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Comment le féminisme a changé mon rapport à la pop culture

Être féministe, ce n’est pas toujours de tout repos. Et ça change radicalement la façon dont on appréhende la culture…
Cet article a une suite ! Comment le féminisme a changé mon rapport à la pop culture (vol. 2)

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– Cet article contient quelques spoilers concernant la série Supernatural et la saga littéraire La Tour Sombre.

Depuis quelques années, je suis féministe. Je ne sais pas comment ça m’est venu, comment j’ai été sensibilisée, s’il y eut un déclic… Je pense que ça a été progressif.

Devenir féministe

Au début il y avait un dégoût de la presse féminine (j’ai quand même dû attendre quatre ans pour comprendre que si je me sentais déprimée après avoir terminé un magazine féminin, c’est qu’il y avait un souci), puis des recherches sur Internet, puis des articles de madmoiZelle, et voilà.

Aujourd’hui, je peux dire « Je suis féministe » et savoir ce que ça veut dire, savoir comment l’expliquer aux autres, comment répondre au « Ah t’es féministe, c’est chiant, j’aime pas les féministes » de ma petite soeur.

Et en même temps, j’en apprends tous les jours sur tous ces combats internes au féminisme que je connais moins : la lutte pour la reconnaissance des personnes trans, l’égalité pour tou•tes, l’écriture non genrée, le slut-shaming

La pilule rouge du féminisme

J’ai lu une fois  qu’« être féministe, c’est un job à temps plein ». Et c’est vrai ! Le machisme et le patriarcat sont omniprésents, si insidieusement présentés comme la seule voie possible.

En apprendre davantage sur les combats féministes agit comme un filtre à travers lequel je vois la réalité, que je ne peux pas enlever (et de toute façon je ne le voudrais pas). C’est un peu comme découvrir le « C » dans le logo de Carrefour (j’adore cette comparaison) : une fois qu’on l’a vu, impossible de l’ignorer.

Le sexisme est partout, dans la rue, dans les transports, dans les paroles et les actions des gens, dans les médias… Et dans les livres, les films, les comics, les jeux vidéo, les émissions de télé, les dessins animé, les séries, les sites Web. Être féministe, c’est ne plus apprécier la pop-culture de la même façon.

C’est quoi, être féministe ?

Et si on faisait un petit point féminisme avant de se lancer ? C’est parti mon kiki.

Pour moi, être féministe, ce n’est pas (MÉGASURPRISE EN APPROCHE) être contre les hommes, ou pour une suprématie féminine. Ce n’est même pas lutter uniquement pour l’égalité hommes-femmes, la disparition du plafond de verre, etc.

Être féministe, c’est accepter tout le monde. J’aime pas trop le terme « tolérer » parce que ça fait un peu « Oui, je TOLÈRE ton existence dans ma grande mansuétude », alors je préfère « accepter ». Je suis féministe parce que j’ai envie que tout le monde puisse vivre sa vie comme il/elle l’entend, avec les mêmes droits, avec les mêmes chances, avec le même pouvoir.

Je suis un gros Bisounours, je n’ai pas envie qu’on me juge et je m’efforce au quotidien de ne juger personne. Je suis pour l’acceptation de l’autre, tel•le qu’il/elle est, avec ses défauts, ses qualités, ses goûts, son histoire.

Je suis pour le fait que chacun•e puisse être libre de ses choix et démarre dans la vie avec les mêmes options et les mêmes opportunités, sans se retrouver limité•e par une quelconque discrimination ou la pression de la société. Je suis farouchement POUR le vivre-ensemble et je crois que plus on rencontre de personnes différentes, avec des modes de vie différents, plus on apprend, et plus on découvre.

Je sais que j’ai déjà de la chance d’être une jeune femme libre en 2013, mais je pourrais être PLUS libre, et tout le monde pourrait l’être.

Une approche féministe de la pop culture

Maintenant qu’on est d’accord là-dessus, entrons dans le vif du sujet. Pourquoi est-ce qu’être féministe change (définitivement) mon approche de la pop-culture ? Parce que comme dit plus haut, je ne peux pas retirer ce filtre.

