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Daronne

Et si on parlait de l’accouchement physiologique en France plutôt que de laisser les pseudo-experts s’en charger ?

Les femmes s’intéressent de plus en plus à l’accouchement physiologique et témoignent par la même occasion de leur défiance à l’égard du corps médical. En l’absence de réponses adéquates de la part des autorités, certaines s’exposent à des risques et des dérives.

Pourquoi souffrir le martyre quand on peut avoir accès à la péridurale ? À l’heure ou 82,7 %, des Françaises ont encore recours à cet analgésique, elles sont pourtant de plus en plus nombreuses à envisager l’accouchement physiologique. Garant du respect de l’intégrité physique et morale de la parturiente, il s’impose comme une alternative séduisante à l’accouchement médicalisé, encore considéré comme incontournable en France et fréquemment critiquée pour son manque d’humanité.

Mais, si l’idée d’un accouchement naturel attire de nombreuses patientes, elles n’y ont souvent pas accès faute de structures et de solutions adaptées. Cette absence d’alternatives pousse parfois les plus motivées à se tourner vers des interlocuteurs qui n’ont ni les formations ni les compétences nécessaires pour les accompagner correctement.

L’accouchement physiologique séduit de plus en plus de Françaises

Selon une étude parue récemment, 9 femmes sur 10 seraient favorables au développement des maisons de naissance et elles seraient 64 % à envisager d’y accoucher. Ces établissements, rattachés à des structures hospitalières, proposent aux femmes enceintes un suivi de grossesse moins médicalisé et permettent à celles qui le souhaitent d’y enfanter physiologiquement.

À l’heure actuelle, il existe huit maisons de naissance en France. L’Accouchement Assisté à Domicile fait lui aussi l’objet d’un intérêt grandissant. Une seconde étude révèle que 36 % des femmes envisageraient de donner naissance chez elles, alors même que l’AAD est encore très mal considéré dans notre pays.  

Une tribune parue dans Le Monde en mai dernier révèle que 20 % des accouchements feraient l’objet d’un déclenchement. Les outils d’extractions seraient également utilisés dans 20 % des cas et le taux d’épisiotomie serait de 15 %. Il ne s’agit pas de remettre en cause la légitimité de ces pratiques, mais de constater qu’elles sont très fréquentes. Face à une médicalisation parfois perçue comme outrancière, de nombreuses femmes souhaiteraient se voir proposer des alternatives à ces naissances cliniques.

Si chaque future mère doit pouvoir choisir le mode d’accouchement qui lui convient sans devoir se justifier, cette tendance révèle une défiance grandissante à l’égard d’un milieu médical ébranlé par les accusations massives de violences obstétricales. La naissance physiologique permettrait de se réapproprier un corps et un accouchement, traditionnellement annexés par la médecine.

L’accouchement physiologique à l’étranger, entre fantasme et pragmatisme

L’accouchement naturel ne fait pas débat partout. Aux Pays-Bas par exemple, la grossesse et l’accouchement ne sont pas perçus de la même façon qu’en France. Là-bas, seules 22 % des femmes ont recours à une péridurale et les maisons de naissance sont légion. Personnellement, vivant aux Pays-Bas, j’ai fait le choix comme 30 % des femmes, d’accoucher de mon fils à la maison, accompagnée d’une sage-femme et d’une puéricultrice. Si je n’ai pas été épargnée par la douleur d’un accouchement sans péridurale, je ne regrette absolument pas ce choix qui m’a permis d’entamer cette nouvelle aventure dans la quiétude de mon foyer.

Il ne s’agit pourtant pas de faire l’apologie de l’accouchement naturel à tout prix et surtout dans n’importe quelles conditions. Toujours aux Pays-Bas par exemple, l’accouchement à la maison est soumis à des conditions drastiques. Grossesse à bas risques, absence d’antécédents médicaux, examens préalables, domicile conforme et situé à proximité d’un hôpital, si elles ne remplissent pas ces critères, les femmes se voient refuser l’accès à l’AAD alors jugé trop dangereux. 

Les sages-femmes qui pratiquent les accouchements à domicile sont par ailleurs formées à détecter les risques et n’hésitent jamais à transférer une femme à l’hôpital avant même que ces risques soient confirmés. De quoi nuancer le fantasme d’un pays de cocagne où le physiologique se destine à toutes, sans condition, et décevoir les rêveries essentialistes de ceux qui prétendent que le corps de la femme « est fait pour ça ».

