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Lettre d’amour à mon amie d’enfance décédée… un an après

Cela fait un an que C., l’amie d’enfance de cette madmoiZelle, a mis fin à ses jours. Neuf mois après sa première lettre, cette dernière essaie de survivre, en attendant que la peine s’atténue.

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Article initialement publié le 12 septembre 2014

À lire aussi : Lettre d’amour à mon amie d’enfance décédée

Aujourd’hui, ça fait un an. Un an tout pile.

J’ai ruminé tous les mots que j’aurais pu te dire depuis, mais rien n’est sorti. Rien ne sort jamais. Mais aujourd’hui, ça éclate. Il y a un an, j’étais encore un peu vaseuse en arrivant chez mes parents et mon monde s’est écroulé.

Crois-moi que j’ai bien essayé de le reconstruire, mais à chaque fois, la première pierre, celle qui était tout en dessous, tu sais, se fissurait de chagrin et tout était à refaire. Et je recommence encore, patiemment, je recommencerai jusqu’à ma propre fin s’il le faut, j’arriverai à reformer maladroitement un semblant de vie, je te le promets, je te dois bien ça.

Tu as tant fait pour moi.

J’ai arrêté de t’en vouloir, je crois. C’est un peu confus. Je n’ai jamais vraiment réussi à mettre des mots sur ce que je ressentais, tu le sais bien, alors depuis un an, c’est encore pire… Mais je crois que je ne t’en veux plus, parce que cela ne servirait à rien, parce que tu as fais ton choix et c’est bien mieux pour toi.

Quand je vois cet été tout gris, je me dis que tu l’aurais détesté, alors tu es certainement bien mieux là où tu es. Je ne sais pas si j’ai arrêté de m’en vouloir à moi, par contre, parce que j’ai toujours au fond de moi cette petite voix qui me dit que si j’avais été là, si j’avais téléphoné, si j’avais fait quoique ce soit, si, si, si… Mais non. On m’a longuement répété que cela ne servait à rien que je me blâme, mais ces gens-là, ils disent ça comme ça, ils pensent un peu à toi sur le moment et après ils t’oublient.

Moi je ne peux pas. Je ne peux pas passer à autre chose aussi facilement, tu restes ancrée profondément en moi. C’est vrai, certaines fois, je ne pense pas à toi, mais ça revient aussi vite que ça s’en est allé. Une fois, après m’être réveillée, j’avais oublié. Pour quelques secondes, j’avais oublié que tu n’étais plus là. Juste quelques secondes de repos, de répit.

Et après, c’est revenu, ça m’a frappé tellement fort, c’était tellement douloureux, encore plus que tout ce que j’avais traversé jusque là. Et j’ai dû passer ma journée à pleurer dans mon lit. Coup de chance, on était samedi.

Parfois, j’ai tellement mal que je me dis que je ne survivrai jamais à ma journée. Et le bâtiment de la fac me paraît tellement grand que je pourrais m’y perdre et ne jamais revenir, fermer les yeux et oublier pour de bon. J’ai loupé un bon nombre d’heures de cours, tu sais, à rester accrochée au lavabo des toilettes pour calmer le trou béant dans mon estomac et dans mon cœur.

Mais je m’en fichais. Et si je perdais une année, quel était le problème ? Qu’est ce que c’est qu’une année dans une vie ?

J’en ai eu une vingtaine avec toi et ça ne m’a pas suffi. Ça s’est arrêté d’un coup, comme ça, fauché en plein vol, cloué au mur, perdu au fin fond du monde, et c’est à ce moment là que je me suis aperçue que je t’avais toute entière en moi.

Si je savais dessiner, je pourrais recréer chaque trait de ton visage, la fossette au coin de ton menton quand tu souriais, la frange blonde qui barrait ton front, le bleu de tes yeux, la courbe de tes pommettes. J’ai même encore ta voix qui résonne quelque part dans un coin de ma tête.

J’ai eu une vingtaine d’années pour t’absorber toute entière et faire de toi la plus belle personne de ma vie et ça ne t’a pas suffi.