Je peux décider de faire avec les problèmes que je reconnais, et de continuer à « consommer » un produit culturel malgré ses défauts, mais je ne peux pas ne pas les voir.

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Je crois que je suis accro à la critique féministe des médias… / Je ne profiterai plus jamais tranquillement de quelque chose. / Argh, cette chanson est si sexiste. / Oh, super, une blague sur les gros-ses. / Ce jeu vidéo est plein de stéréotypes racistes. / Cet auteur est un enfoiré misogyne. – Image par Kara Passey

Être féministe et regarder Supernatural

Il y a quelques mois, j’ai commencé la série Supernatural, vu que j’avais plus rien à regarder et que ça semblait générer pas mal de passion sur Tumblr. Ce show a plein de bons côtés, y a des bonnes idées, de bons acteurs, l’intrigue est prenante, originale, avec de l’humour et des surprises.

Les deux héros, Dean et Sam Winchester, sont deux frères chassant démons, fantômes et autres joyeusetés, tous ces trucs dont on nous dit qu’ils n’existent pas (pour une flippette comme moi, regarder un show dans lequel les légendes urbaines sont réelles, c’est pas la meilleure des idées, mais passons).

Dès le milieu de la saison 1, j’ai commencé à grogner dans mon absence de barbe à cause des personnages, quasiment tous blancs et masculins ; les Noir•es sont tou•tes méchant•es et/ou possédé•es et/ou dans une position de faiblesse ; dans une écrasante majorité, toutes les femmes sont également possédées ou victimes d’un être surnaturel et ne s’en sortent que grâce à l’intervention de nos majestueux héros, ou sont 100% mauvaises et méritent d’être supprimées.

Une des seules femmes à garder sa « réputation » indemne est la mère des deux frères (quelle surprise…), mais elle aussi a besoin d’être secourue.

Deux personnages féminins, Ellen et sa fille Jo, sont présentes pendant quelques saisons dans l’univers des « hunters » (les « chasseurs » qui, comme Sam et Dean, traquent et suppriment les agents du Mal… et sont presque tous des hommes), mais restent en périphérie.

Ellen, dont le mari a péri pendant une chasse, tient un bar dans lequel elle nourrit, abreuve et soigne les chasseurs ; sa fille Jo rêve de se lancer dans le « métier », mais sa mère a trop peur pour la laisser faire… et quand elles se lancent dans le business, ça ne leur réussit pas vraiment.

Chaque fois que je découvre un nouveau personnage non-blanc et/ou non-masculin, je déchante : ainsi, le seul « chasseur » noir sur lequel la série se penche se révèle être un dangereux psychopathe, et quand deux Anges interviennent, l’un dans le rôle du « bon flic » qui veut protéger la race humaine et l’autre dans celui du « mauvais flic » qui considère notre espèce comme des parasites, devinez qui est le méchant ?

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Devinez, par extension, lequel dure le plus longtemps dans la série.

Le fait qu’une série aussi célèbre, qui, de plus est, prend la forme d’un road-trip à travers les États-Unis, ne comporte que très peu de diversité me dépasse.

Aimer des oeuvres « pas assez féministes »

J’essaie d’être indulgente avec les oeuvres qui « datent » ; je sais que critiquer le machisme de Dostoïevski n’aurait aucun sens, pas plus que de traiter Jules Verne de raciste parce qu’il utilise le terme « nègre ». Mais nous sommes en 2013, et les choses avancent très lentement, trop lentement.

L’autre jour, une amie m’a demandé comment je pouvais être fan de Stephen King et féministe ; je n’y avais jamais pensé, et en effet, ça craint un peu. Très peu de personnages féminins forts, très peu d’héroïnes, beaucoup de méchantEs, de tueuSEs, ou de « damoiselles en détresse »…

C’est ce que je voulais dire par « faire avec les problèmes que je reconnais » : je continue à lire Stephen King, car je continue à penser que ses bouquins sont géniaux (et, s’il n’y a que peu d’héroïnes, abordent régulièrement des problématiques comme le slut-shaming, la dichotomie « la maman et la putain », ou plus souvent le racisme).

