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Culture

L’Internet de ma jeunesse : du 56K à Myspace

Internet, on a tendance à l’oublier à force de vivre avec son temps, mais ça a quand même bien changé. Caramail, le pixel art, les .midi… Petit retour (presque) nostalgique sur le web 2.0 à ses tout débuts.

— Article initialement publié le 7 avril 2014

Ah, essayer de se connecter à Internet sur l’ordinateur familial avec cinq personnes derrière et Papa qui joue au Démineur depuis trois quarts d’heure… Oui, tout ça est bien révolu aujourd’hui. Papa fait désormais des parties d’échecs contre son smartphone, et quand ça lui prend de s’y mettre depuis le PC, il se sent un peu seul puisque tout le monde est sur sa tablette, son portable ou ses trois moniteurs.

Forcément, je vous parle d’un temps dont les moins de 20 ans se gaussent, en posant des « lol » et des :poop: un peu partout sur les interfaces graphiques dernier cri qui s’affichent sur leur 36ème smartphone à la mode. Mais moi, de mon temps, mon gaillard, le Web, c’était une aventure.

Tout était à faire, à apprendre, et si on voulait un blog, il fallait faire des collages dégueulasses de code HTML qui désespéraient les vrais développeurs. Je me suis faite moi-même, moi, jeune fille ! Et je… Non, je ne me suis pas ratée. J’ai chargé des pages Web pleines de gifs à paillettes via Microsoft Frontpage, en 56K ma gueule.

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Bilbon, apprenant que l’ordinateur familial est libre.

Bon, d’accord, Internet, ça existait avant même que je fasse dans le pot (et pourtant j’étais précoce). Mais quand je réalise que j’ai grandi avec les débuts du Web 2.0, les premiers efforts pour l’ouverture du vaste monde de l’Internet au grand public… Je me dis que tout est allé tellement vite. Émotion.

1ère étape : (réussir à) se connecter

D’accord, jeunes Padawan, si vous cessez deux minutes d’essayer de faire passer un oiseau entre deux tubes avec vos téléphones et que vous m’éteignez ce 2048 que je ne saurais plus voir, je veux bien vous raconter. Déjà, ce qui est sûr, c’est qu’à l’époque il était plus difficile de devenir accro à un jeu débile. Ne serait-ce que parce qu’il fallait avoir accès à un ordinateur et pouvoir se connecter.

Mais oui, la connexion, mes jeunes ami-e-s ! Un met rare, convoité, que l’on obtenait avec force ruse et patience ! Oubliez donc le WiFi, et essayez d’intégrer le concept de modem analogique.

Alors, je ne vais pas vous faire un cours sur l’analogique VS le numérique, parce que je suis une quiche et que je vais me faire tomber dessus par les vrai-e-s connaisseur-euse-s – sans compter que ce n’est pas le sujet. Ce qu’il faut que vous reteniez, c’est l’image d’un vieux PC sous Windows 98 (pour les familles les plus high tech), qui a été relié à une petite boîte qui clignote, et cette petite boîte, tu ne LA TOUCHES PAS. ROGNTUDJU TU TOUCHES PAS LE MODEM.

Déjà, euh, papa-maman ils savent pas ce qu’il se passe si ça saute, hein, c’est un monsieur qui est venu l’installer, alors bon. Va pas faire des bêtises, toi. Et d’ailleurs, « Internet, Internet », t’as pas mieux à faire, non ? Et tes devoirs, ils sont faits ? Bon, va faire tes devoirs. Et qu’est-ce que… Mais ! SARAH ! T’AS ENCORE DÉPASSÉ LE FORFAIT INTERNET DE 120H ! Ça suffit ! Privée d’Internet le mois prochain !

Maiiis mamaaaan, on n’a que 90h par mois, c’est trop nuuul !

… Excusez-moi. Les vieux traumatismes qui resurgissent. Riez, jeunesse ! Vous n’avez pas eu à choisir entre le téléphone et Internet, et tous ces petits instants de vie désuets, vous. Et puis bonjour l’aventure pour se connecter une fois qu’on était puni-e (non mais 120h de dépassement de forfait, pff, c’est rien, quoi) : entre le son de démarrage de Windows à fond — le piège — et le bruit du modem, je crois que tout le quartier pouvait savoir qu’il y avait de la rébellion dans l’air.