Tu me manques. Je ne le dis pas souvent mais tu me manques. Je ne le dis pas souvent parce que je ne pourrais le dire à personne. J’étais bien décidée à ne faire part de ce qui me rongeait qu’à quelques personnes, mais un soir, j’ai dû boire un verre de trop et c’est ressorti par mes yeux, en un flot continu et impossible à arrêter, un déversoir de larmes et de paroles sans queue ni tête.

Quelques personnes ont compris, d’autres non. On m’a dit que ça irait, on m’a dit plein de choses. Ou on ne m’a rien dit et juste regardée avec la plus grande pitié du monde dans les yeux. J’ai senti des bras autour de moi :

« Tu fais un bad trip. »

Ça fait un an que je fais un bad trip

. Et rien n’est terminé.

Certains soirs, je pense à toi comme à la merveilleuse amie que j’ai eue, à cette chance que j’ai eue de te connaître et d’avoir fait partie de ta courte vie, d’avoir été là pour toi, d’avoir connu l’amitié profonde qu’on a partagée.

Et d’autres soirs, je ne peux m’empêcher de regretter. Je n’irai jamais à ton mariage, je ne verrai jamais tes enfants, tu ne seras jamais fâchée parce que je leur aurai encore acheté des bonbons. J’aurais pu être la tata cool tu sais, la tata un peu bizarre avec ses piercings, ses tatouages et sa musique bruyante qui aurait toujours eu des sucreries pour eux même si ça ne te plaisait pas. C’est un drôle de mélange, au fond, mais je ne sais plus quoi penser.

Tu me manques tellement.

Je n’arrive toujours pas à écouter Coldplay, c’est mieux comme ça, je n’aime plus ce qu’ils font. Je n’arrive toujours pas à rouler sur ce pont non plus, j’y suis repassée une seule fois il y a quelques mois. Ce n’est pas moi qui conduisait, mais j’ai vu les marques orange vif sur le sol, les marques qui délimitaient l’endroit où ils ont trouvé ta voiture, et j’ai cru que j’allais m’évanouir. J’arrive à passer devant ta maison, ton père a fait couper quelques arbres, tes parents ont changé la peinture des volets.

Je ne les aimais déjà pas beaucoup avant, mais maintenant j’ai encore plus en horreur les expressions comme « je vais me tirer une balle » ou « je vais me pendre », et j’ai tendance à crier sur les gens quand ils les utilisent.

Je ne sais plus trop où j’en suis, tu le vois bien. J’aimerais bien que l’ouragan au fond de moi se calme. Mais j’ai quelqu’un avec moi : ma coloc. Elle, elle sait. Elle, elle a tout supporté : les crises de larmes à 4h du matin, les refus de me lever les jours importants, les changements d’humeur soudains. Elle essaie de gérer comme elle peut, il faudrait que j’arrive à gérer un peu par moi-même, pour la laisser respirer, même si elle dit qu’elle sera toujours là. Mais j’ai un peu peur, tu sais, toi aussi tu disais que tu serais toujours là pour moi.

J’ai acheté un rosier rouge, j’irai au cimetière demain. Tout le monde t’aimait tant, il y toujours des fleurs sur ta tombe, personne n’oublie jamais de mettre quelque chose, tout le monde t’aimait.

Je vais continuer d’avancer jusqu’à ce que tout s’arrête. Promis.

Merci infiniment aux madmoiZelles qui ont réagi à la première lettre, vous avez été une grande part des premiers pas de ma guérison, parce que j’ai appris que je n’étais pas toute seule, et que quelque part, on continuait à survivre avec.

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Les Commentaires

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Avatar de missaaj
7 juillet 2020 à 22h07
missaaj
Olala c'est tellement touchant. Courage et merci pour ce partage magnifique. C'est fort dur tout ça mais tu as l'air quelqu'un d'hyper courageux. Je n'ai pas vecu ça, je connais des gens qui de loin l'ont vécu, et j'avoue que j'ai vraiment une immense empathie et compassion sincère pour ce genre d'épreuve aussi bien au niveau des amis que de la famille. Poser des mots sur ça c'est très fort. Bravo
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