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« C’est bien toi qui es lesbienne ? », ou l’homophobie ordinaire en 2016

L’homophobie existe toujours en France en 2016. On la voit moins, parce qu’elle se cache souvent au détour d’un dialogue, d’une remarque, d’une question… pas si innocente.

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Salut, c’est Lafastod. Vous avez sans doute déjà vu mon pseudo au détour de certains articles. Je vous avais raconté, dans les grandes lignes, comment s’était (mal) passé mon coming-out auprès de ma mère et j’avais fait une suite pour vous dire que maintenant, ça va mieux.

On peut dire que les choses ont plutôt pas mal évolué pour moi et qu’au final, je m’en sors bien… mais je sais que ça n’est pas le cas de tout le monde.

On entend que « ça va, c’est accepté maintenant », que « les LGBT sont partout, c’est la nouvelle mode ».

Dès que des évènements qui mettent les personnent LGBT sur le devant de la scène se présentent, comme aujourd’hui — la journée mondiale de la lutte contre l’homophobie et la transphobie — on entend un peu tout et n’importe quoi sur le sujet, que ce soit dans les médias ou pire, dans les commentaires. Notamment que « ça va, c’est accepté maintenant ». Que « ça va, les LGBT ils sont partout, c’est la nouvelle mode »…

L’homophobie au-delà de nos frontières

Et du haut de mes petites pérégrinations de vingtenaire, j’ai envie de répondre que… oui, mais non. Même si le mariage pour tou•tes a été adopté en 2013, ça ne signifie en aucun cas que la vie est un long fleuve tranquille pour les LGBT de 2016 : on avance, oui, mais on n’est pas arrivé•es.

À lire aussi : Le mariage pour tous fait vibrer les États-Unis

Au moment où j’écris ces lignes, il y a encore 76 pays qui pénalisent l’homosexualité, et les personnes LGBT ont un taux de suicide 4 fois plus élevé que la moyenne. Oui oui, en 2016.

C’est aussi en 2016 qu’Ellen Page et Ian Daniel ont sorti leur série documentaire Gaycation, dans laquelle on peut voir des témoignages effrayants — notamment au Brésil. L’équipe se retrouve dans les favelas à interviewer un mec qui annonce fièrement avoir tué des centaines de personnes LGBT. Parce que c’est son métier.

https://youtu.be/IWmwkfqebpE

L’homophobie insidieuse

L’homophobie est beaucoup, beaucoup plus insidieuse, et passe énormément par les mots.

L’homophobie n’existerait plus trop, donc ? C’est sans doute vrai que les choses s’améliorent, mais si vous voulez mon avis, elle existe toujours trop. C’est simplement beaucoup, beaucoup plus insidieux, et ça passe énormément par les mots… sans qu’on se rende vraiment compte que ces mots peuvent être des coups.

À lire aussi : « PD », une insulte tristement banale — Le Dessin de Mr.Q

C’est en 2016 que les prud’hommes ont décidé qu’on pouvait tout à fait qualifier un coiffeur de « PD » sans que ce soit une insulte, rapport qu’« il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles ».

C’est en 2016 que des commentaires toujours plus haineux peuvent être lus sur les réseaux sociaux.

C’est en 2016 qu’on dit toujours « mariage gay », et pas « mariage ».

C’est toujours en 2016 que j’ai flippé d’embrasser ma copine dans la rue.

À lire aussi : Agressé par six homophobes, un jeune homme prend courageusement la parole

Comment lutter contre l’homophobie ?

Je suis la première à reconnaître les avancées, à applaudir tous les petits progrès qui semblent minimes mais qui, au fur et à mesure, font évoluer les choses positivement.

Il suffirait de trois fois rien pour rendre la vie des personnes LGBT un peu plus simple !

Mais je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il suffirait de trois fois rien pour rendre la vie des personnes LGBT un peu plus simple. Ça passe par des trucs tout cons, je vous jure.

Je me dis aussi que s’il reste quelques pages à noircir dans l’histoire de l’égalité, on peut prendre le stylo plutôt que d’attendre que quelqu’un écrive pour nous, comme si on était Ginny devant le journal de Tom Jedusor. Parce que quitte à choisir un personnage, j’aime autant être Hermione.

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S’il y avait une seule et unique marche à suivre, ça se saurait. Alors oui, bien entendu, il y a des gens bien trop loin pour qu’on puisse espérer les faire revenir un jour, mais je m’adresse surtout aux autres : aux allié•es, aux allié•es en devenir, et aux maladroit•es.

On a tou•tes un rôle à jouer dans le combat pour l’égalité, qu’on soit hétéro ou pas.

On a tou•tes un rôle à jouer dans le combat pour l’égalité, qu’on soit hétéro ou pas. Alors voilà, j’ai envie de donner quelque petites règles simples, histoire que ça se passe mieux pour tout le monde. Et promis, ça ne coûte pas grand-chose.