Et puis, vers la fin des années 90, l’ADSL, l’avènement du numérique et de la connexion silencieuse (et des premiers forfaits intéressants en France) arriva dans nos foyers. Enfin. Dans ceux qui en voulaient bien…

Je me souviens des premiers à avoir eu l’ADSL dans mon groupe d’amis : ceux qui jusqu’ici explosaient autant le forfait parental que moi sur un vieux machin qui n’avait jamais connu que Windows 95 (a.k.a. l’enfer sur terre), se retrouvaient du jour au lendemain avec un écran plat et ce merveilleux petit bouton à l’écran disant « ADSL ».

Voilà. C’était simple comme un bouton qui changeait la vie.

2ème étape : partager avec ses ami-e-s avant les réseaux sociaux

Mais alors que la transition s’opère lentement, créant une inégalité entre les foyers avec et sans ADSL, la folle jeunesse de l’époque, fidèle à elle-même, tente de s’emparer de l’outil pour communiquer. MSN Messenger n’allait pas tarder à arriver et se faire connaître des plus branchés, mais en attendant, il fallait faire sans.

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Déjà, piquer l’adresse mail parentale pour envoyer des emails personnalisés à ses ami-e-s. Comme ça, quand Papa attendra la suite du communiqué n°23 du Congrès Des Gens Sérieux, il mettra 20 minutes à charger une conversation par mail qui dure depuis une semaine et qui se termine par « lol ». Il sera content.

Mais ce serait de la crotte de chamois sans tous les formidables moyens de personnaliser son mail, un réflexe incité par la fonction « papier à lettres » d’Outlook et ses confrères : on comprend bien vite qu’on peut ajouter un joli fond avec des licornes dans son mail, assorti d’une belle police rose fuchsia en Comic sans MS gras souligné, et enjoliver le tout avec quelques gifs de fées qui brillent.

Puis on se dit « Tiens ? N’y aurait-il donc pas moyen de rajouter un fond musical également ? ».

Et c’est le début de l’invasion du .midi.

Non en fait, ça faisait un moment qu’il existait, et que des gens ravageaient le Web en répertoriant ces petits fichiers musicaux qui ressemblaient de loin à une chanson connue (mais en plus discordant), sur des pages pleine de gifs de coeur et de fonds d’écran statiques avec des notes de musique.

C’est peut-être à eux que l’on doit cette mode qui a perduré vraiment longtemps, si on considère qu’elle énerve pourtant tout le monde — je veux parler du .midi en fond sonore impossible à éteindre sur une page Web.

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Souvenir dans ta face.

Mais enfin, ça n’empêchait personne d’en faire la collection.

Je les ai écoutés comme autant de petites sonneries de téléphone sur Windows Media Player 98, jusqu’à l’arrivée du mp3. Mon premier mp3, je m’en souviens comme si c’était hier. C’était la chanson Take me Away de Freaky Friday, je venais de passer 3h à le télécharger, et WMP en tremblait d’émotion (ou alors il buguait, c’est selon).

https://youtu.be/5le9W4-DOmQ

Bon, et puis les choses ont bougé doucement. On a quitté IRC pour se balançer de l’asv stp sur Caramail, quand MSN messenger est venu péter la baraque. Il s’est perfectionné. Il a intégré des wizz et des émoticônes à la place des mots. Windows Media Player a changé de peau avec Windows XP, et on pouvait même varier les couleurs moches. Et puis Skyblog. Et puis Myspace.

Et puis le web 2.0 s’est emballé.

3ème étape : s’investir sur le Web

Une fois toutes ces formalités sociales accomplies, l’heure était à la création. À l’art. À l’impulsion de soi dans ce jeune feu follet qu’était encore l’Internet. Bref, l’heure d’entretenir ses hobbies sur le réseau.

Par exemple, je ne sais pas trop quand ni comment la folie des pages perso a commencé, mais elle se répandait comme une traînée de poudre avant même que GeoCities et Wanadoo n’en fassent la promotion (« Cher-e client-e, en plus du forfait ridicule que vous payez 10 fois trop cher, bénéficiez d’un espace Web pour la création de votre page perso !! »). On n’a plus arrêté l’instinct créatif des gens, après ça.

internet-jeunesse-page

Aïe.

