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Qu'est-ce que la dette sexuelle ? // Source : Unsplash
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Qu’est-ce que la dette sexuelle et comment se débarrasser de ce sentiment qui nous pourrit la vie ?

Vous n’avez jamais entendu parler de la dette sexuelle ? Pourtant, il y a fort à parier que vous, votre BFF ou votre voisin·e, si ce n’est les trois à la fois, ayez déjà éprouvé ce sentiment parfois inconscient au moins une fois au cours de votre vie.

C’est le scénario classique : tu l’as rencontré lors d’une soirée, vous vous amusiez bien et, à la fin, il a proposé de te raccompagner. Tu n’avais pas très envie de t’engager dans quoi que ce soit ce soir, mais il insiste et tu finis par accepter, car, de toute façon, il est tard, et tu n’es pas contre faire le chemin du retour accompagnée.

Arrivés en bas de chez toi, il veut monter prendre un dernier verre. Tu n’en as pas envie non plus, mais il a quand même fait un détour pour toi alors, tu le lui dois bien, ce dernier verre. Vous montez, il t’embrasse, déboutonne ton pantalon. Là encore, tu aimerais lui dire non, mais tu n’oses pas : tu ne voudrais pas passer pour une allumeuse. Et puis, tu t’en rappelles, il a quand même fait un détour pour toi.

C’est ça, le sentiment de dette sexuelle : se sentir redevable d’une quelconque activité sexuelle sous prétexte d’avoir reçu un service ou un cadeau. Ce phénomène, bien qu’il n’ait évidemment rien de nouveau, est de plus en plus souvent évoqué et pris en compte par les professionnels qui travaillent autour de la sexualité féminine, comme c’est le cas de Léa Seguin, chercheuse en sexologie à l’Université du Québec à Montréal :  

« Depuis #Metoo, nous commençons à parler de sexualité féminine, de plaisir et de consentement. La notion de dette sexuelle n’est pas un terme très courant, même si on comprend directement ce à quoi il fait référence, ainsi que son caractère problématique par rapport à l’idée de consentement »

À lire aussi : Couple et argent : les violences économiques, des violences du quotidien difficiles à identifier

Un script sexuel bien ancré dans nos relations romantiques

Mais alors, pourquoi se sent-on parfois redevables d’offrir une activité sexuelle à quelqu’un, et dans quelles situations ce phénomène se produit-il ?

Selon Consentis, une association parisienne qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu festif, et qui travaille notamment sur la notion de consentement, le sentiment de dette sexuelle nous concerne toutes et tous, et nous vient en grande partie des scripts sexuels auxquels nous sommes exposés depuis notre tendre enfance.

Ils sont véhiculés tout au long de notre vie à travers des supports culturels tels que les films, les séries, ou encore les livres, explique Domitille Raveau, co-fondatrice de l’association : 

« On nous a montré maintes et maintes fois comment les personnes, majoritairement dans les relations hétérosexuelles, se draguent, se touchent, font l’amour, etc. Tous ces scénarios scriptés se sont installés dans nos têtes, et maintenant, on les suit sans même s’en rendre compte. Un des exemples les plus parlants se déroule justement le plus souvent dans les milieux festifs, où offrir un verre est synonyme de drague. Et si on accepte un verre offert, on imagine tout de suite que l’on va devoir passer toutes les étapes suivantes : la conversation, le baiser, puis la relation sexuelle quand cela va encore plus loin. Ce phénomène peut se produire également si on dort dans le même lit qu’une autre personne, ce qui est synonyme également pour beaucoup de gens de relations sexuelles »

Si, comme on l’a vu, le sentiment de dette sexuelle peut surgir à tout moment dans des situations aussi banales qu’une soirée dans un bar, on peut le ressentir également dans des situations encore plus courantes, comme au quotidien dans son couple.

En effet, il est possible de ressentir un sentiment de dette sexuelle envers son conjoint ou sa conjointe même si l’on n’en a pas envie de pratiquer une quelconque activité sexuelle. Et ce, soit pour lui faire plaisir, soit parce qu’on pense qu’on doit faire absolument l’amour pour préserver la santé de son couple.