« C’est bien toi qu’es lesbienne ? »

Je ne crois pas aux stéréotypes. Il n’est écrit « lesbienne » sur le front de personne. Mais il peut arriver que pendant une soirée, « l’INFORMATION » fasse le tour de l’assemblée — surtout quand on est dans une ville pas bien grande, comme c’était mon cas.

Et c’est surtout de ces petites phrases de soirées dont j’aimerais vous parler, parce qu’elles sont plutôt représentatives.

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Grâce à un savant mélange de sexisme et de curiosité, il m’est arrivé de me faire aborder sans la moindre humanité (et généralement quand je suis déjà en pleine conversation) par, au mieux…

— Salut, c’est bien toi Lafastod ?

…et au pire :

— C’est bien toi qu’es lesbienne ?

Notons qu’on ne m’a jamais abordée de la même façon pour me demander si c’est bien moi qui suis taureau, alors que merde, mon signe astrologique est au moins aussi essentiel que mon orientation sexuelle pour me définir !

Je ne parle même pas des variantes à base de vulgarités « pas méchantes », du style « C’est bien toi qu’es goudou ? ».

Règle d’or : ne jamais « outer » quelqu’un

Je fais partie de la team pédagogie & dialogue en toutes circonstances. Cela dit, même si les intentions sont louables, il se peut que je n’ai pas envie d’entamer une discussion avec la personne qui m’a interpellée en commençant par mon orientation sexuelle. Fou, non ?

Je vais donc lui répondre que ce qu’elle vient de faire, ça s’appelle de l’outing, et que même si moi j’en ai approximativement rien à secouer, ça n’est pas le cas de tout le monde, alors merci de ne plus jamais le refaire.

Par ailleurs, je ne me gêne jamais pour signaler que « goudou » et sa clique ne sont pas des mots que j’aime. Même si je sais que certaines femmes se les approprient pour les « vider » de leur potentiel insultant, il n’est pas possible de les utiliser pour qualifier une personne quand on ne la connaît pas !

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Bravo pour ton homosexualité (hein ?!)

Si jamais une conversation s’engage, je sais exactement ce qu’il va se passer. On va me dire sur un ton beaucoup trop enthousiaste que c’est « GÉNIAL ! VRAIMENT », ou asséner que « moi, je pourrais pas mais je t’admire vachement, faut du courage 

»… ce à quoi je me sens plutôt obligée de répondre par : merci mais non merci.

On ne félicite pas les gens bruns, grands ou rouxT’es gaucher•e ? J’espère que tout va bien pour toi, mais globalement, ça m’importe peu de savoir dans quelle main tu tiens tes ciseaux, et je vais sûrement pas te faire une standing ovation pour ça. T’es grand•e ? À aucun moment je ne vais t’interpeller pour te dire que, perso, je pourrais pas, mais j’ai des potes qui sont grand•es aussi, et je vous admire vachement.

Je ne suis pas particulièrement courageuse : je suis. Et c’est déjà pas mal.

Je ne suis pas particulièrement courageuse : je suis. Et c’est déjà pas mal. Honnêtement, ça serait plutôt coolos qu’on ne porte pas de jugement de valeur pour décider si mon orientation sexuelle est bien, courageuse, ou géniale : pourquoi ne pas tout simplement considérer qu’elle est… comme ça ?

Je préfère 1000 fois un « ok » neutre plutôt qu’une joie ou une admiration hors de propos.

À lire aussi : Je suis homosexuel, merci de ne plus m’analyser

« Je peux te poser une question indiscrète ? »

Ensuite viendra LE moment. Ce moment où on va me demander si on peut me poser une « question perso » — à laquelle bien entendu, je ne suis pas obligée de répondre hein, c’est comme je veux, faut pas que ça me gêne.

Sachant qu’on ne se connaît que depuis environ 40 secondes, et que l’autre continue de me parler exclusivement parce qu’il veut en savoir plus sur ma vie privée, ça fait déjà bien longtemps qu’on l’a franchie, la limite de la gêne.

À lire aussi : 5 réponses idiotes à 5 questions stupides

Je sais que ça n’est pas méchant. Que je suis juste face à quelqu’un d’intrigué, qui ne pense pas être intrusif mais se dit que peut-être, il pourrait appendre des trucs. Et toujours dans mon optique de pédagogie, je décide que oui, on peut me poser une question perso, mais que je m’octroie le droit de ne pas y répondre.

Parce que non, je ne dois de réponse à personne.

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Du coming-out au cul, OKLM

Là, généralement, s’enchaîne une série de questions plus ou moins longue, en fonction de ma patience, et qui va monter progressivement en intensité.

Ça commence par comment je l’ai su.

Puis on fait un petit détour par le fameux « on dirait pas ». Et ça, c’est vraiment une observation à bannir. C’est d’autant plus offensant quand ça a des relents de compliment.

