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Moi, moi et moi

J’aurais voulu être un gangsta – Chroniques de l’Intranquillité

Cette semaine Ophélie nous confie son ambition secrète : devenir un gangster. Un métier difficile aux qualifications bien particulières qu’elle n’est pas sûre de pouvoir exercer.

En sortant du cinéma et en allumant ma cigarette, la frange virevoltant aux quatre vents, je me suis sentie telle Lino Ventura dans son imper beige quittant un rade sombre et humide pour rejoindre l’insondable noirceur de la nuit, un 6’35 en main (exception faite qu’il était treize heure et que le ciel affichait son plus beau soleil).

J’étais allée voir Une nuit de Philippe Lefebvre avec Roschdy Zem, un film sur le quotidien d’un commandant « à la mondaine » qui passe ses nuits à errer de boîtes de nuit en club échangistes entre les dealeurs, les patrons de rade véreux et les grandes figures du Paris nocturne. Ça c’était le synopsis, en réalité c’est un film d’une heure quarante dans lequel Roschdy Zem se balade en col roulé et fume des clopes à chaque plan en ayant l’air profondément énervé. Parfois il cause et quand ça cause, dans les films de flics et de gangsta, ça donne toujours à peu près ça :

– Tu m’parles comme ça parce que j’suis pas allé à l’école, hein ? – Le vice ça s’apprend pas … (silence, jeux de regards entre mecs hyper tendus) et toi t’es un putain d’enculé… – C’EST MOI QUE TU TRAITES D’ENCULÉ ? HÉ VA TE FAIRE ENCULER TOI ! – C’est déjà fait … (sourire en coin de mec hyper cynique) … Sale enculé.

Voilà voilà.

Ça pose l’ambiance et c’est cette atmosphère que j’aime dans les films entre vilains personnages; c’est caricatural et obscène, violent et dépourvu de morale mais c’est ça qui est bon.

Quand je sors du cinéma après le visionnage d’un polar je traque les passants à la recherche d’un vice caché, du moment où l’un d’entre eux sortira une main armée de son duffle-coat, je regarde ce vieil homme qui porte un chapeau en feutre et je me dis qu’il a dû en voir dans sa vie, qu’il est peut-être le boss d’une mafia ou simple associé dans des affaires louches.

Moi aussi je me rêve en gangster sans gang. Quand j’étais plus jeune, après vétérinaire et bibliothécaire, j’ai voulu faire inspecteur de police : élucider tous les crimes du Cluedo, déjouer les complots mondiaux et nettoyer la pègre de ses canailles les plus redoutables.

Et puis très vite j’ai compris que, moralement comme idéologiquement, ce serait un peu compliqué pour moi d’être flic, c’est ainsi que j’ai renoncé à mes ambitions pour embrasser un utopique avenir dans le domaine de la criminalité.

Comment devenir un gangster

Descendre d’une famille de gangsters : Raté, bien qu’ayant des origines italiennes, je ne suis pas la fille des Corleone et aucun de mes tontons n’a jamais envoyé de tête de cheval tranchée au pied du lit d’un collègue un peu méchant.

Se faire passer pour un gangster : Plusieurs techniques sont envisageables, on peut se déguiser en gangster en ne sortant jamais sans notre imper beige et une paire de gants en cuir. (Évidemment nous parlons ici d’être un gangster qui a du style, il est hors de question de devenir un gangster en jogging)

Devenir flic :

Puis ripou, et finir par fricoter activement avec des gangsters, ce qui fera de nous un gangsta comme un autre.

Adopter le phrasé des gangsters : homophobie latente et viril machisme assumé sont encouragés (exemple de phrase type, extrait des Lyonnais d’Olivier Marchal : « Le Grec m’a tellement baisé que je pense à lui dès que je m’asseois sur quelque chose de dur » Ok t’as compris; ENCULÉ ?)

Se choisir un surnom : Tous les grands gangsta ont un petit nom, un diminutif qui annonce la couleur et les singularise dans le milieu du gangsétaria. (Max la menace, Le balafré et tant d’autres.)

Bien évidemment, il est malaisé de devenir un as du grand banditisme lorsqu’on est une femme, elles sont souvent reléguées aux seconds rôles, ce sont elles qui se font coffrer pendant dix ans par amour ou qui attendent pendant dix ans que l’amour sorte de sa geôle. Dans le milieu du crime, les femmes sont : soit des saintes, des mères de famille auxquelles on ne touche pas, soit des putes en robe à paillettes qui finissent souvent assassinées par un rustre assoiffé de vengeance.

Ne recensant donc aucune des qualités requises pour devenir un véritable gangster (à l’école primaire j’ai bien volé une peluche dans un supermarché et quelques vernis à ongles à l’adolescence mais je n’ai guère diversifié mon activité de truand moderne) il ne me reste qu’à rêver d’une hypothétique vie parallèle, celle où j’obéirai aux seules lois dignes d’apparaître au code d’honneur des crapules.

Contrairement à ce que les actualités essaient de nous faire croire, nous sommes pour la plupart des êtres ordinaires aux mains blanches et innocentes. Dans ce monde normal je me contente d’imaginer des dialogues décapants et des aphorismes assassins en relevant le col de mon manteau noir. Je prends mon air le plus énervé quand je m’aperçois qu’une vieille me double à la caisse du supermarché mais au lieu de répliquer avec violence et charisme, je baisse les yeux en soupirant.

Il est malaisé de devenir un gangster de cinéma dans une vie ordinaire; déjà, je n’ai pas de flingue ni de cicatrices de canif au creux des joues; ce qui me bloque certaines possibilités d’intimidation – sans l’uniforme il est moins simple de s’identifier au personnage.

J’aurai beau imiter Travis Bickle devant le miroir de ma salle de bain où écouter Seth Gueko jusqu’à m’en faire éclater les esgourdes, il est peu probable que je me transforme un jour en terreur nationale. Et puis, est-ce vraiment cool d’être surnommée l’ennemie public numéro deux si la première place a déjà été occupée ?

Moi j’aurais voulu être une gangsta d’une époque éloignée, celle du cinéma de Michel Audiard.

http://www.youtube.com/watch?v=OrZq41Uh5d8

Aujourd’hui que voulez-vous, y a plus de valeurs nulle part, même dans le milieu de la truande. Je vais plutôt finir en bibliothécaire qu’en gangster; je le sens mal.


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

5
Avatar de articwolf
9 janvier 2012 à 12h01
articwolf
J'adore le ton un peu mélancolique de ces chroniques, je trouve que ça change de "l'humour Internet" habituel.
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Voir les 5 commentaires

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