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Humeurs & Humours

Ces 10 trucs que ma grand-mère ne comprend pas

La grand-mère d’Eve Gratien est bavarde, et elle a plein de choses à dire sur les pratiques de notre génération.

Publié initialement le 16 janvier 2013

On rediffuse cet article à l’occasion de la Fête des Grand-Mères !

L’information circule en boucle depuis ce matin sur les réseaux sociaux, suscitant autant d’engouement qu’une invasion extra-terrestre et des soldes à -80% chez Asos réunis : il neige. Et cela n’est pas seulement l’occasion de sortir faire des zizis de neige sur la pelouse des voisins, ni de vandaliser les bonhommes de neige des enfants en déplaçant la carotte à un niveau bien inférieur que celui du nez. La neige, c’est aussi et avant tout l’occasion de s’enfermer chez soi avec ses charentaises, du chocolat chaud à la cannelle et un feu de bois (n’ayons pas peur des clichés). Mais le must, c’est de disposer de la compagnie d’une grand-mère qui, à mon sens, est l’alliée idéale lorsque l’on décide de passer sa journée à regarder tomber les flocons tout en faisant une indigestion de cacao et de petits sablés.

J’ai, en l’occurrence, la chance de disposer, justement, d’une mamie bavarde, toujours partante pour parler de tout et de rien (et surtout de rien), d’autant plus par temps de neige car cela lui rappelle sa jeunesse où les hivers étaient toujours blancs, ce qui la motive d’autant plus à s’attarder sur toutes ces choses qui ont tant changé depuis ses vingt ans et que, malgré tant d’efforts, elle ne parvient pas à comprendre. Choc des générations ou pas, voici quelques incompréhensions et théories made in my grand-mère, lesquelles constituent de loin ses sujets de conversation préférés, juste après la rubrique nécrologique et les jeux télévisés présentés par Lagaf’.

mawmaw

Il est donc de nombreuses choses que, malgré tous ses efforts et son intérêt pour le sujet, ma grand-mère et son poil au menton ne parviennent définitivement pas à comprendre. Des choses qui la dépassent, lui semblent parfois sorties de la quatrième dimension, ou plus simplement qu’elle refuse d’admettre parce que d’son temps c’était différent, argument auquel il est bien souvent inutile de s’opposer tant elle s’accroche avec hargne à sa certitude d’être dans le vrai là où les générations actuelles se trompent. Et si j’étais toi, j’éviterais de chercher la bagarre à une octogénaire munie d’aiguilles à tricoter qui lit Le nouveau détective.

1. Les strings

S’il est une chose qui, par dessus tout, suscite l’incompréhension de ma grand-mère chérie, c’est sans aucun doute le string. Non seulement parce qu’elle y voit là une fanfreluche d’un goût bien discutable qui ne fait qu’enlaidir le séant de ces dames au lieu de le sublimer (jamais le string ne pourra rivaliser avec les gaines sculptantes, jamais) mais aussi parce qu’elle y voit une sorte de monstrueuse arnaque qui pousse les femmes d’aujourd’hui à en acheter sans avoir conscience de se faire escroquer. Pourquoi le string est-il une arnaque, selon mémé ? Parce que :

  • Il gâche l’effet de surprise en dévoilant directement une paire de fesses, privant ces messieurs du plaisir de la découverte du fessier (on sent l’influence roman Harlequin, non ?). Selon elle, acheter un string équivaut donc à se faire avoir comme une petite dinde en investissant dans un accessoire qui va réduire le potentiel de séduction d’une femme au lieu de l’optimiser.
  • Un string, ce n’est pas hygiénique. Car décidément, mémé ne comprendra JAMAIS qu’on puisse s’affubler d’une « ficelle dans le derrière, directement en contact avec le trou de balle ». Et inutile de vous parler des problèmes d’irritations supputés par ma grand-mère qui voit finalement dans le string une sorte d’entrave à l’hygiène et à la santé, sa grande interrogation étant finalement : les personnes souffrant d’hémorroïdes s’adonnent-elles à cette folie qu’est le port du string ? Si oui, elles méritent bien de souffrir en s’asseyant sur un tabouret.
  • C’est beaucoup trop cher pour ce que c’est. Comprenez que ma grand-mère voit dans le string une vaste arnaque orchestrée par les fabricants de lingerie qui se seraient un jour concertés pour mettre au point un plan machiavélique afin de détrousser les honnêtes femmes de leurs deniers. Ainsi, selon elle, auraient-ils eu cette idée saugrenue de réduire la quantité de tissu des culottes tout en prétextant que leur but était d’accroître le potentiel séduction des classiques dessous, leur unique objectif étant en fait de limiter la quantité de matière utilisée. Ainsi serait-on passés de la culotte au slip, puis du slip au tanga avant que l’escroquerie n’atteigne son but ultime avec le string et, pire encore, le string ficelle, même qu’« on voit pas comment une serviette hygiénique a des chances de tenir là-dedans ».

