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« Daria Marx documentaire »
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Pourquoi moi, Daria Marx, j’ai fait un documentaire sur la grossophobie

La militante féministe, autrice et co-fondatrice de Gras Politique, est venue à la rédac de Rockie présenter son documentaire « Daria Marx : ma vie en gros » qui sera rediffusé sur France 2 ce mercredi 8 juillet.

Article publié initialement en février 2020

Daria Marx est une militante féministe que tu connais peut-être déjà. Autrice de « Gros n’est pas un gros mot : chroniques d’une discrimination », elle est aussi la co-fondatrice de Gras Politique, un collectif qui lutte activement et concrètement contre la grossophobie.

 Ce mercredi 8 juillet à 23h, France 2 diffuse son nouveau projet, un documentaire intitulé « Daria Marx : ma vie en gros » —déjà disponible en replay— et c’est à cette occasion que j’ai pu l’interviewer au sein de la rédaction de Rockie.

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Crédit: Morgane Productions

Quand elle arrive à la rédac’ accompagnée de son petit chien Merlin, que je manque d’écraser faute d’être très douée pour mettre un pied devant l’autre, je dois bien l’avouer : je suis intimidée. Pour moi, Daria Marx c’est la figure de proue d’un mouvement qui me parle tout personnellement.

Elle est celle qui dénonce les discriminations vécues par les personnes grosses avec des mots forts, justes et durs depuis dix ans maintenant, et savoir que tout un documentaire lui sera consacré, à elle et à ce mouvement si important, me rend vraiment fière de pouvoir mener cette interview.

Un documentaire engagé contre la grossophobie et des réactions appréhendées

Elle n’est pas seulement l’autrice de ce documentaire, elle en est aussi le personnage principal. Daria redoute donc un peu les réactions des haters, qui n’ont jamais été tendres avec elle, que ce soit lors de la publication de ses écrits ou lors de ses passages télévisuels, à l’époque où elle faisait la promotion de son livre.

Elle a mis en place tout un système de barrières pour lire le moins possible d’horreurs et ne pas voir les réactions qui pourraient la heurter sur internet, mais malgré tout, même si elle essaye de passer au travers des commentaires horribles qu’elle peut recevoir dès qu’elle prend la parole, elle ne peut pas s’empêcher d’y jeter un coup d’oeil, par curiosité.

Elle constate malheureusement qu’elle est habituée à cette violence, et que les commentaires sont toujours les mêmes. « J’ai lu mille fois que je devrais faire du sport et me mettre au régime car sinon j’allais crever. Je suis rodée, ces réflexions me coulent dessus ».

Ce qui l’inquiète davantage cette fois, c’est qu’elle ne sera plus la seule à être en lumière, puisque sa propre mère sera aussi présentée et interviewée, tout comme ses amis. Elle appréhende énormément les commentaires et les réactions que pourraient susciter les interventions de ses proches, n’étant pas prête à faire face à une vague de haine les concernant. Elle se sent responsable de ce qui va leur arriver, et veut les protéger autant que possible.

Malgré cela, elle a hâte d’avoir des retours sur le projet qui a nécessité beaucoup de travail depuis deux ans, et de pouvoir mettre en valeur tout le travail de l’équipe bienveillante avec qui elle l’a partagé. Et cette excitation prend le pas sur la peur de se faire harceler et insulter (à nouveau) sur internet.

Daria Marx : ma vie en gros, un documentaire intime 

Pour une fois —et c’est rare quand on aborde le sujet de la grossophobie— les raisons de ces prises de poids sont évoquées : pourquoi les gros sont gros ? Comment le sont-ils devenus ? À quoi cela est dû ? Quel est leur parcours ?

Cinq personnages principaux, quatre filles et un garçon, parlent des raisons de leur poids hors-normes, de la façon dont ils le vivent et tracent un panorama de ce qu’est la grossophobie, pour permette de mettre en lumière la façon dont cette discrimination a un impact sur leur vie.

Ces prises de poids ne sont pas (attention spoiler) uniquement dues à une mauvaise alimentation, mais elles ont aussi une origine psychologique. Cet aspect du problème est rarement expliquée, et c’était important pour elle de le raconter.

