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Victor Svyatski, le « patriarche » des FEMEN

C’est un homme, Victor Svyatski, qui aurait fondé et dirigé FEMEN. Une information anecdotique qui a pourtant déclenché une nouvelle polémique sur la « crédibilité » du mouvement. Retour sur le scoop qui n’en est pas un.

L’Ukraine n’est pas un bordel est le film-documentaire sur le mouvement FEMEN qui a été présenté à la Mostra de Venise le 5 septembre. Des propos de la réalisatrice Kitty Green rapportés par The Independent ont lancé une polémique autour de Victor Svyatski, « l’homme derrière les FEMEN ».

La réalisatrice australienne Kitty Green a suivi les activistes FEMEN pendant un an. Le résultat de ce travail est un film-documentaire sur le mouvement féministe ukrainien, dont voici la bande annonce :

Le film n’est pas encore sorti, mais une polémique entoure déjà le personnage de Victor Svyatski, surnommé « l’homme derrière les FEMEN ».

Victor Svyatski, « le patriarche des FEMEN »

Ce sont les propos de Victor Svyatski qui ont déclenché une nouvelle polémique sur le mouvement féministe originaire d’Ukraine. En effet, celui qui est désormais présenté comme étant « le patriarche des FEMEN » a eu des mots pour le moins surprenants. Extraits :

« Ces femmes sont faibles. Elles n’ont pas de force morale. Elles n’ont même pas l’envie d’être fortes. Au lieu de ça, elles sont soumises, passives, elles n’ont aucune ponctualité, il leur manque d’autres qualités essentielles pour faire d’elles de véritables activistes politiques. Des qualités qu’il était essentiel de leur inculquer. »

Interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à fonder FEMEN, si c’était dans le but « d’avoir des filles », Svyatski répond :

« Peut-être, oui, quelque part dans mon subconscient. »

La réalisatrice Kitty Green rapporte également les paroles d’autres activistes à propos de Svyatski :

« Nous sommes psychologiquement dépendantes de lui, même si nous savons que nous pourrions faire tout ça nous-mêmes, sans son aide, c’est une dépendance psychologique. »

Une relation que l’activiste décrira elle-même comme s’apparentant à un « syndrome de Stockholm ».

La réalisatrice australienne critique l’importance du rôle joué par Svyatski au sein de l’organisation :

« Il peut être vraiment horrible avec les filles, mais il est terriblement intelligent. »

« Une fois que j’étais dans le premier cercle FEMEN, il m’était impossible de ne pas connaître Svyatski. FEMEN, c’est lui. »

« C’était un dilemme moral pour moi, lorsque j’ai réalisé comment cette organisation était dirigée. Il était vraiment horrible avec les filles. Il criait après elles et les traitait de salopes. »

Un homme et soudain « tout s’explique »…

La présence de Victor Svyatski au sein de l’organisation FEMEN n’aurait pas dû être une surprise. FEMEN n’a jamais nié la présence d’hommes au sein de l’organisation. Victor Svyatski a d’ailleurs été récemment mis en avant par le collectif.

Fin juillet, Victor Svyatski a été, selon FEMEN, victime d’une agression perpétrée par les forces de l’ordre ukrainiennes (les « services secrets », selon les sources). Il était alors présenté comme étant le « conseiller politique » de l’organisation. Les photos de son visage tuméfié ont été largement partagées par les activistes, via la page Facebook de FEMEN :

Viktor Sviatski

Photo de Viktor Svyatski, après l’agression subie en Ukraine.

Le texte qui accompagne la photo sur la page Facebook de FEMEN relate le déroulé des événements. Extrait :

« La nuit dernière [le 24 juillet 2013], le conseiller politique Victor Svyatski a été violemment tabassé par des agents de sécurité. »

Sur La Repubblica, la journaliste n’y va pas de main morte en écrivant que « le documentaire révèle que les activistes de l’Est désinhibées ne sont pas en réalité ces guerrières du féminisme qu’elles se disent être, mais plutôt les victimes du même machisme et du sexisme qu’elles jurent de combattre ».

