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Naissance d’une nation

D. W. GRIFFITH

D. W. Griffith, réalisateur américain du tout nouvel Hollywood, est aujourd’hui considéré comme le père du langage cinématographique. Son film Naissance d’une Nation, qui est avec Intolérance le plus célèbre de sa filmographie, est quant à lui considéré comme le premier à poser les bases de ce qui va se déployer comme l’art cinématographique, chaque fois plus indépendant, libéré de toute autre forme artistique, théâtre et littérature en premier lieu. John Ford, Erich von Stroheim, Raoul Walsh, qui deviendront plus tard d’importants réalisateurs, y participent en tant qu’acteurs. « Aucun autre art ne dût tant à un seul homme » disait Orson Welles ; tandis qu’Eisenstein considérait tout lui devoir.

Le jeune homme démarre sa carrière comme libraire. Passionné par le théâtre et les romans du XIXème, il écrit ses propres récits qu’il commence ensuite à vendre pour le cinéma. C’est par là qu’il obtient son premier rôle avant de se mettre à réaliser ses propres films, notamment à partir du moment où, en 1908, il entre à la Biograph, société de production américaine.

© Collection Christophe L.

UNE NAISSANCE

Le film voit le jour alors que Griffith, ayant quitté la Biograph, est un producteur indépendant. Cette période, qui commence en 1914, est l’une des plus productives de sa carrière : il réalise quatre longs-métrages parmi lesquels ces deux films décisifs que sont Naissance d’une Nation et Intolérance, concentrant et déployant toutes les caractéristiques de mise en scène développées alors qu’il travaillait avec la Biograph.

Birth of a Nation est l’adaptation d’un best-seller américain de Thomas Dixon, The Clansman, qui traite de la guerre de Sécession à travers deux familles rivales, les Cameron et les Stoneman. A cette intrigue se mêlent les éléments d’un autre roman de Dixon sur la naissance du Ku Klux Klan et une histoire d’amour. Premier point qui témoigne de la nouveauté de ce projet cinématographique : les droits sont vendus pour l’adaptation dix mille dollars, ce qui est plus qu’inhabituel pour l’époque.

Ce n’est pas seulement sur le plan financier que l’entreprise de Griffith semble démesurée. Les producteurs sont conscients de l’audace dont il fait preuve, mais personne ne s’attend au succès qu’il rencontre en effet… et sans doute pas à l’ampleur qu’il a gagné depuis. Par-là le cinéma se dote de ses propres caractéristiques techniques qui correspondent dans un premier aux ambitions strictes de Griffith et passent par son désir de contrôler chacun des aspects de la création du film.

Les films de l’époque sont généralement composés d’une centaine de plans. Griffith en tourne plus de mille cinq-cents. La mise en scène, spectaculaire, est remarquable avant tout par les décors, réalistes et vraisemblables. Dans les scènes d’intérieur comme d’extérieur, ils permettent de rendre compte de la situation dramatique, de qualifier les personnages. Les espaces sont créés avec une certaine connotation morale, qui manifeste du caractère dualiste du récit de Griffith. Pour le spectateur, la lecture d’une scène est favorisée dans le sens où l’action et le décor dans lequel elle a lieu sont en interaction l’un avec l’autre. L’éclairage est tout aussi significatif, permet de renforcer la tension d’une scène et le caractère expressif des plans. Et il en sera ainsi dans tous ses longs-métrages… le cinéma prend un nouveau tour.

Sur un plan plus strictement technique, les choses changent aussi. La caméra, placée à hauteur des yeux du protagoniste, est globalement immobile, mais c’est le montage (fondus, flash-back, montage parallèle) qui est décisif et permet d’augmenter la tension et la richesse de la mise en scène. La scène de l’assassinat de Lincoln à ce titre est exemplaire : offrant des points de vue différents, elle est composée de cinquante-cinq plans montés à un rythme chaque fois plus rapide.

Les personnages quant à eux sont assez stéréotypés : les femmes sont pures et délicates (Lilian Gish et Mae Marsh, actrices de l’époque chères à Griffith), les hommes sont tels des chevaliers tandis que les mauvais sont repoussants et brutaux…

INTOLERANCE

Là où le film de Griffith ne témoigne d’aucun progrès, c’est en effet dans son schématisme psychologique, principalement dans la mesure où il fait des Noirs des êtres vulgaires et stupides, la plupart de leurs rôles étant d’ailleurs interprétés par des Blancs maquillés comme c’était la coutume à l’époque. C’est pour cette raison qu’on a vu dans le film, dès sa sortie, une claire exaltation de la race blanche, notamment dans la mesure où le KKK est présenté dans la deuxième partie du film comme le défenseur de la civilisation occidentale. Griffith s’inscrit par là dans une tendance du premier cinéma hollywoodien qu’il ne change pas du tout : celui-ci, se destinant aux classes moyennes, est supposé véhiculer une idéologie bourgeoise, morale, propre. Le cinéma de Griffith, avec Naissance d’une Nation en tout cas, s’éloigne peu de cette volonté pédagogique.

A sa sortie début 1915, le film est retiré des circuits de distribution en raison de son racisme évident. Le réalisateur supprime plus de cent-cinquante plans pour que son long-métrage puisse être de nouveau diffusé.

Face aux accusations qui lui sont adressées, Griffith publie un texte dans lequel il défend sa liberté de création, s’opposant par là à tout type de censure. Mais c’est avec un autre projet, tout aussi ambitieux, qu’il réplique plus directement. Ce projet, c’est ce qui va devenir l’autre film le plus connu de celui qu’on appelle le père du cinéma : Intolérance. Pour combattre ses détracteurs, il fait de ce nouveau long-métrage une déclaration de principes.

Ce film est composé de quatre épisodes ayant tous pour thème la discrimination : la chute de Babylone, la passion et la mort du Christ, le massacre des Huguenots en France et une grève. Tous ces épisodes s’intercalent à mesure que le film progresse, mettant en parallèle les situations présentées.

Echec aux Etats-Unis, ce film frappe en Europe et notamment en Union Soviétique où il va marquer toute une génération de réalisateurs qui auront dans l’histoire du cinéma une place aussi importante que la sienne, au premier rang desquels Eisenstein.

© Collection Allociné / www.collectionchristophel.fr – image extraite du film Intolérance

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