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Ma « première fois » était un viol, voici comment j’ai découvert ma sexualité

Julie a 29 ans et a fait une rencontre qui a changé sa vie et son rapport au corps. Récit d’une jeune femme qui apprend à s’accepter.

J’ai rencontré un garçon sur un trampoline. Ah, c’est joli comme début un trampoline, non ?

Ça a de la gueule !

C’est idiot mais à 29 ans, c’était un peu la première fois que je rencontrais quelqu’un. Deux jours plus tard, terrorisée, je lui ai proposé de se revoir. Il a dit oui.

J’ai été violée, ça m’a traumatisée

J’ai été violée il y a 9 ans. C’était ma première fois. J’avais bu, j’avais fumé, j’étais au bord de l’inconscience, j’ai dit non, je l’ai repoussé, il n’a pas écouté, je l’ai repoussé encore puis j’ai abdiqué, à bout de forces.

Il m’a fait mal. D’ailleurs, ils étaient plusieurs dans la chambre à jouer à la console, je ne saurais jamais vraiment lequel — ou si plus d’un — a essayé…

Ça s’est passé chez un copain de mon meilleur ami de l’époque. Le lendemain matin, j’ai quitté cette chambre sur la pointe des pieds et suis allée le retrouver.

Je lui ai vaguement raconté, j’en ai ri alors que je voulais juste passer la journée enfouie sous la couette.

Je ne parlais pas de viol.

Pour moi c’était une espère de mésaventure que je tournais à la rigolade pour me donner une contenance du genre « bon ben, c’est fait j’ai couché avec un mec ».

Mon meilleur ami est allé me chercher une pilule du lendemain puis on n’en a plus jamais parlé. Un jour, j’aimerais être capable de lui dire « tu sais cet été-là, ton pote m’a violée »…

J’ai mis des années à poser ce mot-là sur ce qu’il s’était passé. Pourtant c’était simple, je ne voulais pas, j’avais dit non. C’était un viol.

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Après le viol, un blocage complet sur les hommes

Depuis, j’ai compris que je faisais un blocage complet sur les hommes. J’étais toujours attirée par eux, je voulais ou pensais vouloir que quelque chose se passe mais il n’arrivait jamais rien.

J’ai fini par comprendre que c’est parce que je n’étais pas prête et donc inconsciemment, je me bloquais complètement.

À cette époque, j’étais en profonde dépression, je me scarifiais, je prenais des médicaments. C’était certainement lié mais c’était loin d’être la seule raison de mon mal-être à ce moment de ma vie.

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J’ai eu une relation de 6 ans entrecoupée de ruptures, avec une femme, une amie avec laquelle je me sentais en parfaite confiance.

Je me posais en dominante, ayant ce besoin maladif d’être maîtresse de mon corps, de mes désirs, de toute la relation.

Je l’ai quittée, mal, je l’ai jetée même. J’avais le sentiment d’être vide et de ne pas pouvoir ressentir quoi que ce soit.

Je m’en voulais de lui faire subir ce moi que je détestais, pourtant je continuais. J’étais cassée. Mon corps était un objet de désir et de vice, et mon âme était vide.

Souvent pendant le sexe je voulais avoir mal, comme si c’était tout ce qui me faisait ressentir quelque chose. Comme si le sexe c’était mal mais que je le méritais.

Les 18 mois suivants, rien. Quelques baisers alcoolisés en boîte. Je m’amourachais de mecs et de filles complètement inaccessibles, sans doute encore inconsciemment, parce que je n’étais pas prête à redonner ma confiance, à être touchée, à être vulnérable.

J’agissais comme une ado qui flirte mais ne fait rien parce qu’elle ne sait pas, parce qu’elle n’est pas prête. Je pensais vouloir du sexe, je disais vouloir du sexe, pourtant je restais fermée.

À lire aussi : L’automutilation : témoignage et éclairage psychologique

L’impossibilité de parler du viol

Je n’en ai pas vraiment parlé. Ma famille n’est pas au courant, je n’ai pas vu de médecin, pas porté plainte puisque j’ai mis des années à m’ouvrir les yeux sur ce qu’il m’était arrivé.

Mais surtout, porter plainte contre qui ? Et pourquoi ?

Je ne pensais pas que ça m’apporterait quoi que ce soit. Aujourd’hui, si dans une conversation le sujet tombe, je n’ai pas de problème à en parler.

Je prends des pincettes parce que c’est plus difficile à entendre pour les autres que pour moi d’en parler.

Je n’en ai pas honte, ce n’est plus un secret qui fait peur, c’est un fait, ça m’est arrivé.

Apprivoiser mon corps et mon esprit après un viol

Puis j’ai voulu reprendre le taureau par les cornes.

Je vivais en Nouvelle-Zélande, j’ai eu un coup d’un soir qui était en fait la première fois que je parcourais le corps d’un homme.

C’était bien, je contrôlais la situation, il ne m’intéressait que physiquement

ce qui pour moi à ce moment-là était parfait.

Pas besoin d’essayer de lui plaire, pas de faux-semblant, je savais qu’on allait baiser puis qu’il partirait et que je ne le reverrais jamais.