À lire les réactions, il n’y a pas de juste milieu possible au pays des Sextrémistes. Soit elles sont des « guerrières » enragées qui veulent émasculer les hommes (et ne supporteraient logiquement pas d’en avoir dans leurs rangs), soit elles sont « victimes » du même sexisme patriarcal que celui qu’elles dénoncent.

Plusieurs articles parlent ainsi d’une « crise de crédibilité » des FEMEN. Parce qu’un homme a été à l’initiative du mouvement, ses actions et ses revendications sont illégitimes ?

Parce qu’un homme fait partie du noyau fondateur de FEMEN, il est nécessairement LE cerveau, le seul et l’unique ?

FEMEN reconnaît le rôle de Svyatski, qui « ne fait plus partie du mouvement »

En conférence de presse à Venise pour la présentation de Ukraine is not a brothel, Inna Schevchenko, la fondatrice de l’antenne française de FEMEN, confirme le rôle et l’attitude de Victor Svyatski.

Mais elle précise que les activistes qui ont quitté l’Ukraine n’étaient pas sous l’influence du « patriarche » :

« C’est un paradoxe, qu’un homme essaie de diriger un mouvement féministe. C’est sûr. »

« Oui, c’est la vérité de notre mouvement. Nous sommes venues dire cette vérité. C’est la vérité du monde patriarcal, c’est la vérité de notre société, dans laquelle nous avons grandi, de ce monde dont on voulait tellement s’échapper. Ce que j’ai fait. »

Pour Inna, la relation avec Victor Svyatski est le parfait exemple de l’oppression subie par les femmes dans une société patriarcale. Elle reconnaît le paradoxe qu’a été la présence dominante d’un véritable patriarche à l’origine de FEMEN, mais pour elle, ce n’est qu’un argument de plus qui justifie l’existence et les actions de FEMEN.

Dans une tribune publiée aujourd’hui par le Huffington Post, Inna Shevchenko adresse avec fermeté les critiques qui ont fusé suite à « la révélation » du rôle de Svyatski. Extraits traduits :

« À ceux qui répandent l’information qu’un homme a fondé FEMEN, qu’il est le créateur de notre idéologie, qu’il choisit les filles qui lui plaisent, je vous conseille de rester calme car il ne s’agit que de mensonges. »

« L’idée qu’« un homme a créé FEMEN pour son plaisir sexuel » a été dérivée de « tous les hommes agissent en partie pour obtenir du sexe dans la vie » (une citation de Kitty Green, extraite d’une conversation avec Victor). « L’homme fondateur de FEMEN les traites d’imbéciles et de faibles » a été dérivé d’une citation de Victor, disant que « toutes les femmes dans cette société sont faibles, elles ne cherchent pas à être fortes… Voilà pourquoi il fallait que je leur enseigne ».

J’ai regardé le film trois fois, j’ai objectivement cherché toutes les autres conneries que les médias relaient, je suis désolée chères critiques, mais il n’y a rien de tel dans le film. Ces rumeurs partagées par les médias sont une bonne illustration de combien les idées patriarcales sont profondément ancrées dans les esprits, même ceux des journalistes intellectuels. »

« J’aimerais que tous les gens qui écrivent à propos du film le regardent avant de le commenter. »

« Oui, Victor Svyatski a fait partie du mouvement FEMEN. […] Il a essayé de prendre le contrôle de FEMEN et n’en est plus membre. Cette histoire est celle de la construction du mouvement en Ukraine, et comment la lutte a commencé. »

Selon Inna, Victor Svyatski « a été exclu du mouvement il y a plus d’un an et n’a plus aucune connexion ». Or les photos de son agression en juillet 2013 le présentaient encore comme étant un « conseiller politique » du mouvement.