Malgré tout, Daria n’a pas voulu faire de ce documentaire quelque chose de triste, « même si les histoires racontées peuvent être dures à entendre puisqu’elles parlent de traumatismes et d’évènements douloureux« .  Le message fort qu’elle a voulu faire passer aux personnes concernées est « qu’elles ont autant le droit que les autres de vivre, d’aimer, qu’elles n’ont pas à se rendre invisibles, qu’elles ont le droit de prendre de la place, comme tout le monde. »

C’est un documentaire intime, bienveillant et positif, car tu pourras aussi y voir une bande de potes qui se vannent, se marrent, se font des blagues sur le fait d’être gros parce qu’au bout d’un moment, ça peut aussi faire du bien d’en rire.

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Crédit : Morgane Productions

Le documentaire Ma vie en gros : le point culminant de son militantisme

À un moment de notre entretien, Merlin renverse la tasse pleine de café sur la table, et commence à attaquer un des coussins du canapé, c’est qu’il doit se sentir comme chez lui… Il me grimpe sur les genoux y restera jusqu’à la fin de l’entretien, et je me sens presque flattée d’être prise pour un fauteuil bien confortable.

Je questionne alors Daria sur son énervement légendaire, et je lui demande si elle a toujours autant la rage. Elle sourit et répond qu’en vrai, elle n’est pas si énervée, que Daria Marx est un personnage qu’elle en a un peu marre d’interpréter.

Même si ce double lui a permis de se sortir de très mauvaises passes, le considérant comme plus fort et plus énervé qu’elle ne l’était réellement ou qu’elle n’arrivait à l’être dans sa vie personnelle, elle sent qu’elle arrive à « l’album de la maturité ».

Elle a envie de nuances, elle est fatiguée de gueuler, elle en a marre de se « mettre la rate au court-bouillon » comme elle pouvait le faire il y a quelques années sur les réseaux sociaux.

 « J’ai compris qu’on ne débat pas sur les réseaux sociaux. On est juste des milliers à monologuer nos énervements, mais c’est très rare qu’on fasse changer quelqu’un d’avis ». 

Elle ressent le besoin « d’être derrière » de ne plus être celle qu’on associe à la lutte.  Elle veut passer le flambeau aux autres qui prennent bien le relais, continuant à militer bien sûr, en écrivant pour Gras Politique par exemple, mais elle voit, avec la diffusion de ce documentaire, le point d’orgue de sa mise en avant dans le mouvement.

Daria a pris du recul, glisse doucement vers le côté « vielle conne de la force » comme elle le dit elle-même, mais pense qu’au final, c’est quand même bien plus reposant. Elle est ravie de voir la fougue de celles qui prennent le relais et qui ont 18-20 ans, mais elle a besoin de se détacher de cette rage.

Aujourd’hui, elle a besoin de plus de temps pour que son discours se déploie, loin des 240 caractères de Twitter ou des punchlines des vidéos courtes diffusées sur Konbini. « Maintenant qu’on a déblayé le chemin à coups de fourches, on peut planter des petits semis ». Daria ne se retire pas du militantisme, elle a besoin de trouver son nouveau format d’expression.

Le mouvement anti-grossophobie

Si elle sent qu’elle est arrivée au bout de ce qu’elle accepte de faire médiatiquement, elle remarque qu’elle se sent moins seule dans cette lutte, avec la mise en lumière d’autres intervenant·es dont les propos impactent tout autant, comme Leslie Barbara Butch par exemple.

« La parole se libère, le mouvement est en marche. Il faut se réjouir du chemin qui a été accompli et de voir des gens différents s’en emparer pour continuer le boulot. »

Elle espère qu’un jour, la grossophobie n’existera plus. Elle compare la France à l’Angleterre, où les gros sont mieux acceptés, où il y a plus de diversité, « comme on peut le voir dans leurs médias, ou avec les influenceuses, qui ont des physiques vraiment différents. »

Concernant les discriminations, elle garde espoir, mais demande un meilleur accès aux soins. Vivant à Paris, elle se trouve déjà chanceuse d’avoir la possibilité de changer de médecin si celui qu’elle consulte est grossophobe, mais elle pense surtout à celles qui vivent dans des coins plus isolés de France, où l’accès aux soins, dans la dignité, peut devenir un vrai parcours du combattant.

