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J’ai testé pour vous la Blackberry Rehab

Il était un peu comme un membre de la famille. Ou un membre tout court, l’extension naturelle de ma main droite (dans l’absolu je vous l’accorde, ça aurait pu poser tout un tas de problèmes).

Aaaah je me souviens : il vibrait/sonnait/clignotait non stop sans cesse grâce aux mails/textos/Chats/rappels/appels. On aurait dit le standard de Paris Hilton quand on a eu la confirmation de son allergie à toute forme de sous-vêtement.
Aaaaah j’entends encore les douces menaces de mes colocs , qui me promettaient de « défenestrer sans sommation ce truc si jamais il bipe encore une fois ».
Aaaaah je me rappelle de ma mère qui s’époumone « RANGE CE TRUC A TABLE NOM DE DIEU !!!! » (je peux taper d’une main et manger de l’autre sans aucun problème, le tout sans regarder l’écran. C’est ça l’amour, ça ne demande qu’une connexion 3G).
Ou encore mon (ex) copain me dire « C’est lui ou moi » (j’ai pris le téléphone).

Et puis une nuit, ma maison s’est faite « visiter ». Oui je le mets entre guillemets parce que j’exclus tout sens festif à ce terme. Ou alors c’était plutôt la « fête au cambrioleur ».
BB (oui oui c’est son petit nom) dort en bas, depuis que mon chef m’a fait remarquer qu’avec le coup des ondes ça « serait dommage d’endommager un capital neurone déjà au plus bas ».

Il a dû aguicher le cambrioleur sévère, en clignotant rouge dans le noir. Un mini red light district dans mon salon. Impossible de résister à un rentre dedans pareil.

Au petit matin quand j’ai constaté sa disparition, il a fallu que je respire dans un sachet pendant 24 bonnes heures. Ensuite j’ai pu constater que la vie sans lui ben… C’était plus vraiment pareil. Je vous invite donc à me suivre dans cette semaine de désintoxication forcée.

blackberry

JOUR 1 : LE DÉNI

Je traverse une profonde phase de déni. Mes colocs ne s’y trompent pas et pour ne pas avoir à subir ça, ils me renvoient direct chez mes géniteurs, où règne l’incompréhension la plus totale. Faut dire que ma mère vient à peine d’apprendre à envoyer des textos. Pour elle, un téléphone « ça sert à téléphoner ». RI-DI-CU-LE.

En recherche compulsive de substitut, mon regard croise celui de la calculatrice. Je tente d’écrire un mail avec l’engin. Échec.

Je mets quand même la calculette dans la pochette de mon Blackberry, en demandant à mon paternel de poser une diode dessus pour la faire clignoter. Commentaire du chromosome X, cet ingrat qui m’a engendré : « Va te faire soigner ma chérie ! ».

Je poste un message au voleur sur Facebook : « Échange famille complète, père+mère+sœur, bon état de marche contre restitution de Blackberry ».

JOUR 2 : LE SUBSTITUT

Pour oublier, mon entourage familial me conseille de « prendre un bouquin ». Les pauvres. Comme quoi, se reproduire, ça n’a pas que du bon. Un bouquin donc. Un truc avec des pages apparemment.

Je prends Robinson Crusoë. Par empathie. Le jeune homme manquait lui aussi cruellement de connexion. Je mets un bon quart d’heure à comprendre qu’il n’y a pas de molette pour faire défiler le texte. Je m’en étonne tout haut. Cela n’a l’air de gêner personne à part moi. Pas de bouton « J’aime ». Impossible de laisser le moindre petit comment.

Apparemment ce matos c’est de la daube. L’écran ne s’allume pas. Et je me retrouve avec de l’Arial en 12 tout le long, impossible de changer la police. Je demande s’il faut que je frotte 2 silex l’un contre l’autre pour avoir de la lumière et à quelle heure Papa part chasser pour tous nous nourrir.

Commentaire du chromosome Y, cette marâtre des cavernes : « Y’a des coups de massue qui se sont perdus à un moment je crois… »

Je poste un message au voleur sur Facebook : « Échange Famille Pierrafeu + collection fossiles gravés contre restitution immédiate du Blackberry »

JOUR 3 : LE MANQUE

Je dois me rendre chez des amis, pour aller partager ma douleur avec d’autres personnes que ces gens qui m’ont très certainement adoptée.

Dans la voiture, rien n’est comme avant. Cruelle réalité : avec mon Blackberry a disparu mon GPS. Et par là donc mon sens de l’orientation. « Prends une carte », me dit ma mère. « Je crois qu’elle ne sait même plus la déplier » rajoute
finement mon père, « Peut-être que tu devrais te servir de ton cerveau pour changer » conclue l’infâme frangine.