Tout cela pour dire que selon mémé, notre génération d’adeptes du string se résume à une bande de petites sottes qui dépense son argent durement gagné dans un minuscule bout de tissu qui frotte dangereusement l’anus et ruine notre sex-appeal. Et vous l’aurez compris, la théorie du complot du string, c’est ma grand-mère qui l’a inventée.

2. L’épilation

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Ma grand-mère est née à une époque où, pour la citer, « on vivait en paix avec nos poils ». Une époque où les aisselles velues ne rebutaient personne et où les culottes et maillots de bain étaient assez couvrants pour cacher la toison pubienne envahissante (celle qui gagne le haut des cuisses si on n’y prête pas garde, ne faites pas comme si vous ne voyiez pas de quoi je parle). Alors évidemment, elle comprend bien que le port du string ficelle précédemment évoqué contraigne à l’épilation. Ce qu’elle ne comprend pas, c’est qu’on en a fait, en quelques décennies, une banalité au point que celle qui ose conserver son poil soit montrée du doigt comme la femme à barbe d’un freakshow. Deux choses qui, dans cette histoire d’épilation, perturbent considérablement mémé :

  • Le fait qu’on s’épile au lieu de se raser. Le but étant tout simplement de se débarrasser de ses poils, pourquoi s’infliger de désagréables séances d’épilation quand un rasoir Bic peut faire l’affaire, y compris (et surtout) pour la moustache ! Mémé aime railler ces andouilles masochistes qui utilisent des bandes de cires parfaitement coûteuses alors qu’elle vient, quant à elle, à bout de son duvet de la lèvre supérieure (un « duvet » qui ferait pâlir de jalousie Groucho Marx) sans effort. Inutile d’essayer de lui expliquer l’espacement de la repousse du poil après une épilation, la monstruosité de la repousse après recours au rasoir, de lui parler de poil incarné ni de quoi que ce soit, mémé vous répondra que ce sont des sornettes et, attendrie par tant de naïveté, vous déposera un bisou qui pique sur le front.
  • Le fait de PAYER pour se faire enlever des poils. Voilà qui dépasse mémé plus que tout, elle qui ne parvient à comprendre qu’on puisse payer quelqu’un pour se faire retirer du poil : « On n’est quand même pas chez le coiffeur ! Les poils pubiens et les cheveux, c’est pas la même chose ». Ainsi, en vérité je vous le dis, tant que la mise en pli du maillot ou le balayage des poils d’aisselles n’existera pas, ma grand-mère ne cautionnera visiblement jamais que l’on fasse payer les honnêtes gens pour leur arracher leurs propres poils.

3. Les topinambours

Ma grand-mère a toujours aimé cuisiner et fut, il y a quelques années encore, une cuisinière hors pair. Mais l’âge n’aidant pas à conserver une juste idée des proportions et l’arthrose compliquant les gestes élémentaires de la cuisinière, il lui a fallu renoncer aux challenges culinaires d’antan et désormais, elle se console avec les fiches cuisine d’Ici Paris et devant les concours télévisés. Fascinée par tant de maîtrise de la part des candidat-e-s et par leur créativité, elle se montre curieuse et admirative devant l’emploi de certains aliments et face à certaines associations qu’elle n’aurait jamais soupçonnées. Un dessert au chocolat et à l’avocat ? Quelle bonne idée ! Du yuzu ? Qu’est-ce donc, voilà qui est intéressant ! En revanche un met, un seul et unique aliment la révulse au point de susciter en elle une révolte non dissimulée : le topinambour.

Disons très simplement que si je décidais de fâcher quelqu’un avec ma gentille grand-mère, je suggérerais à cette personne de l’inviter à manger un gratin de topinambours et le tour serait joué. Alors pourquoi le topinambour, me direz-vous ? Le fait est que ma grand-mère, comme tant d’autres vieilles dames, a connu la guerre et ses restrictions alimentaires. Et a grandi dans une famille de huit enfants où, pendant les longs mois de disette, le topinambour fut le seul aliment présent dans les assiettes. Lorsque la guerre fut finie, que la situation s’améliora et que les assiettes furent à nouveau mieux garnies, mon aïeule se jura de ne plus jamais goûter ce légume-du-pauvre-qui-crève-de-faim ; elle en fit le serment solennel.