Les dérives du mouvement physiologique


De nombreux pseudo-experts du naturel envahissent la place laissée vacante par un corps médical et des pouvoirs publics peu réceptifs. Ces « spécialistes » qui sévissent notamment sur Facebook et Instagram n’ont parfois comme seule compétence que leur bonne volonté et leur idéologie. 

Les discours véhiculés peuvent alors s’avérer particulièrement dangereux. On retrouve souvent l’idée que « le corps de la femme sait ce qu’il faut faire puisqu’il accouche naturellement depuis des millénaires ». Cette impression de sur-médication a brouillé les pistes, et laisse croire à certaines patientes qu’une intervention médicale est systématiquement inutile et ne sert qu’à asseoir la domination du soignant. 

Elles peuvent être tentées de refuser une aide nécessaire, ou faire le choix d’accoucher seules chez elles sans accompagnement. Or, depuis des millénaires, les femmes ne se contentent pas d’accoucher naturellement, elles en meurent aussi souvent.

Loin de la vision pragmatique de certains pays européens qui voient surtout dans l’accouchement physiologique un bon moyen de faire accoucher les femmes en bonne santé pour pas trop cher, les dérives pro physio investissent l’accouchement naturel jusqu’à le transformer en rite de passage qu’il faut « réussir » à tout prix. 

Selon ces nouveaux acteurs du naturel, une bonne préparation mentale et physique garantit le bon déroulement de l’accouchement, et sans souffrir s’il vous plaît ! D’ailleurs, on préfère éviter le terme douleur, comme celui de contractions. On parle de vagues, d’intensité et parfois même d’orgasme. Absolument. Webinaires, formations, matériel, de nombreuses ressources (payantes, évidemment) sont mises à disposition des futures mères pour leur permettre de dompter leur accouchement en toute détente. 

Au risque de complexer terriblement celles (nombreuses) qui ont bénéficié d’une aide médicale. Pour l’anecdote personnelle, lorsque j’ai osé faire remarquer que l’accouchement sans péridurale était douloureux (euphémisme), on m’a rétorqué que je n’avais simplement pas réussi à lâcher prise correctement. Avec un tel discours, les primipares qui découvrent les contractions, pardon, les vagues, ne doivent pas bien comprendre ce qui leur tombe dessus.

L’accouchement physiologique est courant dans des pays dont le taux de mortalité péri-natale équivaut au nôtre et le modèle hexagonal n’est pas le seul qui vaille. L’engouement pour les naissances naturelles doit nous pousser à remettre en question des pratiques obstétricales françaises ultra-médicalisées et ouvrir la voie à des alternatives encadrées et sécurisées, comme celles qui existent à l’étranger. Au lieu de laisser des pseudo-experts occuper exclusivement le terrain.

À lire aussi : Dans les maternités, la lente évolution de la place du coparent

Crédit photo image de une : Getty Images


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Les Commentaires

11
Avatar de A Kane
25 novembre 2022 à 18h11
A Kane
@Clèves si je peux rebondir au "c'est dommage si ce n'est pas nécessaire", évidemment je n'étais pas là pendant la discussion avec cette sage-femme, mais j'aurais tendance à comprendre ça comme "c'est une intervention qui vient donc forcément avec des bénéfices (ne pas avoir mal), mais aussi des risques (plus de chances de forceps ou ventouse), donc si tu ne ressens pas sur le moment vraiment le besoin des bénéfices, c'est dommage de prendre les risques". J'ai déjà personnellement vu des femmes qui gèrent hyper bien et se sentent encore bien demander la péri parce qu'elles ont peur de ne plus gérer plus tard, ou qui demandent la péri alors qu'elles sont très visiblement en pleine transition, donc on se doute très fort que sans péri, ce bébé serait probablement là très rapidement, et ofc c'est notre rôle de les soutenir dans ce qu'elles veulent donc si elles veulent la péri, on leur donne la péri, mais c'est vrai que quand ça se termine en forceps>épis>hémorragie de la délivrance, je ne peux pas dire que je me suis jamais demandé (en le gardant 100% pour moi évidemment) si ça se serait passé pareil sans la péri ou me suis jamais dit "fucking epidural". Et clairement quand on fait bien notre job, les femmes peuvent très bien vivre ces évènements et être très heureuses de leur expérience, et c'est ce qui compte!.. mais je pense que c'est aussi naturel de vouloir "le meilleur" pour elles et que pas de forceps-épis-hémorragie > forceps-épis-hémorragie, ne serait-ce qu'au niveau de la récupération en post-partum.
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