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Jules Vallès ou le portrait d’un révolté

Jules Vallès est le symbole du révolutionnaire à l’état pur. Homme politique, journaliste puis écrivain, il a mené tout le long sa vie le combat de tout un peuple pour le bonheur et la liberté, liberté de parole, de pensée mais surtout d’écrire.
La liberté de la presse a été complètement échaudée et bafouée par le coup d’Etat de Bonaparte deuxième du nom. La censure et la magouille reignent désormais en maîtres. Mais Vallès ne veut en aucun cas se laisser happer par le tourbillon facile qu’est le journalisme sous l’Empire. Il ne veut pas devenir un « chroniquailleur » ou un « cochon vendu ». Il s’agira pour lui de devenir un bon journaliste, engagé, qui ne redoute ni la prison, ni les duels, et qui possède un style vif et tranchant.

Sous le régime de Napoléon III, le climat qui règne en France est tendu. C’est une période politique importante dans la mesure où elle voit passer la guerre contre la Prusse qui, perdue, entrainera la proclamation de le République et donc la fin du second Empire, avant de donner lieu de façon assez brève à la Commune.
Mais les épreuves passées ont insufflé leur force à une France animée par des âmes rebelles et prêtes à se battre pour vivre dans un monde meilleur : Vallès fait partie de ces fortes têtes qui, de peur de ne pas réussir à vivre, cherchent à tout prix à donner un sens à leur vie.

Jules Vallez de son vrai nom est né en 1832 au Puy-en-Velay, fils d’un professeur de collège méprisé et d’une paysanne bornée. Il mène une enfance pauvre et malheureuse, qu’il relate dans L’Enfant.
Il passe son adolescence sous le signe de la révolution qui précéde une vie de jeune adulte assez difficile. En effet, Vallès, après s’être fait renvoyer de son poste de pion dans un collège de Caen, essaie de garder un emploi et de "se ranger mais n’y parvient pas. La raison est claire :

J’ai dix ans de colère dans les nerfs, du sang de paysan dans les veines, l’instinct de révolte… ne voyant la vie que comme un combat, espèce de déserteurs à qui les camarades même hésitent à tendre la main, tant j’ai des théories violentes qui les insultent et qui les génent ; ne trouvant nulle part un abri contre les préjugés et les traditions qui me cernent et me poursuivent comme des gendarmes.

Il ne pourra renoncer bien longtemps avant de se lancer de nouveau dans la révolte et ce par le biais du journalisme. Il écrit divers articles contre le gouvernement qui lui valent plusieurs licenciements ainsi que deux mois de prison à Sainte-Pélagie pour délit de presse.
Il sera également le fondateur du journal Le Cri du peuple : « La Sociale arrive, entendez-vous ! Elle arrive à pas de géant, apportant non la mort, mais le salut » ; il est un des élus de la Commune de Paris en 1871 durant laquelle il intervient contre les arbitraires pour la liberté de la presse.

Trois des ses œuvres les plus connus paraissent entre 1879 et 1886 :

  • L’enfant : « A tout ceux qui crevèrent d’ennui au collège ou qu’on fit pleurer dans la famille, qui, pendant leur enfance, furent tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parents ; Je dédie ce livre. »
  • Le bachelier : « A ceux qui nourrit de grec et de latin sont morts de faim ; je dédie ce livre. »

Publication entre 1883 et 1884 dans Le cri du peuple sous forme de chroniques, puis en roman de façon posthume en 1886 :

  • L’insurgé : « A tous ceux qui, victimes de l’injustice sociale, prirent les armes contre un monde mal fait et formèrent sous le drapeau de la Commune, la grande fédération des douleurs ; je dédie ce livre. »

Raconté comme l’histoire de Jacques Vingtras, il s’agit en fait d’une autobiographie où Vallès raconte d’abord son enfance ratée, puis sa vie de jeune bachelier qui ne trouve pas de travail ou encore la période durant laquelle il essaie de mener une vie sans histoires. On peut déjà sentir l’ombre de la Commune se profiler dans Le bachelier mais Vallès a fait un choix : pour l’instant puisqu’il faut vivre, il sera pion. Il raconte dans L’insurgé son engagement politique dans le but de créer un monde meilleur, les milles et un projets révolutionnaires qu’il élabore avec ses amis, ainsi que l’insurrection de la Commune.

Il est intéressant de noter que Vallès omet de mentionner certains détails qui lui permettent de sceller un personnage « pour la postérité » et qui rend compte d’une vérité pas toujours très historique. Ainsi il n’a pas débuté en publiant des articles politiques révoltés dans le Figaro mais en y rédigeant une chronique financière, pour ne citer que ce détail.

Néanmoins, rédigées aux alentours de 1875, ses œuvres n’en reste pas moins écrites dans une langue extrêmement moderne avec une forte propension à l’oralité et gorgées d’humour. Ce style n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de Céline.
Les nombreux portraits de personnages réels qui sont peints rappellent les portraits typiques de Balzac que Vallès admirait beaucoup, et servent à accrocher le lecteur de la même façon que le ferait un chroniqueur.

Devenu maire du XVème arrondissement alors que les insurgés s’emparent de Paris, on constate que toute la vie de Vallès est orientée vers la Commune. Il choisit de se centrer sur elle et sur ses origines dans L’insurgé pour défendre « les Communards qui ont été attaqué et légitimer leurs actions ».
A la fin de la Semaine sanglante, son journal sera interdit et il sera condamné à mort pAr contumace. Alors qu’on le croit fusillé, il s’exilera neuf ans en Angleterre.

En 1885, de retour à Paris, Vallès murmurera « j’ai beaucoup souffert » avant de mourir épuisé à l’âge de cinquante trois ans.

Vallès est un homme qui marqua son temps, à la fois par son talent, mais aussi par sa révolte intérieure qui le guida dans tout ce qu’il entreprit. La trilogie qui met en scène Jacques Vingtras (J.V. comme Jules Vallès) est la plus représentative du personnage et de son œuvre. « J’ai pris des morceaux de ma vie, et je les ai cousus aux morceaux de la vie des autres, riant quand l’envie m’en venait, grinçant des dents quand des souvenirs d’humiliation me grattaient la chair sur les os », ou comment donner une leçon d’écriture polémique, technique qu’il doit certainement à son expérience de journaliste sous le Second Empire.
La loi pour la liberté de la presse votée en 1881 n’est certainement pas l’aboutissement d’un combat qui ne mentionnerait pas Vallès.


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