Voir quiconque consommer du topinambour lui apparaît ainsi comme la plus grande des trahisons, un peu comme si nous n’avions pas été assez attentifs à ses récits de temps de guerre ou comme si nous sous-estimions la souffrance liée à la faim et la probable déprime liée au fait de consommer un seul et unique aliment pendant si longtemps (avouons que si ça avait été de la pizza au lieu du topinambour, sa réaction aurait été sans doute plus mesurée). Le fait est que le topinambour, j’aime ça. Parfois même, j’en achète à mon producteur, je les ACHÈTE oui, je sors de l’argent de ma poche pour acheter ce légume de Satan, ce mets prohibé par la Saint Église de Mémé. Alors je ne le lui dis pas. C’est mon petit secret honteux que je ne lui divulguerai jamais. Car je crois qu’elle serait moins peinée de savoir que j’ai rencardé un dealer pour lui acheter de la coke, plutôt que d’apprendre que la chair de la chair de sa chair a osé acheter du topinambour en loucedé.

4. L’homosexualité

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S’il est une chose que ma grand-mère ne comprend pas, par dessus tout, c’est l’homosexualité. Ce n’est pas qu’elle ne les aime pas, plutôt qu’elle ne comprend pas ou plutôt se borne à ne pas vouloir voir l’homosexualité comme ce qu’elle est, à savoir une orientation sexuelle, pas un choix ni une maladie. Quand elle croise mes amis gays, ma grand-mère a toujours ce même regard attendri et compatissant et me confie souvent : « Dis donc, ces deux beaux jeunes hommes… Ils ont tout pour être heureux, quel dommage qu’ils soient comme ça ». « Comme ça », oui. Car être homosexuel-le lui semble être quelque chose que l’on subit, une sorte de malédiction qui vous tombe injustement dessus quand vous êtes tout petit, un handicap qui vous frappe sans prévenir – voire pire, une sorte de maladie exotique. On a beau tenter de lui expliquer que ce n’est pas une tare ni une maladie et qu’on connaît bon nombre d’homos parfaitement heureux en tout point, elle n’en démord pas et brandit cette preuve qu’elle veut irréfutable : l’homosexualité est une maladie contemporaine puisque « dans l’temps, y’en avait pas ». La vanne.

Là encore, inutile de tenter de convaincre mémé qu’il y avait aussi des homos à son époque mais qu’ils vivaient simplement de façon plus discrète : elle préférera mourir étouffée par une purée de topinambours plutôt que d’admettre que l’homosexualité n’est pas une nouveauté post soixante-huitarde. Pour elle, il ne peut s’agir que d’une maladie contemporaine qui s’abat injustement sur des hommes qui auraient pu avoir une vie heureuse avec une jolie épouse et sur des femmes condamnées à aimer les gonzesses au lieu d’avoir un mari grand et costaud. Elle ne juge pas les homosexuel-le-s, elle les plaint, elle les regarde avec compassion et émotion comme s’il s’agissait de chiots abandonnés, et au fond d’elle elle a bien envie de leur faire des tartines de cancoillotte trempées dans du Nesquick pour leur faire oublier le malheur de ne pas être hétéro. Il y a des choses dont on peut convaincre les vieilles personnes, d’autres pour lesquelles il est inutile d’insister. J’ai donc pour ma part cessé d’expliquer à ma grand-mère qu’il y avait aussi des couples homo à son époque et je lui parle plutôt du bonheur et de la normalité des couples gays que je connais. Je pense qu’elle doit en conclure que pour qu’ils soient si heureux, le « virus » a dû muter, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.

5. Les séries télé (autres que Les Feux de l’Amour)

Devant l’engouement du public pour les nouvelles séries télévisées, ma grand-mère se sent plutôt perdue. Elle ne parvient pas à piger qu’on puisse s’encombrer d’autant de programmes TV alors que l’on dispose, depuis de nombreuses années, de la sitcom la plus efficace de l’histoire de la télévision : Les Feux de l’Amour. À quoi bon se lancer dans de nouvelles sagas qui nous obligent à retenir les noms des personnages dont on ne sait pas toujours très bien s’ils sont bons ou méchants ? Pourquoi perdre son temps avec des séries dont il faudra attendre au moins dix épisodes avant que les choses sérieuses ne commencent enfin (par « choses sérieuses », comprenez « adultère et amours interdites ») ? Sans compter que si on rate un épisode, on ne pige rien aux suivants tant les intrigues sont parfois complexes.

