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Cinéma

« Mon Roi », une claque cinématographique signée Maïwenn

Miquette et Léa Bucci sont allées voir Mon Roi, le nouveau film de Maïwenn, qui raconte l’histoire d’un couple joué par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Elles en sont sorties bouleversées, et te racontent pourquoi.

Critique rédigée à quatre mains par Miquette et Léa Bucci Publié initialement le 15 octobre 2015

Une grosse claque. Voilà ce qu’on s’est pris, en sortant de Mon Roi, le nouveau film de Maïwenn. Une claque visuelle, psychologique, presque physique. Une claque forte, mais une claque nécessaire. Mon Roi, c’est la violence d’une histoire d’amour qui peut paraître semblable à beaucoup d’autres : elle l’est, et c’est sa plus grande force.

L’une des héroïnes de cette histoire, c’est Tony. Incarnée par Emmanuelle Bercot, Tony, à qui on a du mal à donner un âge, est une brillante avocate divorcée. Mais ça, on ne le sait pas encore. La première fois qu’on voit Tony, elle glisse sur une piste de ski. Elle tombe. Un genou craqué plus tard, elle se retrouve dans un centre de rééducation. C’est un prétexte aux flashbacks — ils seront nombreux : derrière la femme qui se bat pour remarcher, se cache une longue, très longue histoire.

Il y a des années, Tony, attachante et en même temps commune, s’est séparée de son mari. Dans une boîte de nuit, elle aborde Georgio. Un mec charismatique, un flambeur, un de ceux que tu veux absolument sans savoir pourquoi. Ça pourrait être une histoire d’une nuit, sauf que Georgio la séduit, l’enrobe de belles choses. L’histoire va devenir très longue, trop longue pour eux : c’est celle de la destruction d’un couple, de la destruction de deux personnes, que Maïwenn peint devant nous. Et c’est avec fascination qu’on assiste à l’effondrement.

Un parallèle entre la douleur physique et psychologique

Durant la totalité du film, le parallèle entre la douleur physique et psychologique est très bien amené. On suit Tony à travers sa relation avec Georgio, mais aussi durant tout son séjour en centre de rééducation. D’un côté, on la voit batailler sentimentalement, dans une relation tumultueuse, destructrice et fusionnelle. On est témoin de son mal-être, de sa descente aux enfers, la regardant peu à peu sombrer dans une dépression.

De l’autre, on assiste (des mois plus tard) à sa rééducation : on souffre avec elle lors de ses séances de kiné, lorsqu’elle prend sa douche, lorsque son genou craque brutalement. La douleur prend forme, elle est si intense qu’elle en devient visuelle. On transpire à grosses gouttes lorsque son visage se crispe, et on respire à son rythme lorsqu’elle doit réapprendre à enfiler un pantalon. On assiste aussi à une réelle évolution, puisqu’en l’espace de quelques semaines, on la voit reprendre des forces petit à petit, reprendre le contrôle à la fois sur son corps et sur sa vie.

Ce choix narratif, dissociant deux temporalités, créant une distinction entre corps et esprit, met en perspective de manière intelligente la manière dont notre société hiérarchise la douleur physique par rapport aux blessures psychologiques.

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Lorsque Tony se déchire les ligaments du genou, elle est immédiatement prise en charge par le corps médical, elle est dans un centre où des professionnels de santé vont faire en sorte que son articulation fonctionne à nouveau et qu’elle ne garde pas (trop) de séquelles. Au contraire, lorsqu’elle perd pied et se trouve dans une situation de détresse psychologique profonde, les médecins semblent ne pas réagir. Ils lui prescrivent des antidépresseurs mais ne lui proposent pas de suivi psychologique. Elle continue à sombrer peu à peu, dans l’indifférence totale.

Finalement, peu de minutes du film sont accordées aux souffrances corporelles. La douleur psychologique, qui semble plus complexe à traiter, occupe les trois quarts de l’histoire. Si au bout de quelques semaines de rééducations, Tony parvient à retrouver de la mobilité et à remarcher, son mal-être, lui, l’aura hantée pendant une dizaine d’années.

Une relation toxique toute en subtilité

Tout l’enjeu du film repose sur la relation entre les deux personnages. Relation clairement toxique : Tony et Georgio sont dépendants l’un de l’autre, et c’est ce qui les détruit. On sent, dès le début, même lorsque tout est rose et que les yeux brillent, que quelque chose ne va pas. La relation de départ entre Tony et Georgio est idyllique, ils sont fous l’un de l’autre, on a envie d’y croire, si fort…

Pourtant, le sable va s’insérer par des petites fentes, dans un mensonge de Georgio, puis plusieurs. Il n’y a pas de retournement surréaliste, de monstre qui enlève son masque. La désagrégation est montrée tout en subtilité, et elle n’en est que plus forte.

