— Initialement publié le 30 janvier 2017
— Image d’illustration via le compte instagram de @bodyposipanda
Il y a quelques mois, une madmoiZelle nous racontait comment faire partie de la #FitFamily l’aidait à se réconcilier avec son corps.
C’était pour elle une communauté encourageante, l’aidant à se sentir mieux et soutenue, et grâce à laquelle elle s’acceptait de plus en plus.
Cette utilité d’Instagram dans le féminisme et l’acceptation de soi semble encore plus forte et surtout inclusive aux États-Unis où elle se décline sous le hashtag #BodyPositive.
Il se pose en alternative à d’autres mouvements comme le #Healthy ou le #FatPositive, qui tendent à mettre en avant un type de morphologie au détriment des autres.
Au commencement était le #Healthy
Quand on va faire un tour du côté du hashtag #Healthy, force est de constater qu’il en ressort en très grande majorité des images allant dans le sens des injonctions et des diktats « classiques » de beauté.
Les images prônent une alimentation sans gras, mettant en avant des aliments étiquetés comme « sains ». Au final, le healthy louche parfois du côté de l’orthorexie.
Sous ses dehors positifs (être son « meilleur soi » et surtout se sentir bien), le #Healthy encourage souvent à l’obsession sur ce qu’on mange, et s’interprète facilement comme une injonction à la minceur.
Une mentalité qui peut être particulièrement nocive pour les personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire tels que l’anorexie, de difficultés à ingérer des aliments perçus comme non sain et nocifs pour la silhouette.
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Ces troubles trouvent parfois racine dans ces images de mannequins retouchés dont on nous bombarde… images dont les comptes #Healthy deviennent la relève, à grands coups de positions avantageuses et de filtres.
Miroir du #Healthy, le #FatPositive
À son extrême opposé, dans le but de contrer le #Healthy, le #FatPositive prône l’acceptation des formes et des corps gros, pour se soustraire au jugement social et à son cadre opprimant.
Dans cette logique, le #FatPositive tend parfois à la critique du corps mince ou maigre, et de la nourriture saine.
Cela débouche sur une autre hiérarchisation des corps féminins.
Je pense par exemple à la polémique soulevée par la chanson All About That Bass de Meghan Trainor, qui pour célébrer les formes critiquait et rabaissait les « connasses maigrichonnes » et les « planches à pain » — par opposition aux rondeurs et aux « fesses bien rebondies ».
De plus, l’injonction à « mal manger » peut pour le coup poser problème quand il s’agit de préserver sa santé !
À mi-chemin entre le #Healthy prônant la volonté d’être en bonne santé et le #FatPositive qui montre des corps à l’opposé des injonctions de beauté, le mouvement Body Positive se veut inclusif et bienveillant.
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Le #BodyPositive et ses origines
Le mouvement n’est pas tout neuf, puisqu’il remonte à 1996, mais Instagram lui a donné un souffle particulier, l’a relayé et a permis à chacun•e de se l’approprier.
À son origine, deux femmes, Connie Sobczak et Elizabeth Scott. Elles expliquent sur le site de leur organisation que c’est la première qui a fait du Body Positive le combat de sa vie après son trouble alimentaire quand elle était ado, et la mort de sa soeur.
« Elle a fondé le Body Positive en l’honneur de sa soeur, et pour s’assurer que sa fille Carmen et les autres enfants grandiraient dans un nouveau monde — un où les gens s’efforceraient de changer le monde, pas leur corps. »
Elizabeth Scott est quant à elle une psychothérapeute spécialisée dans les troubles alimentaires depuis 25 ans.
Les deux femmes ont conçu le mouvement Body Positive comme « une communauté vivante et thérapeutique qui libère des messages sociaux étouffants maintenant les gens dans une lutte perpétuelle contre leur corps ».
Les deux femmes proposent des sortes de séminaires payants de Body Positivism, et autres cours en groupes. Mais depuis quelques années, le mouvement a gagné Instagram et est facilement accessible à tou•tes.
Cette vidéo signée Bustle définit le Body Positivism comme « l’idée que tous les corps sont de bons corps ». Il « génère particulièrement des représentations de corps marginalisés : montrer des corps gros, queer, de couleur, et toutes les autres nuances ».
La journaliste Marie Southard Ospina explique ci-dessus qu’il s’agit aussi de briser l’idée selon laquelle « mince = bonne santé / gros•se = mauvaise santé », soulignant que la morphologie n’est pas un indicateur du bon fonctionnement du corps.
Elle ajoute également qu’être en mauvaise santé n’enlève par ailleurs pas le droit d’aimer son corps comme il est.
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Le #BodyPositive, une tempête d’amour et d’acceptation de soi
Sur Instagram, le Body Positive se décline en de nombreux hashtags positifs et inclusifs — c’est-à-dire qu’ils célèbrent tous les corps, tous les genres, les ethnies et morphologies, sans discrimination ni hiérarchie.
Fidèle à son inspiration première, il est un soutien pour les personnes souffrant ou ayant souffert de troubles alimentaires.
Le mouvement les encourage à retrouver leur santé, et accepter leur corps avec notamment le #GainingWeightIsCool : « (re)prendre du poids, c’est bien ».
« À gauche : moi il y a 2 ans et demi, avant que je ne découvre le Body Positivism, et à droite moi aujourd’hui.
De toute évidence, j’ai pris du poids entre ces deux photos. Mais j’ai aussi gagné autre chose.
La liberté mentale. L’amour de moi-même. J’ai gagné ma vie, je l’ai récupérée après des années à croire que je ne méritais pas de vivre à cause de ce à quoi ressemble mon corps. […] »
Rejetant les étiquettes, la recherche d’une taille spécifique ou d’un modèle de corps, sans tomber dans l’orthorexie ou l’injonction cachée, le Body Positive met en avant que ce n’est pas tel ou tel corps qui nous rend heureux.