À ce moment-là pour moi c’était de la pratique. Pure et dure. Je voulais apprendre. Avant de rencontrer quelqu’un qui me plairait vraiment. Car je ne voulais pas être sans aucune expérience face à quelqu’un qui compterait.

Mon âge me complexait beaucoup dans cette situation, j’allais avoir 29 ans et aucune expérience hétérosexuelle, ça me semblait difficile à expliquer, dans ma tête, j’en faisais une montagne.

J’ai réalisé que je trouvais ça complètement vide, le sexe pour le sexe. J’ai réitéré l’expérience mais même si c’était consentant, j’avais toujours le sentiment d’être un objet.

Je n’intéressais pas ces garçons et ils ne m’intéressaient pas non plus. On s’utilisait et je n’y gagnais rien. De la pratique encore, comme on fait une série d’abdos.

À lire aussi : « J’ai perdu ma virginité à 29 ans » — Témoignage

Le mec sur un trampoline

Puis il y a eu le trampoline. Une histoire banale, une soirée.

Mais une histoire banale qui ne m’était jamais arrivée. Une histoire déjà extraordinaire du coup.

Il aurait pu se passer quelque chose le premier soir, on se touchait, on se cherchait, on rigolait, allongés l’un contre l’autre sur ce trampoline, sous les étoiles.

Puis il m’a dit bonne nuit en partant, nos copains m’ont hurlé de le suivre, mais je suis restée là.

J’avais peur d’être encore une inconnue pour un inconnu, je ne voulais plus de ça. Pas avec ce garçon-là qui avait déjà l’air tellement bien.

On s’est donc revus. On avait prévu une soirée film, pizza pour discuter et apprendre à se connaître.

On a vu les 10 premières minutes de Donnie Darko sur une tablette minuscule et il l’a arrêté pour me poser une question.

J’étais un peu déçue sur le coup, parce que ça avait l’air vachement bien comme film !

On se touchait en discutant, beaucoup. J’ai dit que je n’étais pas fan d’Harry Potter, il s’est offusqué, je me suis levée et j’ai fait mine de partir, il m’a rattrapée, je l’ai embrassé et on a décidé de coucher ensemble.

Première expérience avec un mec et du respect

Je lui ai demandé d’éteindre la lumière, il m’a dit qu’il voulait voir mon corps et j’ai répondu que c’était pour ça que je voulais qu’il éteigne, moi je ne voulais pas qu’il le voie.

Il a parcouru ma peau avec douceur et avec respect, il me répétait que j’étais belle et qu’il était mal barré parce que je lui plaisais beaucoup trop. On n’a jamais éteint la lumière.

C’est comme ça qu’on devrait se sentir à chaque fois. À chaque fois qu’on vous touche, avoir l’impression d’être ce qu’il y a de plus important au monde.

Il m’a demandé de rester passer la nuit, j’ai répondu oui un peu trop vite et j’ai ri. J’ai dormi dans ses bras. J’avais l’impression de n’avoir jamais été aussi sereine.

Je quittais la ville un mois plus tard donc on a niqué les règles du dating et on s’est vu autant qu’on pouvait. Ayant des horaires complètement décalés, ça voulait dire le soir, dans son lit.

On parlait pendant des heures de tout et n’importe quoi, nos corps enlacés. Au détour d’une conversation, je lui ai dit ce qui m’était arrivé, il m’a prise dans ses bras et m’a dit qu’il était désolé, parce que c’est un garçon génial comme ça.

Il m’a appris que mon corps était beau, que le sexe c’était beau, à écouter mes désirs, à rigoler quand quelque chose allait de travers !

Il voulait toujours tout faire pour mon plaisir à moi, il me demandait ce que je voulais et moi je ne savais même pas.

J’ai découvert ma sexualité

J’avais complètement réprimé ma sexualité jusqu’à présent. Il m’a ouvert la voie, aujourd’hui je suis prête et je veux expérimenter, explorer ma sexualité, découvrir ce que j’aime et ce que je n’aime pas.

J’aurais voulu avoir le temps d’apprendre avec lui.

Surtout, il m’a appris que quelqu’un pouvait vouloir plus que juste utiliser mon corps, que j’étais plus qu’un objet pour son plaisir.

Qu’en fait, j’étais désirable et aimable.

J’espère qu’on se retrouvera, mais même si c’est tout ce que notre histoire doit être, je ne pourrai jamais assez le remercier de m’avoir rendu ce corps qu’un autre m’avait volé.

Si tu as été victime d’une agression, tu peux contacter le Collectif Féministe contre le Viol.

Ils disposent d’une ligne téléphonique gratuite où des personnes formées pourront t’écouter aussi longtemps que tu le souhaites et te conseiller des interlocuteur·trices adapté·es.

  • Le numéro d’urgence : 0 800 05 95 95.

À lire aussi : Le jour où j’ai compris que j’ai été violée — Témoignage

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Les Commentaires

4
Avatar de Olea
14 novembre 2018 à 18h11
Olea
Très beau témoignage.
1
Voir les 4 commentaires

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