Au moins avec Les feux de l’amour, on n’est jamais déçu et pour cause : même en ratant un an d’épisodes, on réussira toujours à reprendre le fil de l’intrigue. Et je dis cela très sérieusement hein. Tentez l’expérience par vous-mêmes et matez un épisode de la dernière saison : vous verrez que Victor Newman et Cricket en sont à peu près au même stade qu’en 1998 et vous parviendrez sans peine à retrouver vos repères (le fait que tout le monde couche avec tout le monde aidant évidemment à la compréhension des intrigues amoureuses). Et puis est-il une seule série dont le scénario puisse être plus passionnant, plus captivant que Les Feux de l’Amour

? Selon mémé, si vous répondez « Oui » à cette question, c’est que vous n’avez probablement jamais vu l’épisode où Ashley Abott vole le sperme restant de la vasectomie de Victor Newman pour se faire inséminer.

yrSharon, désespérée, vient d’apprendre (en lisant les lignes ci-dessus) le vol du sperme de Victor.

6. Les férus de lecture

Quand ma grand-mère regarde ma bibliothèque, c’est toujours la même question qui revient : « Comment fais-tu donc pour emmagasiner autant de choses dans ta tête ? ». Je crois qu’elle n’a jamais vraiment eu l’occasion de lire, étant prédestinée à passer son enfance à bêcher les champs et à torcher ses nombreux frères et soeurs plutôt qu’à suivre l’enseignement du maître d’école. Du coup, la lecture se résume pour elle à celle des catalogues et des articles people sur la famille princière de Monaco. Lire quelque chose qui nous délivre une information basique (le nombre de calories dans une boîte de tisane Ricola, l’état de santé du mari de Céline Dion, le calendrier Rustica…), ça oui, mémé comprend et adhère. En revanche, voir des gens plongés dans des livres juste pour le plaisir de s’évader ou de creuser un sujet, voilà qui la dépasse autant que cela la fascine. Toutes ces pages, tous ces chapitres, tous ces mots emmagasinés par le cerveau, Dieu que l’être humain est bien conçu ! Les férus de lecture lui sont toujours apparus comme des êtres à mi-chemin entre l’inadapté et le génie (quoique les deux ne soient pas incompatibles) et elle m’a toujours regardé avec une sorte de respect admiratif lorsqu’ado, je lisais pendant des heures sur la plage, y compris quand il s’agissait de romans de gare type S.A.S (les meilleurs).

7. Les jeux vidéo

J’imagine que beaucoup de vieilles dames sont, comme elles, complètement interloquées par les innovations technologiques de ces 20 dernières années, à commencer par les jeux vidéo. En grand-mère attentionnée, elle avait acheté une Mega Drive flambant neuve à ses petits-enfants l’année de sa sortie. Nous passions nos après-midis à jouer à Sonic le Hérisson et ma grand-mère passait les siens à nous regarder appuyer sur le joystick et à tenter de comprendre. Comment est-il possible qu’en appuyant sur un bouton, on parvienne à déplacer un personnage sur un écran ? Le mystère était total. Elle nous voyait tels des Docteurs Frankenstein capables d’animer un hérisson bleu virtuel par Dieu sait quelle magie. « Mais comment font ces bonshommes pour avancer comme tu veux ? Comment tu fais pour être sûre qu’il va aller là où tu lui dis d’aller ? ». Bien que consciente qu’il ne s’agissait pas là d’un véritable hérisson sous amphet’ prisonnier d’un téléviseur (ou alors, mémé se drogue ?), elle ne cessa d’être interpellée par cette étrange magie.

Vous imaginez donc à quel point j’ai jugé utile de ne pas trop m’étendre, depuis, sur des inventions telles que le GPS ou pire, l’écran tactile. Je craindrais que ma grand-mère ne finisse pas se sentir perdue dans un monde fourmillant d’étranges sortilèges qui rendent les objets tout-puissants ou permettent à l’homme et à la machine d’interagir le plus simplement du monde. Dites-vous bien qu’elle n’a toujours pas intégré le fonctionnement du magnétoscope alors comme dirait l’autre : on va pas pousser mémé dans les orties.

