère, qui travaillait énormément pour élever seule cinq enfants. On s’est énormément construits à l’école, avec nos amis, les profs, la télévision… Ma mère a fini par se rendre compte d’une chose : on était Français à 100%. Je voyais dans son regard une certaine tristesse ou déception de ne pas avoir pu être la mère qu’elle souhaitait et nous inculquer ce qu’elle aurait voulu. C’était douloureux à vivre, d’autant plus qu’en tant que fille noire en France, je faisais face à des expériences qu’elle n’arrivait pas à comprendre, car elle ne les avait pas connues ».

« Je ne te demande pas de me comprendre, mais de m’aimer »

Finalement, pour avoir des relations apaisées avec ses parents, peut-être qu’il faut faire le deuil des parents parfaits que l’on aurait aimé avoir, en renonçant à les changer. « C’est ce qu’on appelle la différenciation : accepter de se séparer de ses parents », explique Éric Trappeniers qui ajoute qu’eux aussi doivent faire le deuil de la vie qu’ils avaient imaginée pour leur(s) enfant(s).

Rien de tel qu’une discussion apaisée en famille pour trouver un mode de fonctionnement qui vous convient à tous. On peut s’aimer et se soutenir les uns les autres, même si des incompréhensions subsistent. C’est ce que Marion explique très bien.

« Ma relation avec mes parents a beaucoup évolué depuis que je suis « adulte ». Enfant, j’idéalisais mes parents, je pensais qu’ils étaient parfaits. Quand j’ai compris qu’ils étaient juste humains, j’ai trouvé ça assez décevant. Je leur ai pas mal reproché des choses pour qu’ils collent plus à mon image de perfection. Puis je me suis rendu compte qu’en les acceptant, j’apprenais à vraiment les aimer pour ce qu’ils sont et à leur « pardonner » (ou du moins à accepter) tout ce qu’ils ont fait de travers ».

Couper les ponts avec ses parents

Si la relation avec vos parents est très conflictuelle, vous pouvez aussi leur proposer de voir ensemble un médiateur ou une médiatrice familiale. Une ou deux séances peuvent suffire à rétablir une relation plus équilibrée et plus saine.

Et si, vraiment, chaque séjour chez eux vous rend malade, et que vous avez l’impression qu’ils ne vous apportent rien, eh bien… vous avez le droit de prendre vos distances. Laurine, 26 ans, a trouvé le courage de le faire.

« Ma mère dit qu’elle est fière de moi, mais elle critique toutes mes décisions. Depuis quelque temps, j’ai un copain. C’est un ami de ma soeur et jusqu’ici ma mère ne disait que du bien de lui, mais depuis qu’on sort ensemble, elle le dénigre, ne lui adresse plus un sourire ni un bonjour. En bref : ma mère est toxique. On a arrêté de se parler il y a quatre mois après une grosse dispute et je me sens LIBÉRÉE depuis. J’ai une pression en moins sur les épaules. »

Ce n’est pas toujours évident à comprendre, surtout si vos parents vous répètent l’inverse depuis toute petite, mais VOUS NE LEUR DEVEZ RIEN. Vous respectez vos parents, s’ils vous respectent aussi, comme dans toute relation entre adultes responsables.

À lire aussi : Comment éviter de régresser dans une dynamique « parents-enfant » pendant les fêtes


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

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Avatar de Bleu pastel
2 juin 2021 à 19h06
Bleu pastel
@Witch'Daughter ouais mais ma sœur et moi n'avons que 18 mois de différences et moi ils m'appellent "la grande" alors que plus on vieillira, moins cet écart d'âge se verra. Du coup je trouve que continuer à nous donner ces surnoms n'a pas de sens
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