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Cinéma

Les gothiques dans la pop culture américaine, de figures d’opposition à égéries mainstream

Les gothiques sont partout dans la pop culture américaine, le cinéma hollywoodien et les séries télé. Mais leur place a changé : de solitaires trop émotifs, ils sont devenus « mainstream » et ont quelque peu perdu en substance… Un mal pour un bien ? Pas si sûr.

Même si, comme bien des « sous-cultures » cool, le mouvement gothique est né au Royaume-Uni, il a eu un impact assez fort sur la pop culture américaine, inspirant des artistes et générant une quantité monstre de pognon avec des icônes déclinables à loisir comme Mr Jack ou Emily the Strange. Mais quelle image renvoient ces stéréotypes gothiques, et quelle est leur place dans la pop culture américaine en particulier ? Petit décryptage.

Un mouvement qui fait tache au pays du sourire Hollywood

GloomCookie de Ted Naifeh

Le mouvement gothique se veut à la fois esthétique et culturel. Lourdement ancré dans la tradition européenne, il prend plus ses racines au XIXème siècle qu’au Moyen-Âge, malgré son nom. La première moitié du XIXème siècle fut en effet marquée en Occident par le romantisme, un mouvement complexe qui mettait en exergue la force des sentiments, l’esthétisme et une vision du passé très idéalisée. Ruines funèbres, revenants, gargouilles et frissons en crinoline, voilà les ingrédients qui continuent d’inspirer les gothiques d’aujourd’hui.

Ainsi, le mouvement gothique fait donc plus écho aux romans des Mary Shelley, Edgar Poe et autres Anne Radcliffe qu’à l’architecture du même nom… bien que tout demeure lié.

En Europe, nous avons un héritage gothique multiséculaire : nos châteaux, nos cathédrales et même nos immeubles haussmanniens sont des décors familiers et la plupart des auteurs révérés par le mouvement goth sont des Européens. Il n’y a bien que l’incontournable Poe pour venir des lointaines Amériques !

Aux États-Unis, s’il existe des Victorian Mansions, on n’en croise pas à tous les coins de rue et le sourire bright hollywoodien s’avère une image peut-être plus prégnante que les châteaux hantés. Le mouvement gothique s’y plaçait donc en réelle opposition avec la pop culture de masse, là où il n’était en Europe que détournement et réappropriation. L’idée du suburban goth, la part d’horreur et de bizarrerie cachée dans les maisons identiques et lisses des banlieues blanches américaines, montre bien le côté corrosif de ce mouvement.

Les films d’horreur américains prennent donc souvent place dans ces quartiers tranquilles où l’horreur est la plus inattendue. Carrie, Halloween et Poltergeist sont les glorieux représentants de cette lignée et Tim Burton y a évidemment posé sa patte, avec Beetlejuice et Edward aux mains d’argent. Du côté parodique de la force, le manoir de La famille Addams détone dans une banlieue bon chic bon genre où se côtoient banquiers et fonctionnaires.

Edward aux mains d'argent

De réjouissantes idées noires

Les personnages gothiques ont souvent l’image d’âmes mélancoliques obsédées par le sang, les larmes et la souffrance… mais à vrai dire, à part dans les films d’horreur où ils sont souvent les premiers à être possédés, ils le vivent plutôt bien. Chacun ses hobbies, on va dire : la poésie, le noir, l’ésotérisme, est-ce vraiment moins propice à l’épanouissement qu’un match de football américain ? Pas vraiment. Les gothiques sont heureux et enthousiastes dans leurs lubies ; et oui, méditer enfermé dans un placard peut être un plaisir !

En général, le problème des personnages gothiques, ce sont les autres (et peut-être la créature menaçante qui rôde dans le coin, quand ils servent d’archétype ambulant dans les films d’horreur, mais ça encore, ce n’est pas grand-chose à côté de la méchanceté des pom-pom girls : The Craft nous l’a bien montré).

Edward aux mains d’argent est plus sensible que ses compatriotes, Emily Strange plus intelligente, et la majorité des personnages gothiques cumulent ces deux tares. Être un gothique, c’est aussi être « expressioniste », porter ses sentiments étalés sur la figure, mis en avant par un maquillage voyant, et assumer sa tristesse à l’extrême. Et ça, dans un pays où le sourire est l’apanage des winners

, ça ne passe pas ! Il y a un mur entre le personnage gothique-type et les autres : il est leur reflet inversé, il travestit leurs valeurs et nous permet ainsi de voir ce qui est vraiment important derrière la façade.

Dangereuse Alliance

Ce film est génial, mais n’allez pas croire que tous les gothiques sont des sorciers !

Psychopathe, outsider, Manic Pixie Dream girl ou look vide de sens

Ces dernières années, l’archétype du gothique blasé a perdu de sa force. D’abord parodié dans Malcolm, Les Simpson ou encore l’hilarant The IT Crowd avec le personnage de Richmond (OK c’est une série British, mais je ne pouvais PAS zapper Richmond), il est souvent réduit à une apparence, un look, un genre qu’on se donne.

La déferlante Twilight y est sans doute pour quelque chose… Twilight est le gothique vidé de sa substance par excellence : l’auteure ne connaît  rien aux vampires, mais se prétend dans la lignée de la très romantique Emily Brontë (Les Hauts de Hurlevent). Depuis, le teint d’albâtre est à la mode et les gothiques ont perdu leur force d’opposition. Terminé, les mannequins bronzés au cinéma : les égéries des jeunes sont souvent blancs comme des cachets d’aspirine, et même les plus petites peuvent trouver leur compte dans le mouvement gothique avec les poupées so fashion de Monster High.

Pauley Perrette dans NCIS

Et dire que jusque là, la principale particularité des personnages gothiques était leur intelligence… Les voilà réduits à un paquet de fringues stylées !

Au début des années 2000, déjà, ils perdaient leur côté sombre outrancier pour devenir plus humains. Abby Sciuto dans NCIS était une pétulante et énergique gothique, véritable rayon de soleil de la série, Ruby Gloom conjuguait style gothique et culottes en dentelle rose… Ingrid Third dans Fillmore! Sam dans Danny Phantom, Gwen dans Total Drama et Vanessa Doofenshmirtz dans Phineas et Ferb, arboraient toutes la panoplie gothique dans des séries animées sans forcément coller à l’idée d’un marginal lugubre et sanglant ni même se montrer spécialement intéressées par la subculture gothique.

Chez Tim Burton aussi, l’étrange se heurte moins violemment à la « vraie vie » à présent : la famille semble assez bien acceptée par la société dans Dark Shadows et les freaks de Frankenweenie se mêlent harmonieusement à leurs camarades de classe.

La force du personnage gothique est dans l’opposition, et aujourd’hui, peut-être hélas, peut-être tant mieux, le gothique est devenu un peu trop mainstream dans la pop culture pour garder son impact initial. Enfin, quand l’effet sera passé de mode, je suis sûre qu’il restera toujours quelques âmes solitaires pour traîner leur mélancolique noirceur dans les lycées américains des séries télévisées !


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Les Commentaires

3
Avatar de Thedreaming
31 octobre 2014 à 17h10
Thedreaming
J'aime beaucoup cet article ! Je vais essayer d'approfondir la question de mon côté
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Voir les 3 commentaires

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