Dans ce cas-là, il s’agit davantage d’une injonction sociale, mais qui est pourtant très ancrée encore aujourd’hui, poursuit la chercheuse canadienne :

« Il y a cette idée dans le couple que la sexualité est acquise, que c’est quelque chose que l’on doit à son conjoint, car un couple qui fonctionne, c’est un couple qui fait assez souvent l’amour. Or, la sexualité est un échange entre deux personnes, et un couple qui fonctionne de façon saine est un couple où chacun est libre d’exprimer ses désirs ou ses non-désirs comme il le souhaite. Mais il y a également l’idée reçue selon laquelle, dans le cas des couples hétérosexuels, les hommes auraient plus de libido que les femmes, et que ces dernières devraient du sexe à leur conjoint pour satisfaire un besoin naturel intrinsèquement lié aux hommes, et ce même lorsqu’elles n’en ont pas envie »

Un phénomène très genré

Comme on peut le percevoir dans les explications de Léa Seguin, la question de la dette sexuelle, bien qu’elle puisse toucher tous les individus, est un phénomène plutôt genré. Qu’il intervienne dans un contexte festif, un contexte de date ou encore au sein d’un couple, la notion de genre est très importante, puisqu’elle fait reposer le fonctionnement d’un couple sur des rôles bien précis, ajoute la chercheuse :

« Les scripts sexuels et le sentiment de dette sexuelle qui les accompagnent concernent davantage les relations hétérosexuelles, et touchent davantage les femmes. En effet, dans les scripts genrés que nous avons toutes et tous intériorisés, dans une relation amoureuse hétéronormée, c’est l’homme qui propose, qui fait le premier pas, et c’est la femme qui accepte l’invitation ou la refuse. Et c’est justement cette passivité qui fait que les femmes sont plus susceptibles de se retrouver dans des situations où elles pensent devoir dire oui pour pouvoir satisfaire la demande de l’autre »

À noter également que ces rôles genrés peuvent également se retrouver dans les couples homosexuels, car, si le script hétérosexuel est le script de drague est majoritaire, il impacte tout le monde, quelle que soit son orientation sexuelle.

Travailler autour du consentement, la clé pour prévenir les situations problématiques

Si le phénomène de dette sexuelle est étroitement lié à la notion de consentement, on l’aura compris, c’est parce qu’il ne prend ni en compte la notion d’envie, ni celle de désir, encore moins celle de plaisir. C’est pourquoi Consentis avait rapidement identifié ce phénomène au moment de sa création, précisément parce que celui-ci s’inscrit en opposition à la définition que l’association donne du consentement, rappelle Domitille Raveau : 

« Chez Consentis, nous définissons le consentement comme enthousiaste, libre et éclairé. Pour nous, le consentement doit également être réversible. Or, il est impossible de donner correctement son consentement pour pratiquer une activité sexuelle lorsqu’on suit un script de drague établi par notre société patriarcale plutôt que ses propres désirs. Et c’est en réfléchissant à toutes ces questions que nous avons réussi à identifier le sentiment de dette sexuelle, qui pose un réel problème lorsqu’on milite pour une société plus juste, égalitaire et inclusive » 

Comment donc se débarrasser de ce sentiment de redevabilité inscrit profondément en nous pour pouvoir enfin donner librement son consentement ? Pour Domitille, il s’agit avant tout de réinventer, ensemble, les scripts sexuels qui régissent nos inconscients afin d’y intégrer le consentement.

À moins d’être totalement à l’aise avec l’expression de ses envies quelle que soit la situation. Un projet que Léa Seguin considère très ambitieux au regard des fondements d’une société où les femmes ne sont pas maitresses de leur propre sexualité

« Le problème que toutes ces questions soulève, c’est que la sexualité des femmes ne leur appartient pas. Elle appartient aux hommes, qui ont réussi également à nous faire porter leurs propres lunettes, celles du male gaze. Ainsi, nous ne sommes pas dans la réflexion de « de quoi ai-je envie ? », mais plutôt « que devrais-je faire ? ». Et tant que l’on n’aura pas réglé cette question, le phénomène de dette sexuelle, ou encore la question du consentement, sera toujours pas réglée »


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

11
Avatar de Matilda Verdebois
4 avril 2023 à 23h04
Matilda Verdebois
@Nefertii c'est rigolo, parce que quand j'avais parlé de ça à une copine qui a grandi aux Etats-Unis, elle avait immédiatement interprété la situation comme un first date (ou une tentative de). Et surtout, on n'était pas vraiment potes. Il bossait dans une autre équipe que la mienne et il m'a invitée quasiment immédiatement après avoir discuté 5 minutes.
J'ai trouvé un article qui en parle un peu. Après, je pense que le mec avait surtout mal interprété mes signaux. Mon enthousiasme pour dire oui au café, il a dû croire que c'était parce que j'étais intéressée.
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