Dignement, je prends la fuite avec l’intention de ne jamais revenir. J’erre sans but dans les rues de Marseille. Toutes les tentatives de communication avec l’autochtone ont échoué : quand on ne s’exprime pas en langage GPS, je ne comprends tout bonnement rien.

Et il faut se rendre à l’évidence : les tracés laborieusement indiqués sont pour la plupart erronés. Je me dis que j’ai bien fait de partir avec des vivres et de l’eau.

JOUR 4 : L’ESPOIR.

Au boulot. Je suis entourée de gens qui ne connaissent pas la douleur d’être séparé de son smartphone. Mon boss par exemple. Qui n’est pas dans son bureau. Il va falloir lui laisser un message. Je me dis « tiens, je vais lui laisser un post sur son BBM (Blackberry Messenger) ! »

Mais la réalité me rattrape et me glace le sang : je vais devoir tuer un arbre pour communiquer. Mon assistante persiste à me dire que j’évite ainsi le cancer du cerveau, et me tend un post-it.

Y’a moyen d’activer une commande manuelle au post-it ? Elle me tend un stylo en soupirant.
Mais oui ! J’en ai déjà vu un et ça s’appelait « stylet ». Elle m’informe que sans le capuchon, ça marche mieux.

Après quelques essais infructueux (impossible de me souvenir si je suis droitière ou gauchère), je redécouvre avec joie les délices de la calligraphie. Mais point trop n’en faut : je mets un « LOL » à la fin et je gratifie l’Autorité d’un smiley manuel, une première dans l’histoire. Commentaire de ladite Autorité « Je t’ai ramené une pochette de feutres, tu vas adorer. Dessine moi un Blackberry tiens… HAHAHAHAHA »

Je poste un message au voleur sur Facebook : « Échange Chef diabolique, sadique et pas drôle contre restitution instantanée de mon Blackberry. Possibilité ajout membres famille d’ingrats contre oreillette »

Sur ce, ma Directrice des moyens généraux rentre et me tend une boite. Fébrile (je n’ose même pas espérer), j’ouvre et je trouve… un Légo avec un écran collé dessus. Devant mon air dubitatif (« encore le coup des bouquins ça », je marmonne), elle prend un ton qui ressemble étrangement à celui de ma maîtresse en maternelle :

– Émilie, c’est ton téléphone en attendant
– Mais… Il lui manque des touches !!
– (ton pédagogique) Non, je t’assure, elles y sont toutes
– (illumination) Aaaah j’ai compris ! Tu as confondu avec la télécommande pour la clim !
– (regard noir) Espèce de tâche.
– …
– Allez maintenant va jouer et laisse les grands travailler.

Lui il va se prendre les prud’homme dans la figure, et ça va pas être du virtuel

JOUR 5 : LE SALUT

Vendredi soir. Je date. Et j’ai très certainement le futur père de mes enfants assis devant moi. Le geek de mes rêves me raconte avec des trémolos dans la voix comment il a fait tomber son iPhone 3GS dans la flotte. Comment il a plongé pour le secourir. Comment il a investi dans un séchoir à ions avec la ferme intention de lui faire le meilleur des souffles à souffle. Et comment il a accepté courageusement de le laisser partir (buée écran, ça ne pardonne pas dans 99% des cas).

Il m’explique qu’il voit la vie différemment depuis (« il a fallu tout réapprendre , je ne savais même plus faire cuire un œuf en utilisant une pendule, j’avais une appli pour ça ! »). Ça m’émeut aux larmes. Je suis toute chose.

Il m’avoue carrément que ça fait du bien d’en parler à autre chose qu’à une communauté virtuelle sur un forum (« en fait ça fait du bien de parler à une vraie personne tout court »). Tiens je crois que je viens de trouver une nouvelle connexion.

Je poste un message au voleur sur Facebook « Garde le Blackberry, mais pense à venir récupérer la troupe de cirque qui me sert de famille. PS : merci pour la rehab !! »

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Les Commentaires

34
Avatar de Ellis
30 août 2011 à 09h08
Ellis
J'ai troqué mon Blackberry cassé contre un autre smartphone, mais c'est vrai que la transition BB/autre marque a été dure, je n'arrêtais pas de chercher la mollette pour faire défiler les choses et je me disais tout le temps : "ah, tiens! je vais lui envoyer un BBM... ah non, merde, je n'en ai plus !"

Article tordant, sinon !
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