Elle place toutefois pas mal d’espoir dans la nouvelle génération de soignants, qui sont plus sensibles et concernés par la grossophobie, et qui ont investi dans du matériel adapté, pour ne pas exclure les corps différents.

« Il faut qu’on reconnaisse, qu’on admette, que oui, il y a des gros en France. Ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas qu’ils vont disparaitre, qu’ils vont maigrir. Il faut que l’État prenne ses responsabilités et investisse dans du matériel médical adapté dans les centres de soins. S’adapter aux corps gros n’est pas prôner l’obésité, c’est simplement arrêter d’exclure 15% de la population française. La dignité devrait être acquise pour tout le monde, qu’importe ta taille et ton poids ».

La militante lance également un appel au mouvement féministe, leur demandant davantage d’implication dans la condition des femmes grosses, pour l’accès à la contraception ou à la maternité, « car tout cela est aussi un combat féministe, comprenant le contrôle des corps et le body-shaming. »

Le message de ce documentaire aux personnes discriminées : ne perdez pas espoir

Merlin ne quitte toujours pas mes genoux, il a arrêté de vouloir manger tous les coussins et d’explorer les moindres recoins de la salle. Je demande à Daria de me parler du message final de ce documentaire. À qui s’adresse-t-il vraiment ? Aux personnes grossophobes ? Aux victimes de grossophobie ?

« J’espère aider les personnes discriminées à cause de leur poids. Je veux leur dire qu’elles ne sont pas seules, que ça va aller, qu’elles peuvent être elles-mêmes, qu’elles peuvent prendre de la place, qu’elles peuvent être ce qu’elles veulent, qu’elles doivent arrêter de se faire toutes petites, parce qu’elles ont le droit de prendre toute la place qu’elles veulent. »

En faisant intervenir sa propre mère, anorexique, dans ce documentaire, elle espère pouvoir aider également les parents dont les enfants sont gros, leur donner des pistes pour dialoguer avec leur enfant, les aider à se comprendre, et leur donner des conseils pour éviter d’implanter des traumatismes, dont ils auront énormément de mal à se défaire à l’âge adulte.

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Daria Marx et sa mère. Crédit : Morgane Productions

Un documentaire pour tendre la main à celles et ceux qui en ont besoin

« C’est ok de dire qu’on subit de la grossophobie, ce n’est pas forcément triste, c’est juste un fait. Mais aujourd’hui il y a des armes qui peuvent aider à se défendre, sur internet notamment, grâce à l’intellect qui est un vrai flingue face à la grossophobie. Tout ça finira par aller mieux, vous n’êtes pas responsables, vous n’avez rien fait de mal. Vous n’êtes pas obligées d’aimer votre corps, mais c’est un outil de vie, alors soyez cool avec lui ». 

« Traites-toi si possible avec bienveillance et tu iras mieux, peut-être qu’un jour tu maigriras, et si ce n’est pas le cas ce n’est pas grave, ta dignité et ta valeur ne se mesure pas au nombre de kilos perdus ou gagnés. C’est cool de s’aimer, mais si tu n’y arrives pas c’est pas grave, tant que tu es en paix et que tu ne détestes pas. T’as le droit d’être grosse et de t’habiller en jogging, comme t’as le droit d’être grosse et d’être une pin-up, tu peux être toi-même, comme tout le monde. Oui les gens sont cons, mais t’es forte et ça va aller mieux ».

Elle espère qu’avec la diffusion de ce documentaire, des jeunes partout en France pourront se dire que oui, c’est possible d’être gros et d’aimer la vie, de ne pas être que triste, d’avoir des histoires d’amour, de danser, de vivre. « T’as pas de limites, tu peux être qui tu veux. »

Tu connaissais Daria Marx et le mouvement de lutte contre la grossophobie ? Subis-tu toi-même des remarques grossophobes ? Comment fais-tu face à tout ça ? Viens nous en parler dans les commentaires !


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

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