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Le Venezuela est-il en train de s’embraser ?

Au Venezuela, la colère gronde. L’élection d’un nouveau président, Maduro, a donné lieu à des suspicions de fraude électorale, et son opposant, Capriles, exige que la lumière soit faite. Le peuple, du coup, se déchire…

C’est un article de crise que je vous écris, à l’image du pays dans lequel je me trouve.

Comme vous l’aurez probablement entendu dans les médias, le Venezuela a vécu des élections présidentielles très mouvementées dimanche dernier, qui ont « proclamé » Nicolas Maduro, héritier et fils spirituel de Chavez, président de la république. Je mets volontairement ce mot entre guillemets, car en terme de proclamation, tout porte au doute, et Maduro (ou « platanote » = « grande banane plantain », comme l’appelle le peuple de l’opposition) n’aurait pu générer moins de doute sur son élection et sa capacité à diriger un pays…

Une élection pas très nette

Déjà, durant toute la journée électorale, un certain nombre d’irrégularités ont été relevées par l’opposition : vote assisté, intimidation de la part de motards vêtus de rouge (la couleur du chavisme) autour des centres de vote, machines en mauvais état de fonctionnement, témoins du parti de Capriles, le concurrent de Maduro, expulsés des tables de vote, bureaux de vote restant ouverts bien après l’heure de fermeture officielle, nombre de votants effectifs supérieur au nombre d’inscrits dans certains centres…

Pourtant, dans la soirée, pendant que le comptage était en cours, Capriles annonce sur son Twitter recevoir d’excellentes nouvelles de différents États ; les rumeurs de victoire se multiplient sur les réseaux sociaux, avec des chiffres annoncés très positifs. Mais finalement, aux alentours de 23h, la directrice du Conseil National Electoral (CNE) annonce la victoire de Maduro avec 1% de voix en plus par rapport à son rival, mais près d’un million de voix en moins pour le chavisme qu’aux précédentes élections.

Et là, la déception de l’opposition mêlée à la tension qui planait depuis des semaines font tout éclater.

Pourquoi je ne cautionne pas ce nouveau gouvernement

Déjà du temps de Chavez, je critiquais certaines dérives du chavisme et la restriction de certaines libertés, mais là ça dépasse tout ce qui a été fait dans le passé.

Au moment de l’annonce des résultats, un des seuls membres neutres du CNE (traduction = non chaviste), propose qu’en raison du très faible écart qui sépare les deux candidats, un recomptage de 100% des votes soit effectué, pour vérifier et confirmer le résultat, un droit inscrit dans la Constitution vénézuélienne, afin de calmer les tensions. Si le recompte confirme la victoire de Maduro, et bien ainsi soit-il.

Maduro, dans son discours de victoire, a dû s’enflammer un peu et ne plus se sentir de joie, car il s’est tout de suite exclamé : « Le recteur Vicente Diaz vient de proposer d’ouvrir 100% des urnes, et de faire un audit… Eh bien on va le faire ! On n’a pas peur ! Que les urnes parlent, et disent la vérité ! ». Soit. Seulement voilà ; le lendemain, Nicolas tient un tout autre discours et considère cette demande comme un « caprice de bourgeois ». Il se fait d’ailleurs proclamer président dans la foulée, dès le lundi après-midi.

La colère monte, les victimes tombent

Et c’est là que tout dégénère. Les opposants sortent dans la rue, hurlent au nom du respect de leurs droits et de la constitution, et crient à la fraude. Si Maduro est si sûr de sa victoire, pourquoi ne fait-il pas ouvrir les urnes, de quoi a-t-il peur ? Capriles annonce qu’il ne se laissera pas faire, qu’il est dans son droit, et il invite « sa moitié » de Vénézuéliens à aller protester devant les différents centres du CNE du pays pour le pousser à respecter sa promesse de recomptage.

Une foule impressionnante se rassemble alors place Altamira à Caracas, et en d’autres endroits du pays. Les militaires de la garde nationale débarquent pour surveiller le mouvement, mais finissent par contrer les « attaquants » et se mettent à lancer des bombes lacrymogènes. Toute cette après-midi est très agitée dans tous les coins du pays, et le gouvernement finit par annoncer 7 morts et 61 blessés, dont Maduro tient Capriles pour responsable. Seulement, les informations sur ces victimes restent floues, on ne connaît pas leur identité, ni le lieu présumé du crime… Alors attention, je ne nie pas qu’il ait pu y avoir des dérives du côté des opposants, il y a des casseurs partout et l’ambiance était vraiment électrique, mais dans un pays où la majorité des dirigeants des principales instances institutionnelles (Tribunal Suprême de Justice, CNE, ministères publics…), sont dirigées par des personnes ouvertement chavistes, on ne peut s’empêcher de mettre en doute les informations reçues.