Je suis humaine. Je suis exactement comme j’ai envie d’être, et si vous saviez à quel point je m’en BALANCE des observations, des « ça se voit (pas) », et de l’avis donné comme un bon point en fonction de si je corresponds ou non au cliché que l’autre a en tête !

Par ailleurs, je n’ai pas non plus envie d’entendre « toi ça va, tu fais hétéro » : est-ce que je dois vraiment expliquer à quel point c’est homophobe ? À quel point cette observation est POURRIE, du « ça va » qui précise que je suis « tolérable » au « faire hétéro », qui a environ zéro sens ? Sur quoi on se base ? Est-ce que je « fais lapin » si je mange une carotte ?

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On atteint enfin le cœur de l’intrigue, la question co la question ine :

— C’est comment au lit ? Vous faites quoi ? Vous achetez des trucs ?

On ne peut pas demander ça à quelqu’un qu’on vient de rencontrer. Il me semble que ça coule de source. Généralement, je ne réponds pas : je me contente de retourner la question. Et c’est plutôt rigolo d’ailleurs.

« Mais pourquoi être lesbienne ? » et autres conneries

On atteint la fin de la conversation et ça se gâte, doucement, mais sûrement.

On me demande comment je repère les filles, si je suis « sûre de moi », si je suis « vraiment lesbienne ou pas un peu bi ? » (cette dernière, c’est mon petit point Godwin personnel).

À lire aussi : Je suis bisexuelle, et j’en ai assez des idées reçues sur la bisexualité

Toutes les questions qui suivent sont à bannir. Florilège :

— T’es certaine ? — Comment tu peux savoir si t’as pas essayé ? — Mais pourquoi ? — C’est quoi qui te plaît chez les meufs en fait ?

Ces questions-là ont la particularité de pouvoir être retournées à la personne qui les pose. Il suffit d’attendre sa réponse et de dire « moi pareil ». Parfois, ça crée un déclic de compréhension ! Dans ce cas, la conversation se termine par un check amical (et je deviens « le pote avec des boobs »… mais c’est une autre histoire).

Malaise en Malaisie : les avances sexuelles

Et puis il y a les trucs vraiment malsains.

— Même avec moi ? Je suis vachement doux, tu feras pas la différence. — C’est dommage… — Et un plan à trois ? — Et si je te présente une pote et que je filme ? — Et si je te présente ma meuf et que je filme ? Tiens, je te montre une photo…

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Je vais mettre les choses au clair : que ça soit de la drague, de la curiosité ou juste pour du cul, ça ne m’intéresse pas. Si j’ai dit non une fois, je ne serai toujours pas intéressée les 17 fois suivantes. Dans mon cas, je suis effectivement lesbienne, mais même si j’avais été bisexuelle, ou pansexuelle, je n’aurais pas été intéressée par une personne aussi insistante et irrespectueuse.

Que le garçon qui me parle soit doux, c’est le cadet de mes soucis. Savoir si j’ai « essayé ou pas » devrait être le cadet des siens puisque de toute façon il ne me plaît pas. Ça n’est pas une question d’insistance, je ne suis simplement PAS attirée par les garçons ! Et quand bien même : j’aurais très bien pu ne pas l’être par toi, de la même façon que je ne suis pas attirée par toutes les filles.

Tu survivras. Alors lâche-moi la grappe.

À lire aussi : L’homosexualité à l’adolescence — Témoignages

Au final, lutter au quotidien contre l’homophobie, ça n’est pas si compliqué. Ça passe simplement par un petit cocktail d’humanité et de savoir-vivre. Les bases, en fait, de la vie en société.

Les personnes LGBT peuvent choisir de parler ou non de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre : le choix leur revient. Et les questions ne sont pas interdites… tant que vous ne vous braquez pas si on vous refuse des réponses !

À moi maintenant de poser une question.

Eh, dites… c’est quand qu’on décide de s’en foutre, de l’orientation sexuelle des gens ?

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Les Commentaires

45
Avatar de Freehug
15 juin 2016 à 23h06
Freehug
Je tombe sur ton article un peu tard @Lafastod mais je tenais à te dire qu'il est parfait et que je l'ai abondamment partagé. En tant qu'hétéro, pendant longtemps, je ne mesurais pas bien ce que les homo pouvaient se prendre dans la tronche comme conneries hallucinantes. Je n'imaginais pas une seule seconde que certains se permettent de poser des questions sur la sexualité d'une personne qu'ils connaissent depuis trente secondes. Et puis il y a quelques temps
Contenu spoiler caché.

Je regrette, mais autant je veux bien admettre la maladresse de certains, autant le manque de savoir-vivre flagrant, juste non. C'est du même niveau que le type qui m'avait demandé si mon père allait choisir mon mari et si j'allais devoir passer un test de virginité (il est arabe). Inutile de vous dire que la seule réponse qu'il a obtenue, c'est "pauvre con".
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