C’est surtout à travers les yeux de Tony qu’on observe l’histoire, et le personnage de Georgio. De Prince Charmant, il apparaît bientôt comme le manipulateur, le paumé, l’égoïste, l’obsédé des apparences. Sans même parler, il la pousse à bout psychologiquement. Sa seule faiblesse à elle était d’avoir besoin d’attention. Le plus ravagé, le plus instable pour les spectateurs — et on serait tenté•e•s de dire, le seul — c’est lui. Il la laisse tempêter, passer pour folle, essayer de remonter à la surface. Pendant ce temps, il sauve les apparences en public, comme si de rien n’était.

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Georgio n’est pas seulement le bourreau : on connaît ses (nombreuses) failles. Tony n’est pas parfaite non plus, mais elle n’est pas victime : elle essaye, par tous les moyens, de s’en sortir. Et pourtant elle retombe, parce qu’elle l’aime, tout simplement… C’est là toute la finesse du film : même si on est (souvent) tenté•e•s de prendre parti pour Tony, il reste une incertitude. Rien n’est vraiment tout noir ou tout blanc. On voudrait la sortir de là, et en même temps, on la comprend.

Une relation réaliste portée par des acteurs puissants

C’est un autre gros point fort de Mon Roi : même si l’oeuvre est particulièrement cinématographique, même si elle « dépasse » la réalité, la relation entre Georgio et Tony est terriblement réaliste. À travers leur histoire, on peut reconnaître les étapes de toute relation amoureuse, de ses débuts enchanteurs à son déclin, puis à sa fin qui, lentement, s’approche.

Les sentiments semblent si spontanés et naturels qu’on a tout simplement l’impression d’assister à « la vie » et non à une fiction mise en scène. Quant à l’image, même si les plans sont savamment éclairés et filmés avec une esthétique propre à Maïwenn, le cadre donne un sentiment de proximité. On suit les personnages de près, ce qui confère d’autant plus cette impression d’intimité de réalisme.

Les dialogues, eux aussi, ne tombent pas dans le pathos, mais sonnent juste. L’ironie n’est jamais bien loin derrière la dramaturgie et le déploiement des sentiments. Ça sonne comme la vie, pas comme le théâtre : les interviews des acteurs et de Maïwenn, après les premières projections du film, révèlent d’ailleurs qu’une partie des répliques a été improvisée sur le texte de base.

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Ce qui vient aussi confirmer un dernier point : les acteurs sont très bons, en particulier les deux principaux. Vincent Cassel a l’ampleur, le charme de Georgio, et comme Tony, on s’accroche à ses vannes, à ses sourires de séducteur, à son apparente sensibilité. Lorsque son personnage révèle ses défauts, on le déteste et on a pitié. Emmanuelle Bercot est aussi très impressionnante : son visage exprime une grande palette d’émotions, les moments d’hystérie de son personnage ne sont jamais surjoués. Si elle a derrière elle une belle carrière, son visage reste curieusement peu connu du grand public, ce qui facilite l’empathie qu’on a pour son personnage.

Bref, Mon Roi est un film très fort, qui frappe juste, qui bouleverse aussi (soyons honnêtes) et qu’on te conseille définitivement d’aller voir. Il sera en salles à partir du 21 octobre 2015, alors surtout n’hésite pas.


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

7
Avatar de Dalaigh
4 juillet 2016 à 11h07
Dalaigh
C'est fou comme Vincent Cassel joue TOUJOURS le même rôle. ça devient lassant avec les années

Oui c'est aussi l'impression que j'ai, on le retrouve très souvent dans des rôles de séducteurs/manipulateurs/pousse au vice (Ou alors j'ai pas eu de bol et je tombe toujours sur les films où il incarne ce type de rôle). C'est un très bon acteur mais personnellement j'en suis venu à le détester pour ces rôles, je n'arrive plus à dissocier l'acteur de ses personnages. Entre Black Swan, Ocean Twelve, Ocean Thirteen, La Belle et la Bête, Mon Roi, Le Pacte des Loups, Tale of Tales, maintenant pour moi il correspond à ce type de personnage qui me débecte. Je perds peut être quelque chose mais j'aime mieux ça qu'avoir envie de le frapper pendant tout le temps qu'il est à l'écran ^^
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