Même si Svyatski restait lié à la branche ukrainienne du mouvement, difficile de penser qu’il exerce toujours une forte influence sur le mouvement. Le QG ukrainien a été évacué par les activistes suites aux récentes descentes de police survenues. Et les antennes étrangères du mouvement se créent à l’initiative d’activistes locales. (FEMEN UK, FEMEN Mexique…)

Recentrer le débat vers les critiques légitimes

Plusieurs critiques légitimes peuvent être adressées au mouvement FEMEN. Inutile donc d’aller chercher la polémique à travers des préjugés sexistes.

1. La religiophobie assumée de FEMEN repousse à la fois les croyant-e-s mais égalements les gens laïcs respectueux des croyances individuelles. L’organisation gagnerait à clarifier son positionnement, à distinguer avec davantage de clarté son combat contre l’immission des traditions religieuses dans la sphère politique, et à mettre fin aux sorties ouvertement religiophobes, insultantes pour les croyants.

2. L’amalgame parfois fait entre religion et culture pousse FEMEN vers le néocolonialisme, par exemple quand l’organisation parle de « mentalité arabe » ou lorsqu’elle exporte ses actions à l’étranger, au mépris des acteurs locaux impliqués dans les luttes féministes (lire à ce propos la critique de Mona Chollet : Femen partout, féminisme nulle part).

Voilà des critiques légitimes, qui permettent de faire avancer le combat pour l’égalité. En revanche, on pourrait dorénavant s’abstenir de gaspiller l’encre en opposant aux FEMEN des critiques qui justifient précisément leur existence :

1. Leur reprocher d’être des communicantes cyniques, d’utiliser le corps de la femme comme support publicitaire alors qu’elles dénoncent précisément l’utilisation banalisée de ce procédé. « Œil pour œil, dent pour dent » est leur philosophie de lutte.

2. Le slut-shaming de base, leur reprochant leur nudité… ou le corollaire du théorème « chaque commentaire posté sous un article sur le féminisme justifie l’existence du féminisme ».

3. Leur reprocher à la fois de vouloir émasculer les hommes ET d’avoir des hommes dans leurs rangs. Il va falloir choisir un camp, ou admettre que les FEMEN sont bel et bien un mouvement féministe, en cela qu’elles réclament le respect et l’égalité entre les individus et qu’elles ne font pas des hommes leurs ennemis jurés. L’ennemi de FEMEN, c’est le patriarcat.

Avec les « révélations » de la réalisatrice Kitty Green à propos de Victor Svyatski, les FEMEN sont à nouveau au cœur d’une polémique. Il faudra attendre la sortie du documentaire Ukraine is not a brothel pour se faire une meilleure idée du fonctionnement interne du mouvement FEMEN (aucune date annoncée pour le moment).

Et toi, iras-tu voir Ukraine is not a brothel ? Les FEMEN, tu as le sentiment qu’on en parle trop, qu’on en parle mal ? Les FEMEN portent-elles atteinte à la crédibilité du féminisme, ou est-ce plutôt le traitement médiatique des FEMEN qui porte atteinte à la crédibilité de leur mouvement en particulier ? 

Pour aller plus loin :


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

11
Avatar de Eleonore Or
20 mai 2015 à 20h05
Eleonore Or
Coucou j'ai conscience d'arriver après la bataille mais tant pis ^^

Je suis d'accord avec le fond de cet article, à savoir que critiquer les FEMEN juste parce que le fondateur de leur mouvement est un homme et/ou que des hommes font parti du mouvement est complètement idiot et hors-sujet. Les critiques soulevées par cet article (racisme, religiophobie, ...) sont beaucoup plus pertinentes !

Mais tout de même, je n'ai pas pu m'empêcher d'être très choquée par les propos de Viktor Svyatski au sujet des femmes (en général ou des FEMEN) et par les propos rapportés (insultes, ...) ! Et j'ai été un peu étonnée que ce ne soit pas vraiment commenté dans l'article... Mais peut être ai je loupé un truc...
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