8. Les objets « jetables »

Parmi les objets qui ont révolutionné notre quotidien, les produits jetables arrivent sans doute en bonne position. Les mouchoirs en papier jetables ont détrôné les mouchoirs en tissu à carreaux (d’ailleurs je les regrette un peu ceux-là), la lingette jetable pré-imprégnée de détergent a supplanté la serpillère, le rasoir Bic a fait son apparition dans la plupart des salle de bains et la vaisselle jetable a révolutionné les pique-niques des familles nombreuses. Ma grand-mère trouve toutes ces inventions très pratiques ma foi. Le problème étant qu’elle ne voit pas pourquoi il faut jeter certains de ces produits dits « jetables », tant ils sont bien fabriqués et aptes à être réutilisés. Si on décide de manger dehors dans des assiettes en plastique, afin d’éviter la corvée de vaisselle, ma grand-mère s’en réjouira mais ne manquera pas de laver une à une chaque assiette jetable car après tout, ça peut encore servir – ruinant par la même occasion l’intérêt même de la chose. Si la nappe jetable en papier épais n’a pas été abîmée par un verre renversé ou un trop grand nombre de taches de graisse, ma grand-mère la repliera soigneusement et la rangera dans un tiroir pour la ressortir au prochain repas, non pas par radinerie mais juste parce qu’il serait dommage de jeter une nappe « encore bonne ». Quant aux rasoirs jetables, ma mémé en possède quelques dizaines car même si la lame est émoussée, ils peuvent toujours servir paraît-il – et puis on ne va pas jeter un objet dont le manche est encore en très bon état, même si le dit manche n’a aucune utilité (ou alors une utilité que je ne soupçonne pas et préfère peut-être ne pas connaître). Le jetable a donc été inventé pour être jeté mais ma grand-mère a invité un autre concept, celui du produit jetable que l’on ne jette pas parce que ce serait du gâchis et, surtout, parce que ça peut encore servir.

9. Les tatouages

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Régulièrement, quand je rends visite à ma grand-mère avec les bras un peu trop découverts, elle me dit sur un ton nostalgique : « Tu étais si belle avant ». Elle emploie ce mot, « avant », comme pour dire « avant le drame » ou « avant l’accident ». Ça aurait pu être : « Tu étais si belle avant d’avoir été défigurée par cet horrible chute de bobsleigh » ou « Tu étais si belle avant de perdre un oeil et de te couper les deux bras » sauf que non, là il s’agit tout simplement de « Tu étais si belle avant de tout gâcher avec tes gribouillages, sombre petite conne ». Elle repense à l’« avant » (avant le drame, donc, avant la déchéance) et se dit que c’est tout de même une chance que j’ai réussi à trouver un mari dans l’état où je me suis mise, me demande si ça ne le dérange pas pour de bon, lui, parce qu’à l’époque, jamais un homme n’aurait accepté, les tatouages c’était pour les femmes de mauvaise vie.

Je sais pas vous mais moi j’aime bien rendre visite à ma grand-mère et l’entendre me dire, indirectement, que je suis moche et que je ressemble à une vieille pute. Surtout quand juste après, elle me sert un Nesquick périmé depuis 2004 mais bon, passons. Toujours est-il que depuis toutes ces années, il n’est pas une seule fois où elle ne me demande si je suis bien sûre que mes tatouages vont rester toute la vie, s’il n’y a vraiment aucun moyen de les effacer, avant de s’indigner « Mais si tu l’savais que ça partait pas, pourquoi est-ce que tu t’es fait ça ? ». Ces jeunes qui s’auto-mutilent dans des salons de tatouages et de piercing, « comme s’ils avaient besoin de ça », voilà un autre point qui perturbe ma grand-mère au plus haut point et suscite son incompréhension. Du coup, j’ai décidé de lui dire que ça s’effaçait au bout de vingt ans et elle y croit un peu. Si elle finit centenaire et qu’elle pige la supercherie, elle va m’en vouloir, ça c’est sûr.