Capriles rappelle alors que ses marches sont pacifiques, qu’il souhaite la paix, tout en continuant a réclamer le recompte des votes, et appelle à faire un « cacerolazo », un mode de protestation qui consiste à frapper sur une casserole pour exprimer son mécontentement ; à 20h, la moitié du pays entame alors un impressionnant « cacerolazo », qui se répète depuis lors tous les soirs à la même heure, et qui engendre parfois des réactions violentes de motards chavistes…

http://youtu.be/mgupBoXRpHY

Petit à petit, Maduro et son gouvernement se font de plus en plus autoritaires et multiplient les abus, tout en évitant le sujet du recompte des votes, ne faisant que renforcer les doutes sur leur supposée victoire et sur leur capacité à gouverner. « El ilegitimo » (comme l’appellent aujourd’hui les opposants) s’est mis à tenir des propos complètement caricaturaux, traitant les partisans de Capriles de néonazis, de putschistes, et interdisant la marche du lendemain pour ne pas que ces gens là-aillent « répandre le sang et le meurtre » dans la ville, ajoutant qu’il n’hésiterait pas à « radicaliser la révolution

». Capriles décide alors d’annuler la marche, craignant une intervention de l’armée, et invite ses partisans à rester calmes, à appeler à la paix et à ne pas tomber dans les provocations.

De son côté, Diosado Cabello, un ancien militaire, président de l’Assemblée nationale crie en pleine séance que les députés ne reconnaissant pas Maduro « n’ont pas le droit à la parole, et qu’ils peuvent tout de suite se barrer d’ici ! Partez avec le fascisme !». Dans cette même Assemblée Nationale, un député de l’opposition reçoit un micro en pleine figure et doit se faire poser 16 points de suture

Une mainmise présidentielle sur les médias

Maduro continue à s’attaquer à l’opposition en les accusant de violence, de se déchaîner dans le pays et d’avoir brûlé plusieurs CDI (Centres de Diagnostic Intégral, des centres de santé), dans leur rage et leur soif de sang fasciste. Seulement voilà… Des citoyens ont tout de suite réagi et montré le « désastre » qui avait frappé ces CDI, en réutilisant la bonne vieille technique de preuve du journal daté

Maduro tente (mal) d’asseoir de plus en plus sa légitimité, et à l’heure où Capriles devait donner une conférence de presse (comme par hasard…), il se met en « cadena », une prise de parole officielle qui doit être obligatoirement retransmise par toutes les chaînes sous peine d’amende, pour diffuser sa réunion avec les dirigeants de l’entreprise PDVSA. Une fois son discours terminé, 1h plus tard, Capriles commence sa conférence de presse. Mais de nouveau au bout d´une heure, Maduro se remet en « cadena » pour retransmettre l’inauguration d´un CDI… On a comme l´impression que ce brave Nicolas a un peu peur de laisser parler son opposant ! D’ailleurs par la suite, il menaces les principales chaînes de télévision privées en leur disant « Attention Televen, Venevision, décidez de quel côté vous vous mettez, avec le peuple, la patrie, ou avec le fascisme ».

Et les abus continuent… Une chasse aux sorcières, comme le dénoncent les opposants, est en train de se mettre en place, les fonctionnaires sont surveillés ; une amie me rapporte que sa mère, policière, a dû supprimer toutes les photos et messages de son téléphone parce que le CICPC (le Corps d’Investigation Scientifique Pénale et Criminelle) a annoncé qu’ils allaient fouiller tous les téléphones pour vérifier qu’ils n’ont pas de photo de Capriles, et qu’on leur a suggéré d’y enregistrer des clichés de Maduro. Et les médias rapportent qu´au moins 5 personnes ont été arrêtées pour avoir participé au « cacerolazo », de chez elles, et non dans la rue.

Le Venezuela a besoin de stabilité

Tout cela fait sentir que le gouvernement a peu confiance en lui et en ses « partisans », et que les semaines (voire années, selon ce qui va se passer) à venir s’annoncent bien difficiles, même si Capriles s’est montré comme un leader d’envergure, que l’opposition est plus nombreuse que jamais, et que la révolution bolivarienne a perdu un grand nombre de voix.

Alors que penser de tout ça ? Au-delà de toutes les critiques politiques que cela soulève (indépendance des institutions politiques et de la justice, sur-intervention de l’armée, etc.), et de qui a été réellement élu président, c’est une énorme crise de confiance qui fragilise le pays depuis des années, et qui doit être résolue : ces rumeurs et diffamations incessantes, cette guerre pour les élections, sont avant tout une bataille pour la vérité, que chacun affirme détenir, et qui doit éclater au grand jour pour rétablir l’équilibre et l’ordre social. En attendant, il ne reste plus que les casseroles pour se faire entendre…

NB : Quelques heures après la rédaction de cet article, j’ai appris dans les médias qu’environ une centaine de jeunes ont été arrêtés par la Garde Nationale à la suite des manifestations ; ils sont toujours détenus et sont forcés à écouter et chanter des slogans pro-Maduro…


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Les Commentaires

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Avatar de Patrick
20 avril 2013 à 21h04
Patrick
Et désolée mais dire que l'on se fie aux Etats-Unis pour affirmer que Maduro a triché c'est complètement faux et hors-sujet. Les gens ici n'ont pas attendu l'avis de ce pays pour dénoncer les irrégularités et se rassembler dans la rue, les réactions des pays et organisations sont arrivées après.

Ce n'est pas parce que Capriles est le candidat de l'opposition qu'il est la marionnette des USA, c'est un peu cliché. Et il est LOIN, bien LOIN d'appeler aux émeutes partout, c'est le contraire!

Je ne pense pas que @sofiamargarita cherche à dire que Chavez est le responsable de tous les maux, c'est en effet plus complexe et ça prendrait trop de temps de rentrer dans les détails à ce sujet. Pour moi, vivant sur place comme elle, son article est juste: la gestion des élections et post-élections pose plus que problème et c'est très frustrant de le vivre, même quand on n'a pas la possibilité de voter.
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