Mais je serai la première à applaudir des deux mains si son prochain livre présente une femme forte, aussi badass que le personnage de Susannah, dans sa saga La Tour Sombre, qui est une femme noire amputée des deux jambes et totalement guerrière, forte et indépendante.

Le radar à discriminations

À chaque fois que je regarde un film, un clip, une série, que je m’aventure sur Internet, c’est comme un radar qui crépite à la vue d’un contenu sexiste, raciste, discriminant. Il y a des sujets sur lequel je ne sais pas encore quel est mon avis. Tout n’est pas tout blanc ou tout noir, et les zones de gris sont nombreuses.

Je passe la plupart de mon temps sur madmoiZelle et sur les forums, et je réalise, à chaque fois que je m’aventure « au-dehors », que c’est un havre de paix comparé à une bonne partie de l’Internet et des réseaux sociaux français ou étrangers.

L’écrasante majorité des filles du forum sont tolérantes, ne jugent pas et respectent les choix et les opinions de chacun, les débats se font généralement dans le calme, sans insultes, sans provocation — et pour ça, un énorme Big Up ! à vous, nos merveilleuses lectrices.

Du coup, quand je m’aventure sur le reste du Web, je mets un gilet pare-balles mental pour me préparer à la vague de sexisme, d’homophobie, de racisme qui risque de déferler à tout instant et que j’aimerais parfois oublier… et je pense que je ne suis pas la seule.

Encourager les avancées positives

Mais comme on dit, « connais tes ennemis ». Alors je garde, je chéris et j’enrichis mon « filtre féministe », pour pouvoir avoir un regard critique, certes, mais aussi pour me réjouir lorsque quelque chose me fait plaisir !

Un personnage gay dans un dessin animé (Paranorman, en anglais), choper une référence incomprise dans un Disney (Kuzco, en anglais), découvrir des actions à travers le monde, voir un personnage féminin traité comme un être humain et non comme une « fâme »… et à ma petite échelle, étendre mon monde de Bisounours en parlant, en partageant, en écrivant.

Parce que je me suis rendue compte qu’à partir du moment où on accepte que la vie privée, l’apparence ou les choix des autres ne nous regardent pas… c’est tellement, tellement reposant. Ça laisse du temps pour penser à soi.

À lire aussi : Comment le féminisme a changé mon rapport à la pop culture (vol. 2)


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Les Commentaires

108
Avatar de Wilhelm
30 décembre 2014 à 23h12
Wilhelm
Tiens j'avais pas lu cet article! et je me suis tout à fait retrouvé dedans!

Je suis fana de japanimation, et je n'avais pas calculé jusqu'alors que c'était certainement une des cultures les moins féministes que j'ai vu! il suffit de voir le nombre de harem, de héros principaux masculins, de rôles majoritairement mineurs des personnages féminins, de ecchi, de filles en jupes (sisi j'vous jure c'est pas si facile que ça d'en voir en pantalon dans certains trucs, des fois ça existe limite pas, pour les school life avec l'uniforme à la rigueur mais dans certains domaines juste non! ). Au final, je met des notes de plus en plus négatives sur ma MyAnimeList tellement ça commence à me gaver de voir toujours la même merde...

Ou encore un truc tout bête, aller sur des sites d'animes, de mangas, et regarder le design des pages. Vous ne verrez QUE des filles, parfois même des personnages originaux dont on ne connait pas la provenance, sinon ce sera des personnages masculins ultra connus (cf Naruto, One Piece, Sword Art Online, Fairy Tail etc.), quasiment jamais de personnages secondaires masculins. Mais la majorité du temps, vous ne verrez que des filles pour décorer, après tout, faut pas déconner nan plus!
Les garçons c'moche à regarder, m'voyez ?

Bwef, je sais que j'argumente mal, c'est pas mon truc, mais tout ça pour dire que c'est absolument vrai, le féminisme pousse à avoir un radar parfois difficile à vivre, rien que dans nos passions culturelles... et franchement je sais pas vous mais ça me fout les nerfs! j'adorais regarder des animes! mais on sait que le Japon est pas des plus avancés niveau égalité hommes femmes... et encore là je parle que de ça
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