Les jeunes, on arrête de se moquer. Les autres, je suis sûre que dans le tas, il doit bien y en avoir qui ont décidé de toucher au code HTML pour faire leur propre site perso ! J’ai créé quantité de sites Web sur (le merveilleux) Frontpage, qui n’ont jamais vu le jour, jusqu’à mon premier site qui parlait de… qui portait sur… je ne sais plus trop. Le Seigneur des anneaux, sans doute. Premiers émois de mon adolescence.

Aaah, je me souviens encore de ces séquences de « mises à jour », pour lesquelles je devais guetter jusqu’à ce que la maison soit vide, avant de lancer le modem infernal et de griller 3 heures d’Internet pour charger tout le bouzin sur le World Wide Web inconnu. Mes petits gifs, mes petites images, mes petits fonds d’écran étoilés différents à chaque page… Soupir.

(Bon sang, mais j’ai touché à Frontpage avant même d’avoir l’ADSL.) (Bon sang mais je suis vieille.)

Après, pour communiquer sur son site ou sur un sujet particulier, il fallait ouvrir (ou s’inscrire à) un forum, peut-être le service pré-Facebook qui a le mieux survécu aux progrès du Web 2.0 et des réseaux sociaux en général ! Il faut dire qu’au bout d’un moment, on pouvait y faire de tout…

La base, c’était rencontre des gens et avoir des discussions sur des centres d’intérêt commun, certes — mais par la suite, des communautés fleurissaient plus facilement à tous les coins du Web. Sans avoir jamais été assez patiente moi-même pour m’y intéresser, j’avais par exemple des amies très versées dans le pixel art, et de manière plus spécifique, le dollz pixel art. Les concours, les échanges de bases et d’astuces s’enchaînaient sur des forums de plus en plus complets.

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Non mais le boulot, quoi.

En réponse de quoi, les sites de simulation se sont mis à fleurir. Et là, c’était bon : on avait perdu la jeunesse.

2014 : le temps d’un petit regard en arrière

Le temps file, mes enfants. À peine a-t-on le temps de charger une page avec des photos de chatons (une fois qu’on a enfin compris comment faire sa requête à Google de façon à ne pas tomber sur des gens tout nus) que déjà l’heure est à la page qui se charge avant même qu’on ait fini d’écrire.

Le paysage du Web a vraiment beaucoup changé, et à toute allure — on a tendance à l’oublier, peut-être en voulant effacer de nos mémoires ses premières interfaces graphiques. Mais les images sont encore là, dans ce coin de votre cervelet dédié aux souvenirs archivés… Souvenez-vous, Google, Yahoo, Lycos… Altavista.. Avant le CSS, avant les div et avant le bon goût.

En fait, je pense que type de sites Web a perduré suffisamment longtemps pour qu’en 2011 on tombe encore sur des articles expliquant pourquoi il ne faut plus refaire les mêmes erreurs qu’avant. En même temps, le texte défilant, le fond d’écran animé, les effets de transition… On a ça dans le sang, je vous dis.

C’était le bon vieux temps, ça, gamin.

Oui, enfin… le temps d’une séquence nostalgie, en tout cas. C’est que j’ai 7 Go à télécharger pendant que je termine mon épisode en streaming, moi. Emule, ça va bien deux minutes, mais au bout d’un moment, le porno caché sous l’intitulé Pingui va voir sa maman, ça a quelque chose de lassant.

Et puis j’ai développé une allergie aux pages en Times New Roman.


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Les Commentaires

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Avatar de skippy01
29 août 2017 à 22h08
skippy01
Punaise, le coup de vieux. C'est réellement un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

Quand j'entends le son du 56k, jen ai les larmes aux yeux.

Tous ces moments passés à s'envoyer des mails pourris et sans intérêt avec mes soeurs grâce au logiciel outlook, bien pratique pour pas passer trop de temps connecté. Les recherches via le logiciel Copernic. Le petit «diguidong» de MSN quand on recevait un message. Les mises en pages qui, rétrospectivement, étaient toutes pourries.

Mes parents ont mis trèèèès longtemps à passer au haut débit par peur que ça ne crée une addiction. Ils sont passés de mauvaise grâce à un forfait famélique (hé oui, jusque-là, on n'en avait même pas) quand notre opérateur téléphonique (ben oui, y'en avait qu'un seul à l'époque) ne nous a plus laissé le choix. Puis voyant que ça faisait exploser la facture (ben oui, forfait oblige, on était plus incité à rester longtemps, donc on le dépassait laaaargement sans s'en rendre compte), ils ont finalement capitulé.
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