Ce qui fait le bonheur, c’est notre relation avec ce corps — d’où la mise en avant du corps comme il est, ou plutôt des corps comme ils sont.
Tous les corps sont « les bons corps », un mantra #BodyPositive
« Toutes ces filles que je vois ces derniers temps, lumineuses, pleines de confiance en elles, de positivité, vont changer le monde ! »
Les Instagrammeuses publient des photos brutes, non retouchées, avec des poses du quotidien qui ne cachent rien.
Parfois, elles s’attachent même à souligner les aspects du corps humain que la société considère souvent comme imparfaits : la cellulite, les bourrelets, poils, plis, boutons…
Ce sont les #EmbraceTheSquish et #AllBodiesAreGoodBodies : aime ton gras, et tous les corps sont les bons corps.
Le Body Positive ne rejette rien… à part les injonctions
« Nous devons continuer à chercher, continuer à lire, continuer à écouter — et oui — continuer à partager !!!! Mais laissons les histoires et les perspectives et les expériences des personnes autour de nous jouer dans ce partage. »
https://www.instagram.com/p/BPtRvnUDC01/?tagged=embracethesquish
« Je n’ai pas besoin que le monde me valide. Je sais que j’y ai ma place. »
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Le Body Positive ne rejette rien à part les injonctions, avec notamment le hashtag #ThereIsNoWrongWayToBeAWoman : il n’y a pas de mauvaise façon d’être une femme.
En ce sens, il est un mouvement inclusif, puisque quiconque se définissant comme « femme » est alors inclus sous cette étiquette. Aucun « modèle » féminin n’est considéré comme supérieur à un autre.
Voilà enfin un bon équilibre entre estime de soi et santé, d’autant plus qu’il constitue aussi une aide aux personnes ayant vu leur corps transformé par la maladie.
Le #BodyPositive, des représentations pour tou•tes
Ericka Hart est une figure phare du mouvement.
On lui a diagnostiqué un cancer du sein en 2014, qui l’a menée à subir une double masectomie. Elle est guérie, et elle a eu recours à une chirurgie reconstructrice. Cependant, sa poitrine a été transformée.
Son médecin et elle ne trouvant pas d’image de chirurgie reconstructrice de femmes noires, et constatant l’absence de représentation des femmes noires dans les campagnes sur le cancer du sein, elle a décidé de se montrer topless.
Dans cette même logique de représentation, avec le Body Positive, les hommes et femmes trans peuvent célébrer leur corps et s’aider à l’accepter.
« Grand ou petit, musclé ou maigre, je sais que peu importe l’apparence de mon corps, y trouver la paix n’est pas impossible. Il se peut que cela soit un parcours mouvementé, mais ce n’est pas un but inaccessible pour moi. »
Quid du « Body Positivisme » en France ?
Les déclinaisons du « Body Positivisme » sont ainsi infinies. Quant à ses ambassadrices françaises, force est de constater que le mouvement est encore timide de notre côté d’Instagram !
En attendant, je ne peux que vous conseiller d’aller faire un tour sur le #BodyPositive pour recevoir un sacré shot d’empouvoirement !
Le #BodyPositive à la française est… sur YouTube !
Mais si le Body Positive français ne semble pas se développer à vitesse grand V sur Instagram, il en va différemment sur Youtube.
Avec sa série Cher Corps, qui fait des portraits de quelques minutes d’une jeune femme racontant son rapport à son corps, Léa Bordier s’attache par exemple à décomplexer une génération façonnée par les diktats de beauté.
Léa Bordier, une ambassadrice française du Body Positivism ? Pas exactement. Interrogée à ce sujet, elle nous a expliqué avoir du mal avec ce terme, justement à cause de certaines implications du Fat Positivism qui le recoupe.
« Le Body Positive, c’est aider les femmes à s’accepter, qu’elles répondent aux standards de beauté ou non.
On parle trop souvent de Body Positive pour les personnes qui sortent des standards, et je ne suis pas spécialement d’accord avec cette idée : ce n’est pas parce que tu corresponds aux standards de la société (en étant blanche et plutôt mince par exemple), que tu ne te trouves pas de complexes. »
Léa partage l’objectif de nouvelles représentations du Body Positive sur Instagram, pour « montrer de vrais corps de la vraie vie, prouver que la beauté est partout ».
Léa a choisi un medium différent, mais considère Internet dans sa globalité comme la meilleure plateforme pour ces représentations (si on exclut la censure des tétons faite par Facebook et Instagram).
« J’aurais aimé voir ces vidéos plus jeune. J’espère qu’elles sont vues par pas mal d’adolescentes, c’est vraiment mon objectif.
J’ai mis longtemps à m’accepter et c’est encore un long travail pour moi, même si je n’ai pas de gros « problème » physique particulier. D’ailleurs je serais incapable de tourner dans une de mes vidéos !
Selon moi, s’accepter physiquement c’est le début d’une grosse dose de confiance qui te servira par exemple pour tes études, ta carrière, tes relations amicales, familiales ou amoureuses.
Être en paix avec soi-même, c’est quand même hyper chouette et libérateur ! »
À son sens, les autres ambassadrices françaises de cette acceptation de soi sont également des vidéastes diffusant ce message libérateur sur Youtube : SolangeTeParle avec notamment sa vidéo Mal dans ma peau, Sophie Riche (Avoir le corps idéal) ou encore Esther (Comment accepter son corps ?).
Je laisse à Léa ce joli mot de la fin :
« Et j’espère qu’elles seront de plus en plus nombreuses, parce que c’est en se soutenant et en se parlant qu’on va s’aider à s’accepter ! »
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