10. La sodomie

Je vous ai gardé le meilleur pour la fin : mémé et son avis très tranché sur la sodomie. « Tu as entendu à la télé, chez Cauet ? Ils parlaient de sodomie ». Quand une conversation commence de cette façon, tout être humain normalement constitué saurait qu’on s’aventure sur une pente glissante, sans mauvais jeu de mots. « Eh bien chez Cauet, ils disaient qu’y a même des femmes qui la pratiquent, tu t’rends compte ?! Bon, les homosexuels, j’entends bien, ils n’ont pas le choix, les pauvres » (forcément, à cause de leur maladie, si vous avez suivi) ; « Eux, faut bien qu’ils fassent comme ils peuvent, on va pas leur jeter la pierre hein, déjà qu’ils sont bien malheureux comme ça. Mais les femmes alors, les FEMMES ?! Mais bonne mémére, qu’est-ce qui peut bien passer par la tête d’une femme pour se dire « Oh tiens et si je me faisais faire une sodomisation » ?! Parce que pour l’hygiène, bonjour hein, tu me diras pas qu’y a pas des fois où y a des fuites, c’est inévitable. Et si tu as des hémorroïdes, je t’en cause même pas. Non non… non mais tout de même, le monde est fou ». Mémé, obsédée par les hémorroïdes et la propreté des draps since 1930.

Tout cela pour dire qu’aujourd’hui, je suis drôlement contente qu’il neige.


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Les Commentaires

62
Avatar de Lucieloukim
20 août 2015 à 16h08
Lucieloukim
Ah mes grands-mères et même mon arrière-grand-mère!

Alors mon arrière-grand-mère (grand-mère maternelle de mon père) je l'ai connu jusqu'à mes 11 ans et c'était un amour! Elle avait les cheveux entièrement blancs, pour moi ça devait être une espèce de déesse *.*
Elle était très attentive à l'électricité et au gase (gaz prononcé à la provençal) car c'était cher, et la nourriture... pff jamais vu une table aussi remplie c'était gargantuesque!! Mémé je n'ai plus faim ne me ressers pas quand je tourne la tête...
Ce qu'elle comprenait pas c'était les ordinateurs, grand mystère devant l'univers... Et pour sa génération le téléphone c'est pour prévenir que quelque chose de grave est arrivé! Elle courait dès qu'il sonnait
Après les tatouages ou les homos je pense que ça lui plaisait pas trop mais je lui posais pas ce genre de question à 10 ans ^^

Ma grand-mère maternelle était très contradictoire! Durant ses études à Lyon après-guerre elle avait été parmi les premières femmes à portes des pantalons dans les rues et elle se faisait traiter de "pute". Elle a été ingénieure toute sa vie dans une grande entreprise, elle était très fière de s'être hissé à ce rang social. Elle conduisait et pas mon grand-père. Pour moi c'était une femme très moderne pour son temps.
Mais d'un autre côté elle était très traditionnelle sur certains points comme le mariage, les homos ça lui plaisait pas des masses, les strings c'est des "coupes merdes" c'est pas hygiénique, les combats actuels du féminisme la dépassaient, les femmes doivent se respecter et ne pas se tatouer ou percer.
Enfin je pense qu'après avoir vécu la guerre puis l'après-guerre et tous les progrès qu'ont connu les femmes elle pensait l'objectif atteint. Pour moi elle ne se reconnaissait plus dans le XIXeme siècle et elle ressortait ce qu'elle avait appris petite pour se protéger...

Ma grand-mère paternelle (la fille de mon arrière-grand-mère si vous suivez bien) était quand j'étais petite mon modèle. Avec mon grand-père ils voyageaient beaucoup beaucoup, à la mort de mon grand-père elle a continué à voyager, seule, avec ses petits-enfants ou ses amies. c'est impossible de lister tous les endroits qu'elle a vu!
Elle m'a emmené au Japon, en Egypte, en Alsace, en Bretagne, en Espagne, en Tunisie... Elle a visité la Turquie, l'Allemagne et la Russie avec mon petit-frère. On allait au ski avec elle. Elle a emmené mes cousins aux USA, en Italie et bien d'autres endroits.
Elle part dans les Pouilles (sud de l'Italie) début septembre avec sa cousine ^^
Par contre l'informatique ça la dépasse totalement, internet aussi, les téléphones tactiles aussi elle ose pas les toucher.
Mais elle s'est ouverte sur certains sujets: les homos, on a un cousin éloigné qui l'est, et une fois on a su qu'elle l'avait invité avec son copain à manger on était :O
Le fait que je sois pas mariée et alors que je suis avec mon copain depuis un moment elle l'accepte, le fait que ma mère travaille elle l'accepte aussi à force. Et à force elle se détache de l'image de la femme soumise à son mari (ce qu'elle a été, mon grand-père était le roi à la maison)
Par contre que ce soit l'une ou l'autre on n'a jamais parlé sexe ou de sujets sensibles... Et je suis pas certaine d'avoir envie que ça arrive avec celle qui reste. A ses yeux je préfère rester en grande partie une enfant ^^
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