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Webroman « Alive » / Ch.6 : Olivia

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Illustration Rukya

Je ne suis pas comme tous ces gens. Bien sûr je vous sens déjà hausser les sourcils, ouvrir la bouche, claquer la langue pour protester que qui se ressemble s’assemble. Mais je ne suis pas comme eux.

Pourtant, j’ai intégré leur monde. Je suis Jade comme si j’étais son ombre et tout le monde s’est habitué à ma présence comme à celle d’un vieux meuble, plus ou moins solide, qui a toujours été et sera toujours là. J’ai intégré leur monde et si je proteste avec véhémence de notre dissemblance, je ne les hais pas. Ils ne me dégoûtent même pas et pourtant… La vérité c’est que j’ai cessé de les juger depuis trop longtemps pour me souvenir encore de ce que je ressentais pour eux à l’époque. J’ai suivi Jade, c’est tout.

Et puisque pour suivre Jade j’ai fait bien pire qu’eux tous réunis, je ne me sens plus le courage de réfléchir à ce qu’ils font encore. Un jour, l’un d’eux mourra et ce sera mérité. On ne doit pas jouer avec la vie. Et pourtant c’est le concept même du Jeu auquel je me plie depuis des mois. Pour rester à la hauteur dans l’estime de Jade, j’ai déjà fait tellement plus atroce…

Si quelqu’un vous parle de moi – et ce serait déjà en soi un fait extraordinaire : d’ordinaire on m’oublie – il aura grand mal à me décrire exactement. Je suis effacée, mes longs cheveux bruns torsadés accentuent l’effet que je fais aux gens d’être une ombre et si mon regard les marque en théorie, ils n’ont jamais l’occasion de le croiser. Mes yeux sont vert très clair et sont à peu près la seule chose qui ait l’air d’être en vie dans mon corps. C’est l’effet de la drogue.

De la drogue et de l’ignorance. Je ne sais pas bien lequel des deux est le pire fléau. Tout deux sont en tout cas des cercles vicieux. J’en ai conscience, mais je ne me débats pas : cela m’indiffère. La vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Je parais sans doute paradoxale, j’en ai conscience. Je vous explique qu’il ne faut pas jouer avec la vie juste avant de vous dire qu’elle n’en vaut pas la peine. C’est précisément là la clé : elle ne vaut même pas la peine qu’on joue avec.

Vous froncez les sourcils à présent. Vous vous sentez engourdis par mes mots et vous les trouvez dangereux. Vous auriez presque peur de finir par me croire n’est-ce pas ? C’est sans doute pour cela qu’on n’écoute jamais vraiment les gens comme moi. Les morts-vivants, je veux dire. On n’accorde pas son attention aux coquilles qui semblent vides d’âme, cela effraie : on a peur de comprendre ce qui les a poussé dans cet état, d’être d’accord et de finir comme eux. Ma peau diaphane est le meilleur moyen d’être tranquille. Pas que j’aime la tranquillité, détrompez-vous : je n’aime rien. Et je ne déteste rien. Une vie sans passion, sans accroc, sans quête autre que celle de nourrir mes besoins vitaux. Quitte à me prostituer pour certains d’entre eux.

Je ne suis pas née le cul bordé de petites cuillères en argent. D’ailleurs, de l’argent je n’en ai pas. Et si Jade a trouvé fort drôle de se droguer à une époque et si elle a arrêté aussi subitement qu’avec chaque caprice, je n’ai pas réussi aussi bien. Mon corps était déjà sans doute trop faible. Ou alors était-ce mon esprit. Et quand on n’a pas d’argent et qu’on veut faire tenir l’illusion qu’on a le même niveau de vie que Jade Von Humbolt, les choix se trouvent rapidement limités. Oh je vous sens offusqués. Ne me jugez pas, prenez exemple : je ne juge plus personne depuis longtemps.

Et croyez-le ou non, je ne suis pas Jade par orgueil : je n’en ai pas. La vérité c’est que depuis le début, j’aime cette fille. Et puisque c’est manifestement la seule et unique chose qui fait battre mon cœur, trouvez cela étrange si vous le souhaitez mais je m’y accroche.

L’avertisseur sonore du train me tire de mes pensées. Des trains. Ils sont exactement à l’heure et arrivent à toute allure. Merci SNCF.

J’aime Jade et cette conne est plantée comme une reine sur les rails d’un train qui lui fonce dessus très vite. Trop vite.

Elle tourne la tête vers Clovis qui vient de lui souhaiter que le meilleur gagne.

« Tu l’as face à toi, chéri. »

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